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10/15/2019
«Rains»
Toshio Hosokawa : Regentanz Malika Kishino : Sange
Yoshihisa Taïra : Hiérophonie V
Tōru Takemitsu : Rain Tree (*)

Les Percussions de Strasbourg: François Papirer (*), Enrico Pedicone, Galdric Subirana (*), Thibault Weber, Hsin-Hsuan Wu (percussion), Min-Tâm Nguyen (*) (direction artistique)
Enregistré à Strasbourg (24-25 janvier 2019) – 66’13
Percussions de Strasbourg PDS 119 (distribué par Outhere) – Notice en français, anglais et japonais


Must de ConcertoNet





Sous leur propre label, les Percussions de Strasbourg proposent un récital en sextuor au programme tout japonais composé d’œuvres écrites entre 1975 et 2018 dont le célèbre ensemble a lui-même assuré la création, hormis la délicate Rain Tree de Tōru Takemitsu (1930-1996), longtemps à son répertoire. Le thème de la pluie les réunit: gouttelettes de pluie, pluie de pétales, mouvement et nature intériorisés et élevés en une célébration à la fois intense, et spirituelle.


L’énergie que déploient les percussionnistes et leurs cris rauques qui s’élèvent ancreraient Hiérophonie V de Yoshihisa Taïra (1937-2005) à l’époque de sa création à Royan en 1975, mais en accusent son intemporalité, les subtiles chuchotements instrumentaux qui suivent les éclats comme de légers battements de petite pluie, les sons graves qui roulent comme le tonnerre dans le chaos du ciel, les résonances élaborées à travers l’espace et l’intensité soutenue de la brève conclusion. L’instrumentation richement variée – attendue, inattendue, exotique et novatrice – et son implantation, reprises presque à l’identique pour Sange (2016) de Malika Kishino (née en 1971), soulignent l’hommage qu’elle a souhaité rendre à son aîné, dix ans après sa disparition. Le sange, c’est une pluie de pétales semées à l’air libre lors d’une cérémonie bouddhiste qui honore les défunts. Les semailles et la légèreté des pétales qui volent au gré du vent prêtent les rythmes de leurs mouvements aux gestes instrumentaux mais la douceur et la fragrance peut-être attendues cèdent le pas à l’ire des dieux et aux cuisants regrets des vivants. La terre gronde et le vent se fait strident et âpre. Les accalmies n’apportent ni paix ni repos. Le tour de force de Kishino, c’est la remarquable accumulation dynamique de styles de jeu et de strates de sons qui évoluent comme une forme de vie organique qui chemine in fine vers une profonde absence ressentie.


Commande des Percussions de Strasbourg, Regentanz (2018) de Toshio Hosokawa (né en 1955) est inspirée, en quelque sorte, par la nature mobile d’un jardin japonais sous la pluie. La pluie commence timidement – quelques gouttes avant une petite pluie, puis l’ondée, et leur effet sur des surfaces végétales et minérales différentes... Il est aisé, en somme, de voir la pluie comme source d’inspiration mais Regentanz est une célébration, un festival de rythmes, de sonorités, de textures et de résonances travaillées en trajectoire ou en ostinato, ponctué d’accalmies et de silences. C’est une riche variété inventive de tempos, de gestes, de frappes et de frottements magnifiquement menés à bien par les six percussionnistes, chacun devant un nombre impressionnant d’instruments européens et asiatiques, y compris des water gongs. La conclusion vient en double crescendo réjouissant avant le calme d’une brève coda qui laisse mourir la résonance.


Malgré le thème de la pluie, sa raison d’être, la composition de Takemitsu diffère des autres sur plusieurs points. Les percussionnistes ne sont plus que trois, tout comme les instruments qui sont tous à sons déterminés. Pour deux marimbas et vibraphone augmentés de crotales, Rain Tree (1981) est en essence un poème symphonique qui évoque un arbre oriental à petites feuilles serrées qui, longtemps après la pluie, en retient des gouttelettes qui tombent pêle-mêle au fil des heures. Tout en s’inspirant des rythmes irréguliers qui en résultent – gouttes isolées, gouttes en séries hésitantes, gouttes en cascade, gouttes qui tremblent encore au bord des feuilles – Takemitsu joue sur les résonances, sur les contrastes entre bois et métal et entre tintements purs et sons complexes nés de la mobilité des strates empilées. L’inventivité, la beauté sonore et la poétique de la pièce s’imposeraient, quand bien même elle ne porterait pas de titre.


Les Percussions de Strasbourg exercent à un même niveau d’excellence depuis 1962. La pluralité des partitions composées à leur intention a enrichi le répertoire et l’instrumentarium percussif au-delà des espérances légitimes. Les membres actuels, recrutés en temps et en heure depuis 1996, portent haut les valeurs de cet ensemble unique, fort de ses conquêtes techniques. Ils livrent ici une interprétation intensément ressentie, presque jouissive, de ces quatre œuvres, toutes d’une force créatrice remarquable. Une belle prise de son aérée et claire permet d’entendre sans cesse les éclosions de sons qui voyagent à travers l’espace.


Le site des Percussions de Strasbourg
Le site de Malika Kishino


Christine Labroche

 

 

 

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