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11/09/2019
Lucien Durosoir: Funérailles (*)
Philippe Hersant: Sous la pluie de feu

Hélène Collerette (violon), Nadine Pierre (violoncelle), Orchestre symphonique international Taurida (*), Orchestre philharmonique de Radio France, Mikhail Golikov (*), Pascal Rophé (direction)
Enregistré en studio à Saint-Pétersbourg (juillet 2017) [*] et en public à Paris (16 novembre 2018) – 60’32
Editions Hortus 736 («Les musiciens et la Grande Guerre», volume XXXVI)





La parution du dernier volume de la collection «Les musiciens et la Grande Guerre» est l’occasion de saluer cette formidable entreprise de l’éditeur Hortus, en partenariat avec le ministère des armées et sous le label de la Mission du centenaire de 1914-1918. Elle parvient donc aujourd’hui à son terme, avec deux inédits au disque: pour le second, rien de plus normal, puisqu’il s’agit d’une création, mais pour le premier, l’œuvre a attendu presque 90 ans ce premier enregistrement.


On la doit à Lucien Durosoir (1878-1955), déjà entrevu dans le volume XVIII avec son Poème pour violon, alto et piano et honoré ces dernières années par plusieurs albums publiés chez Alpha (voir ici et ici). Violoniste virtuose – il a par exemple donné la création française (en 1903!) du Concerto de Brahms – puis engagé tout au long de la guerre, où il forma un quatuor qui comprenait André Caplet à l’alto et Maurice Maréchal au violoncelle, il écrivit entre 1920 et 1950 une quarantaine de partitions, jamais éditées de son vivant, certaines d’entre elles n’ayant été créées que dans les années 2000 pour être créées et d’autres attendant encore. C’est le cas de ces Funérailles (1930), que le disque permet donc de découvrir avant même qu’elles n’aient connu une interprétation en concert.


Si son titre est lisztien, l’œuvre trouve son inspiration, bien sûr, dans «la souffrance et le sang de 25000 camarades» passés dans son régiment durant le conflit. En exergue de chacun des quatre mouvements de cette suite de grande ampleur (40 minutes) figurent en outre quelques mots tirés des Syrtes (1884) et des Cantilènes (1886) du poète symboliste Jean Moréas (1856-1910). Pour autant, la tonalité n’est pas uniment sombre, les mouvements impairs («Roses de Damas, [...] où sont vos parfums?», «Voix qui revenez, bercez-nous, berceuses voix»), d’allure modérée et de nature mélancolique, laissant s’épanouir davantage de vivacité et même de lumière dans les mouvements pairs («Je me souviens, je me souviens, ce sont ces défuntes années», «Toc, toc, le menuisier des trépassés», où un rythme de danse parvient à supplanter les interjections sardoniques).


Ni d’obédience plus ou moins tardivement franckiste comme d’Indy ou Roussel, ni post-impressionniste, ni néoclassique comme les Six, ni précurseur du Triton de Messiaen et Jolivet, Durosoir frappe par son indépendance et son originalité, à l’image d’un Koechlin ou, plus encore, d’un Migot. On pense même, avec cette instrumentation profuse, cette pâte orchestrale à la fois dense et raffinée, ce langage polytonal et ce contrepoint d’une grande complexité, où chaque ligne semble vivre sa vie sans se soucier des autres, à Villa-Lobos, Ives, Pettersson ou Vermeulen. Dans ces conditions, on peut se demander si cette musique ne gagnerait pas à être servie par une formation plus renommée que l’Orchestre symphonique d’Etat de l’oblast de Leningrad – également connu comme «Orchestre symphonique international Taurida» (il associe plusieurs nationalités, essentiellement originaires de la CEI), du nom du palais de Potemkine, prince de Tauride – avec son directeur artistique et chef principal, Mikhail Golikov, artiste du peuple de la République de Kabardino-Balkarie. En attendant, il s’agit d’une contribution de choix à la connaissance de la musique française de cette époque.


Philippe Hersant (né en 1948), quant à lui, n’a pas eu à patienter aussi longtemps pour que soit révélé au public Sous la pluie de feu, destiné à célébrer le centenaire de l’armistice, et a bénéficié d’interprètes au-dessus de tout soupçon. Le présent album offre l’enregistrement de la création, le 16 novembre 2018 à Radio France, de ce double concerto qui rappelle le Concerto pour la main gauche de Ravel (exactement contemporain des Funérailles et également marqué par la Grande Guerre) par sa forme (trois parties enchaînées), par sa durée (20 minutes) mais surtout par sa dramaturgie, les solistes, à savoir le violon – Lucien Durosoir – et le violoncelle – Maurice Maréchal – incarnant la voix du soldat face à l’orchestre. Un troisième combattant, André Pézard, spécialiste de Dante, a inspiré le titre, tiré du Chant XV de L’Enfer.


Comme souvent, Hersant aime à se fonder sur des citations ou réminiscences (germaniques) – ici le choral de Luther O Dieu, du ciel regarde ici-bas (repris dans une cantate de Bach et apparaissant comme «choral des hommes en armes» du second acte de La Flûte enchantée). Le compositeur indique en outre avoir repris, pour la violente partie centrale, des éléments d’un de ses Poèmes de Trakl. Indéniablement efficace, notamment dans ce bref combat qui n’est pas sans évoquer l’épisode similaire de la Huitième Symphonie de Chostakovitch, le propos apparaît toutefois, paradoxalement, moins novateur et personnel que celui de Durosoir.


Un site consacré à Lucien Durosoir
Le site de Philippe Hersant
Le site de l’Orchestre symphonique d’Etat de l’oblast de Leningrad


Simon Corley

 

 

 

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