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08/20/2017
«Schumann. Music for Clarinet»
Robert Schumann : 12 Klavierstücke für kleine und grosse Kinder, opus 85: 6. «Trauer» & 12. «Abendlied» – Drei Romanzen, opus 94 – Fantasiestücke, opus 73 – Märchenerzählungen, opus 132 – Spanisches Liederspiel, opus 74: 4. «In der Nacht»
Clara Schumann : Drei Romanzen, opus 22

Patrick Messina (clarinette), Pierre Lenert (alto), Fabrizio Chiovetta (piano)
Enregistré au Reitstadel, Neumarkt in der Oberpfalz (27-29 juin 2016) – 54’51
Aparté AP153 – Notice (en français et en anglais) de Nancy Rieben


 Sélectionné par la rédaction





«Waiting for Clara»
Robert Schumann : Fantasiestücke, opus 73 – Drei Romanzen, opus 94 – Märchenerzählungen, opus 132
Clara Schumann : Drei Romanzen, opus 22 (arrangement Hervé)
Johannes Brahms : 2 Gesänge, opus 91 (arrangement Hervé) – 5 Lieder, opus 49: 4. «Wiegenlied» (arrangement Sugitani)

Isabelle Druet (mezzo-soprano), Julien Hervé (clarinette), Pierre-Marc Vernaudon (alto), Jean-Hisanori Sugitani (piano)
Enregistré au Doelen, Rotterdam (août 2015) – 66’04
NoMadMusic NMM042 – Notice (en français et en anglais) de Julien Hervé





La clarinette ne figure pas au premier plan dans l’œuvre de Robert Schumann (1810-1856) puisque, dans le domaine de la musique de chambre, à côté de l’écrasante part prise par le piano, le violon ou le hautbois ont donné lieu à des compositions plus nombreuses et, de fait, plus connues. C’était sans compter trois facteurs! La liberté du compositeur tout d’abord puisque Schumann a lui-même spécifié que certaines œuvres pour hautbois (les Drei Romanzen par exemple) pouvaient être jouées à la clarinette. Les possibilités ensuite offertes par l’art de la transcription, certaines œuvres ayant par exemple été composées pour le violon et le piano et pouvant sans difficulté être interprétées à la clarinette. Enfin, l’opportunité de prendre en considération non seulement Robert mais également son alter ego dans la vie comme dans la musique, en la personne de Clara Schumann dont les magnifiques Drei Romanzen ont été choisies tant par Patrick Messina, clarinettiste solo de l’Orchestre national de France, que par Julien Hervé, qui occupe aujourd’hui le poste de clarinette solo au sein de l’Orchestre philharmonique de Rotterdam.


Au-delà d’une musicalité aussi pertinente chez l’un que chez l’autre – la tradition française de la clarinette, décidément, continue de bien se porter! – avouons que la vision de Patrick Messina nous convainc davantage. Dans les Fantasiestücke, la comparaison ne souffre aucun doute. Mieux enregistrés (chez Julien Hervé et Jean Sugitani, on perçoit trop souvent un léger halo qui empêche de bien distinguer les deux instrumentistes même si, au début de la pièce notée Zart und mit Ausdruck, l’équilibre clarinette/piano nous semble meilleur que chez Messina et Chiovetta), le soliste du National séduit par un jeu plus naturel, plus emporté, plus délicat aussi dans l’approche (Lebhaft, leicht). Au contraire, Julien Hervé semble parfois trop «scolaire»: tout est en place mais l’ensemble se révèle plus contemplatif et plus retenu, là où l’on aimerait davantage de fougue sans bien sûr d’excès de sentimentalisme. La dernière pièce (Rasch und mit Feuer) semble davantage convenir à Julien Hervé qui se libère enfin, même si les sonorités de sa Buffet-Crampon s’avèrent moins séduisantes que celles de la Buffet-Crampon de Patrick Messina, le discours de ce dernier frappant par sa fluidité.


