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06/24/2019
Anton Bruckner : Symphonies n° 1 en ut mineur, WAB 101 (version Nowak 1866) [1], n° 2 en ut mineur, WAB 102 (version Nowak 1877) [2], n° 3 en ré mineur, WAB 103 (version 1889) [3], n° 4 «Romantique» en mi bémol majeur, WAB 104 (version 1878-1880) [4], n° 5 en si bémol majeur, WAB 105 (version Nowak 1875-1878) [5], n° 6 en la majeur, WAB 106 (version 1879-1881) [6], n° 7 en mi majeur, WAB 107 (version 1881-1883) [7], n° 8 en ut mineur, WAB 108 (version Nowak 1890) [8], et n° 9 en ré mineur, WAB 109 (version originale) [9]
Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks, Lorin Maazel [1, 2], Mariss Jansons [3, 4, 7, 8], Bernard Haitink [5, 6], Herbert Blomstedt [9] (direction)
Enregistré en public à la Philharmonie am Gasteig, Munich (22-23 [1], 27 [2] janvier 1999, 20-21 janvier 2005 [3], 26 et 28 novembre 2008 [4], 7-8 mai 2009 [9], 12 février 2010 [5] et 4-5 mai 2017 [6]) et dans la grande salle du Musikverein, Vienne (4 novembre 2007 [7] et 13 et 18 novembre 2017 [8]) – 583’34
Coffret de neuf disques BR-Klassik 900716 – Notice (en allemand et en anglais) d’Egon Voss





Le coffret consacré à l’intégrale des Symphonies d’Anton Bruckner qui nous est proposé ici par l’éditeur BR-Klassik est avant tout une formidable carte de visite pour l’un des meilleurs orchestres du monde. Car si la Bavière connaît notamment les Müncher Philharmoniker et le Bayerisches Staatsorchester (l’Orchestre de l’Opéra de Munich), l’Orchestre symphonique de la Radiodiffusion bavaroise (le Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks donc) est sans doute celui dont la réputation est la plus digne d’éloges. Fondé en 1949, ayant notamment eu pour directeurs musicaux Eugen Jochum et Rafael Kubelík et, depuis le mois d’octobre 2003, Mariss Jansons (ce qui justifie sans doute que ce soit la seule photo de chef dans le livret d’accompagnement), cet orchestre bénéficie également de la venue des plus grands chefs et solistes du monde, lui permettant de jouer un répertoire étendu où domine le «grand» répertoire germanique. Bruckner ne pouvait donc être en reste.


Si l’on débute l’étude de ce coffret dans l’ordre des symphonies, avouons que nous commençons par le maillon faible... Lorin Maazel n’est pas et, pour tout dire, n’a jamais été un brucknérien (encore que certaines interprétations aient parfois pu donner le change, notamment une plus qu’honorable Huitième Symphonie en 2013 au Théâtre des Champs-Elysées, à la tête du Philharmonique de Vienne). Et ce n’est pas l’accueil mitigé de son intégrale des Symphonies du maître de Saint-Florian avec l’Orchestre symphonique de la Radio bavaroise (dont sont issues les deux présentes symphonies) qui démontrera le contraire. L’interprétation des Première et Deuxième frappe constamment par la lourdeur et l’emphase du discours. Cette lourdeur confine même à la franche laideur dans le mouvement inaugurant la Première (tout particulièrement à partir de 3’15), les cuivres ayant souvent tendance à écraser le son plus qu’à le sublimer (13’10). Si le deuxième mouvement bénéficie d’excellents solistes, on ressent tout de même un vrai passage à vide tant Maazel semble manquer de vision dans cet Adagio. Le Scherzo, en dépit d’un Trio fait un peu à la va-comme-je-te-pousse, est de belle facture, le mouvement conclusif nous permettant de retrouver cette lourdeur inaugurale, décidément rédhibitoire dans Bruckner.


La Deuxième Symphonie est plus réussie. Le premier mouvement bénéficie d’un orchestre printanier et, bien conduit par Maazel, convainc plutôt même si l’on n’atteint pas les sommets qu’avaient pu explorer Carlo Maria Giulini dans cette symphonie dont il a signé la référence à la tête de l’Orchestre symphonique de Vienne (Testament). Les deux mouvements intermédiaires sont bien conduits et ne soulèvent aucune remarque particulière. Quant au Finale. Mehr schnell conclusif, il manque là aussi cette sorte de course à l’abîme qu’ont si bien réussie Giulini, Riccardo Muti ou Jochum (dans le cadre de son intégrale dresdoise, EMI puis Warner). Pour autant, reconnaissons-le, Lorin Maazel réalise là une version des plus honorables.


