Back
11/01/2019 «L’Alessandro amante»
Giovanni Battista Bononcini: Abdolomino: Preludio – L’Euleo festeggiante nel ritorno d’Alessandro Magno dall’Indie: «Da tuoi lumi» & «Chiare faci al di cui lume»
Georg Friedrich Händel: Poro, re dell’Indie, HWV 28: «So possono tanto due luci vezzose» – Alessandro, HWV 21: «Vano amore»
Giovanni Battista Pescetti: Alessandro nell’Indie: «Serbati a grandi imprese»
Agostino Steffani: Il zelo di Leonato: Sinfonia
Antonio Draghi: La vittoria della fortezza: «E insofferibile temerità» & «Premi e pene sono i fiori»
Francesco Mancini: Alessandro il grande in Sidone: «Spirti fieri alla vendetta» & Sinfonia
Leonardo Vinci: Alessandro nell’Indie: «Serbati a grandi imprese»
Leonardo Leo: Alessandro in Persia: «Dirti, ben mio vorrei»
Nicola Porpora: Poro: «Destrier ch’all’armi usato» Xavier Sabata (contre-ténor), Vespres d’Arnadí, Dani Espasa (clavecin et direction)
Enregistré à l’Auditori Axa, Barcelone (8-12 janvier 2018) – 64’30
Aparté AP 192 – Notice (en espagnol, français et anglais) de Xavier Sabata
Les chanteurs baroques cherchent aujourd’hui, concurrence et multiplication des gravures aidant, à se distinguer en participant à des redécouvertes de certains pans du répertoire ou en concoctant des programmes originaux: nul doute que ce disque fait partie de la seconde catégorie. Le fait de consacrer un récital à un personnage historique ou légendaire n’est pas nouveau (souvenons-nous du disque que Regula Mühlemann consacra à Cléopâtre chez Sony, de celui que Raffaele Pe dédia à son amant Jules César chez Glossa, du disque qu’Ann Hallenberg consacra à la figure d’Aggrippine chez DHM ou de l’hommage que rendit Vivica Genaux à la cantatrice Faustina Bordini chez DHM une fois encore): Xavier Sabata apporte à son tour une pierre à l’édifice. Le titre, «L’Alessandro amante», est parfaitement expliqué dans la notice d’accompagnement due à la plume du chanteur lui-même, sans doute un des meilleurs contre-ténors du moment. Bien que le titre soit celui d’un opéra perdu de Giovanni Antonio Boretti (1638-1672), c’est donc bel et bien la figure d’Alexandre le Grand tirée du Alessandro nell’Indie (1726) du fameux Métastase qui servit de base à de multiples opéras que Xavier Sabata se propose d’explorer ici. La figure d’Alexandre le Grand ne pouvait être en reste mais c’est moins le conquérant que la figure humaine, voire strictement amoureuse (y compris sous sa forme platonique), qui est ici célébrée. La réussite est totale.
Réussite totale en premier lieu grâce à un ensemble orchestral de toute beauté, conduit avec une rare intelligence du clavecin par Dani Espasa. Il faut dire qu’avec aux postes des deux premiers violons Lina Tur Bonet et Alba Roca, cela ne pouvait que virevolter à l’instar de cette véhémence de chaque instant dans l’étourdissant «Vano amore» tiré de Poro, re dell’Indie, opéra méconnu de Georg Friedrich Händel, décidément incontournable... Mais les cordes (sans oublier le théorbe et le clavecin) savent aussi se faire tout de velours dans l’air «Serbati a grandi imprese», un léger crescendo suffisant à donner un nouvel élan à des phrases musicales d’une apparente simplicité: les couleurs y sont magnifiques et magnifiées à la fois. L’ensemble catalan, créé en 2005 et qui, malheureusement, ne bénéficie pas d’une aura à la hauteur de ses qualités ici évidentes, sait également faire preuve d’une liberté et d’une imagination qui montrent bien, si cela était nécessaire, qu’un excellent soliste sans accompagnement à la hauteur peut s’avérer d’une grande platitude. Ecoutez à ce titre la vélocité des cordes dans l’air «Spirti fieri alla vendetta» issu de l’opéra de Mancini qui, en un rien de temps, savent se muer en doux accompagnement propre à sublimer les paroles chantées ou l’introduction à la fois d’une richesse émotionnelle et d’une nudité folle pour l’air «Chiare faci al di cui lume» de Bononcini, ce dernier air étant à notre sens à la fois le sommet du disque et une raison suffisante pour que les artistes de cet album l’enregistrent en intégralité.
Avec un tel écrin, Xavier Sabata voit son «travail» facilité, mais quel chanteur! Les vocalises sont aisées, le souffle est long, la diversité des émotions évidente même si l’on ressent parfois une légère réserve du chanteur. Sachant parfaitement différencier ses reprises (exemple topique avec l’air «Vano amore» déjà cité, où il peint avec adresse les tourments de la colère et du cœur) ou illustrer la solitude d’un héros historique, fût-il un des plus grands conquérants qu’on ait jamais connus. La voix campe tout aussi bien la fierté (quelle assurance dans «Serbati a grandi imprese»!) ou dans la galanterie fragile d’Alexandre dans l’extrait de l’opéra de Leonardo Leo. Contrairement à certains autres contre-ténors du moment qui attirent la lumière (et une partie du public) avec quelques artifices, voici un artiste complet qui a su ici réaliser un travail de la plus haute intelligence et dont la réalisation musicale est exemplaire.
Le site de Xavier Sabata
Le site de l’ensemble Vespres d’Arnadí
Sébastien Gauthier
|