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04/10/2020
Pietro Mascagni : Cavalleria rusticana
Melody Moore (Santuzza), Brian Jagde (Turiddu), Elisabetta Fiorillo (Lucia), Lester Lynch (Alfio), Roxana Constantinescu (Lola), Anna Rad-Markowska, Manja Raschka (Donne), MDR Rundfunkchor Leipzig, Jörn Hinnerk Andresen (chef de chœur), Dresdner Philharmonie, Marek Janowski (direction)
Enregistré à Dresde (mars 2019) – 66’06
Pentatone 5186 772





Pendant plus de dix ans, le marché du disque a vécu une terrible récession, pendant laquelle il semblait impossible de produire même de rares intégrales d’opéra avec les plus grandes stars mondiales. Depuis plus d’un an, le marché a connu un rebond considérable. On produit à tour de bras, surtout des singles. Mais les intégrales d’opéra redeviennent fréquentes, au point qu’on peut se demander parfois si on a bien attendu l’occasion de rassembler les artistes qu’il fallait au moment opportun. Le présent enregistrement a été réalisé en marge de concerts réunissant Il tabarro de Puccini et Cavalleria rusticana, donnés au Kulturpalast de Dresde en mars 2019.


Le ténor américain Brian Jagde a le vent en poupe: il a connu un beau succès la saison passée à l’Opéra national de Paris en Alvaro de La Force du destin avec Anja Harteros. Il est fréquemment engagé en Radamès, Don José, Calaf, Pinkerton, Turiddu, bien que sa voix de ténor dramatique le destine plutôt au répertoire allemand (il sera Florestan à Berlin en 2021). Bien sûr, on n’attend pas du Philharmonique de Dresde des couleurs méditerranéennes, mais le Prélude montre l’orchestre à son meilleur sous la baguette, inattendue dans un tel contexte, de Marek Janowski. Les cordes offrent un phrasé intense, frémissant, du meilleur effet. L’entrée du ténor américain n’en est que plus catastrophique par contraste. Sa Sicilienne poussive semble ne pas convenir à une voix très centrale, dont les aigus poussés sont à l’opposé de l’aisance aérienne attendue dans cette page. Jagde a suivi une formation de baryton avant de débuter comme ténor, cela se ressent, et Turiddu n’est peut-être pas le rôle idéal pour lui en ce moment.


Mamma Lucia est un rôle de composition qui permet souvent aux mezzos au passé glorieux de finir leur carrière de façon pertinente. Mais l’Italienne Elisabetta Fiorillo n’a plus à offrir qu’un timbre très élimé et un vibrato relâché, sans que le personnage y gagne une incarnation mémorable. Peu à dire sur la Lola convenable de la mezzo roumaine Roxana Constantinescu, sans grande personnalité décelable ici. Le cas de Melody Moore est différent. La soprano américaine est encore peu célèbre, mais réussit une incarnation très pertinente de Santuzza: malgré des aigus peu éclatants et souvent raccourcis, elle offre un timbre riche et brillant, une diction italienne claire, et son incarnation sobre nous vaut un «Voi lo sapete, o mamma» de belle facture, sans effet vériste de mauvais aloi, magnifiquement accompagné par les violoncelles, et son aveu à Alfio, retenu, est émouvant. L’Alfio de Lester Lynch, lui, est bien banal: le timbre du baryton américain est beau et riche, malgré des graves peu aisés, mais l’aigu est difficile d’accès, ce qui nous vaut un triste combat de vibratos larges dans la scène entre Alfio et Turiddu, la diction du ténor se révélant par ailleurs très en dessous de ce qui est attendu ici.


L’Intermezzo déçoit, loin du magnifique Prélude: il manque de transparence, et n’émeut pas, avare en rubato comme en couleurs. Le chœur, sans italianità particulière, livre une belle prestation, les sopranos se mettant particulièrement en valeur dans la reprise de «Viva il vino spumeggiante», après que Brian Jagde a montré encore un vibrato excessif même dans les parties mezzo forte de l’aria. Son air final, censé être l’acmé de l’œuvre, est à oublier.


Au total, une intégrale qui ne permet que de découvrir un soprano qui rend justice à son rôle, c’est peu. Il n’est pas évident que Brian Jagde ait beaucoup à gagner dans ce répertoire. A tout prendre, une édition de la bande radio d’Amsterdam de septembre 2019, qui montre Brian Jagde entouré de la magnifique Santuzza de Rachvelishvili sous la direction inspirée et idiomatique de Lorenzo Viotti, eût peut-être été plus pertinente.


Philippe Manoli

 

 

 

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