En revanche, ne tergiversons pas pour le volume suivant: Mariss Jansons signe une version tout à fait exceptionnelle de la Troisième Symphonie, prestation qui n’avait jamais été commercialisée jusqu’alors (pas plus que la Quatrième d’ailleurs). Dès le début du premier mouvement, on est totalement pris par cette pulsation conquérante, souveraine, implacable, inexorable: rien ne peut l’arrêter. Pour autant, ce Mehr langsam, misterioso s’éclaire en plus d’une occasion de couleurs pastel tout à fait agréables (grâce à des solistes exceptionnels, à commencer par le cor solo, vraisemblablement tenu par Eric Terwilliger ou Carsten Duffin) et auxquelles le chef letton recourt toujours à bon escient, contrebalançant ainsi la grandeur souveraine du mouvement. Après un magnifique passage (à partir de 11’50), chef et orchestre nous emmènent dans une somptueuse coda, véritablement conduite de main de maître. Les deux mouvements centraux sont également excellents, le troisième en particulier, où le Trio, pour une fois non négligé alors que tant de chefs se concentrent davantage sur le Scherzo en tant que tel, est innervé par une grâce incomparable. Le dernier mouvement, pour sa part mené tambour battant, soulève l’enthousiasme du public et le nôtre également: une des grandes versions de cette symphonie avec laquelle il faut désormais compter, à n’en pas douter.


Toujours sous la baguette de Jansons, la Symphonie «Romantique» s’épanouit avec une luxuriance orchestrale admirable mais qui semble parfois un peu lisse. Le premier mouvement est magnifique (les traits du violon solo et du hautbois à 5’15, le trombone à partir de 6’40), le chef letton alliant avec beaucoup de naturel et de continuité la tension de certains passages avec le côté presqu’élégiaque que l’on trouve dans d’autres. C’est le deuxième mouvement qui étonne le plus, puisqu’en lieu et place de la gravité habituelle, les cordes sont ici presque dansantes, légères plus qu’autre chose, la finesse semblant en être l’unique fil conducteur. Le fameux Scherzo de la Quatrième est dirigé avec une grande énergie, l’attention portée aux conditions d’enregistrement et la spatialisation de l’enregistrement permettant de bien individualiser les pupitres, qui répondent ainsi parfaitement les uns aux autres. Si la conclusion de la coda du dernier mouvement est très belle, on préfèrera néanmoins à cette version celles signées qui par Böhm, Abbado, Wand, Celibidache ou Thielemann, où la grandeur privilégie davantage le dramatisme sur le simple hédonisme.


La Cinquième Symphonie est, à nos yeux en tout cas, sans doute la plus complexe de Bruckner. Moins par ses dimensions (encore que..) qu’en raison de son discours qui peut facilement être décousu, notamment dans le deuxième mouvement, elle requiert plus que les autres un chef ayant une vraie vision de l’œuvre: autant dire qu’avec Bernard Haitink, on est servi (souvenons-nous de son excellente version viennoise publiée chez Philips). Le grand chef amstellodamois, pour qui Bruckner a toujours fait figure de pain quotidien, conduit le premier mouvement de façon implacable, servi par un orchestre d’une merveilleuse ductilité (les cordes, notamment le pupitre de violoncelles à partir de 2’55), sa direction donnant aux accélérations et aux tensions de l’œuvre (écoutez le passage à partir de 7’50 notamment) une force que l’on n’entend guère sous d’autres baguettes. Tout le dramatisme du deuxième mouvement est là, sans oublier la complexité de sa construction où l’organiste Bruckner apparaît très clairement derrière le compositeur. Le Scherzo déçoit un peu, manquant de violence et de ce côté conquérant que l’on aime y trouver, avant que Haitink ne conduise un dernier mouvement dont la hauteur de vue ne peut qu’emporter l’adhésion.


C’est également à Haitink qu’échoit la Sixième, cette «petite effrontée» comme aimait la surnommer Bruckner lui-même. Le premier mouvement est très beau mais, finalement, assez massif en dépit d’une coda magnifique: avouons qu’on préfèrera de loin ici la vision de Jansons qui, à la tête de l’Orchestre royal du Concertgebouw d’Amsterdam (sans doute l’un de ses plus grands disques des dernières années), manifestait davantage d’allant sans pour autant perdre de vue cette souveraine beauté. Le «cadet» reste également plus convaincant que son aîné dans le deuxième mouvement, même si Haitink le dirige avec une profonde noirceur, qui vous donne des frissons, notamment à ce moment où les pizzicati des basses introduisent un passage véritablement mahlérien. Les deux derniers mouvements n’appellent guère de remarques, si ce n’est pour souligner l’excellence des cuivres dans le quatrième, concluant ainsi une belle version de cette symphonie, mais qui ne bouleverse néanmoins en rien la discographie existante.


Sans aller jusqu’à dire que c’est un des «maillons faibles» de cette intégrale, avouons que la version de la Septième présentée ici ne soulève guère d’enthousiasme: certes, la réalisation est très belle mais on en a tellement d’autres, autrement prenantes, que son écoute s’oublie assez vite. Les mouvements impairs sont bien conduits mais avec un tel orchestre, comment ne pourrait-on pas avoir de sonorités luxuriantes, de cordes pleines, de cuivres rougeoyants? Le célèbre Adagio s’avère des plus séduisants, Jansons bénéficiant dès le début de cordes d’une ampleur et d’une plénitude qui forcent l’admiration, son sens de la progression faisant le reste jusqu’au climax (cuivres et coup de cymbales aidant) tant attendu. Le dernier mouvement est le plus convaincant ici grâce, là encore, à un orchestre rutilant: quelle cohésion!


Là encore, sans que les grandes versions soient détrônées (Karajan-Vienne en premier lieu, dans leur enregistrement commun d’octobre 1988, mais aussi Furtwängler-Berlin, Celibidache-Munich, Böhm-Zurich ou Haitink-Dresde entre autres), Jansons est beaucoup plus convaincant dans la Huitième Symphonie. Superbement enregistrée, elle débute par un premier mouvement où la grandeur attendue se double d’une attention portée à certains détails instrumentaux que l’on n’avait pas toujours aussi clairement perçus (le basson à 3’28, juste avant l’arrivée de la clarinette et du hautbois): une réussite en soi. Si le deuxième mouvement joue sur un classicisme de bon aloi (bien fait et sans anicroche), le sublime Adagio suscite davantage d’intérêt. Si Jansons ne prend pas toujours assez son temps (en dépit d’un minutage retenu), certaines phrases étant un peu hâtivement conduites, certains silences n’étant pas toujours assez longuement marqués, l’orchestre impose une vision emprunte d’une solennité apaisée où certains passages suscitent une indéniable émotion: l’entrée des Wagner-Tuben à 6’ est tout bonnement extraordinaire. On ne retrouvera pas ici de dimension mystique (que l’on pouvait avoir chez Karajan, ou même chez Boulez dans son unique enregistrement viennois de l’œuvre), Jansons préférant l’aborder de façon plus humble, plus humaine en quelque sorte: le discours est différent, il n’en est pas moins convaincant. Le Finale est très bien conduit, Jansons donnant à la coda toute la majesté requise: une excellente version de celle qui demeure à bien des égards le sommet symphonique du maître de Saint-Florian.


Herbert Blomstedt, pour qui nous professons une admiration sans borne, est un chef à l’allure facétieuse: ce n’est pas le moindre paradoxe de ce coffret que de l’avoir retenu pour la Neuvième Symphonie, sans doute la plus mystique et la plus émouvante, la partition étant restée inachevée en raison de la mort du compositeur. Si Bruckner n’a jamais quitté l’horizon de Blomstedt, leur compagnonnage n’a cessé de prendre de l’ampleur au cours des dernières années, le chef suédo-américain ayant signé au disque une magnifique intégrale avec l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig et ayant donné au concert de splendides interprétations à la tête des Philharmoniques de Berlin ou de Vienne, de l’Orchestre de Paris ou de la Staatskapelle de Dresde. Cette Neuvième, qui est publiée pour la première fois dix ans après avoir été enregistrée et qui était donc jusque-là totalement inédite, témoigne une fois encore de la maîtrise par Blomstedt de ce répertoire, et d’une fraîcheur interprétative dont il ne se départ jamais, le chef choisissant une fois encore l’édition originale comme il l’a déjà tant de fois fait avec d’autres symphonies de Bruckner... Le premier mouvement nous emporte dans un véritable tourbillon avec certaines fulgurances (les cordes à partir de 13’33!) que l’on n’a jamais entendues auparavant: le résultat est formidable. Le Scherzo est implacable mais ce martellement (les timbales!) est fortement tempéré par un Trio on ne peut plus espiègle, pris peut-être un rien trop rapidement, avec des violons d’une incroyable légèreté qui jouent en ayant véritablement l’air de ne pas y toucher. Le contraste n’est est que plus saisissant. Le troisième mouvement est abordé avec gravité mais, connaissant Blomstedt, une gravité bienveillante (les cuivres n’annoncent à aucun moment de fracas tragique mais se tournent bien davantage vers une sorte de lumière résolument optimiste) et non emplie de religiosité comme chez certains autres de ses devanciers. L’apaisement conclusif n’en est que plus patent, concluant ainsi une Neuvième à bien des égards atypique mais ô combien émouvante: Blomstedt est serein, et nous avec...


Le site de l’Orchestre symphonique de la Radio bavaroise


Sébastien Gauthier

 

 

 

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