Dans les quatre Märchenerzählungen, Patrick Messina et ses comparses, Fabrizio Chiovetta et Pierre Lenert, vont plus loin que Julien Hervé, Jean Sugitani et Pierre-Marc Vernaudon. Grâce là encore à une meilleure prise de son qui distingue mieux la voix de chaque protagoniste, la première (Lebhaft, nicht zu schnell) bénéficie d’une plus belle clarinette chez Messina, l’allure allante convenant mieux à la mélodie. Si la deuxième est bien faite chez Hervé, elle bénéficie d’une plus grande évidence chez Messina: inutile de pointer le doigt sur tel ou tel trait, sur un accent ou une appogiature puisque la liberté de jeu permet de tout entendre avec le plus grand naturel possible. Si le tempo choisi par Patrick Messina peut paraître légèrement trop rapide (dans l’idéal, un tempo intermédiaire entre les deux clarinettistes serait parfait), son jeu convient davantage, notamment grâce aux résonances sur la fin du mouvement. La troisième (Ruhiges Tempo, mit zartem Ausdruck) est la bonne surprise du disque de Julien Hervé: tout y est! Superbe clarinette, délicatesse de l’ensemble, belles couleurs (apaisées quoique parfois légèrement inquiétantes): alors pourquoi une aussi grande déception avec le dernier morceau qui, handicapé par des sonorités d’alto assez moyennes, s’avère soudain si laborieux et engoncé? Au contraire, Messina adopte immédiatement le climat conquérant souhaité, ne négligeant pas les touches légèrement humoristiques de la partition, le piano et l’alto étant au diapason de la vision du principal soliste.


Les Drei Romanzen de Clara Schumann (1819-1896) sont initialement déstinées au violon, plus spécifiquement au grand Josef Joachim. Julien Hervé comme Patrick Messina ont choisi de les jouer: c’est peut-être dans ces trois pièces que l’un et l’autre font le plus jeu égal même si, là encore, le second l’emporte à nos yeux. La sonorité est plus chaude, les suraigus moins perçants (notamment dans la première Romance), le dialogue avec le piano plus harmonieux et plus rêveur. La deuxième Romance témoigne une approche volontairement différente, et pas seulement au point de vue du tempo (2’25 chez Messina contre 3’09 chez Hervé); ici, on perçoit des suraigus moins faciles chez Hervé, Messina jouant davantage sur le registre du clin d’œil (les appogiatures), le discours gagnant ici en évidence. Dans la dernière romance, les deux dialogues clarinette/piano sont bons (très bon piano de Jean Sugitani) et il est piquant de ressentir à ce point la même appréhension dans les aigus, clou de deux visions également recevables.


Les Drei Romanzen que Schumann (Robert cette fois-ci) a composées pour le hautbois et le piano en décembre 1849 peuvent également être interprétées à la clarinette. Patrick Messina opte pour une vision tout en contrastes: un climat nostalgique voire insouciant dans la première, une plus grande clarté dans la deuxième (avec une section centrale assez tourmentée), une noirceur qui se mue là encore en douce luminosité dans la dernière. Ici, ce qui différencie l’interprétation des deux clarinettistes, c’est peut-être, outre une certaine uniformité chez Julien Hervé, un dialogue très différent entre la clarinette et le piano. Alors qu’il joue presque le rôle de faire-valoir chez Hervé/Sugitani, on perçoit un équilibre plus évident chez Messina/Chiovetta, notamment dans la deuxième Romance, où le jeu se fait vraiment d’égal à égal.


Chacun a ensuite choisi quelques compléments à ces quatre œuvres communes. Trois adaptations pour Messina: remarquable entrée en matière du disque d’ailleurs avec ce «Trauer», sixième pièce d’un ensemble de douze exercices pour piano à quatre mains «pour petits et grands enfants» (1849), qui coule avec un naturel confondant. Quant au «In der Nacht» conclusif, il boucle la boucle de ce disque, la partition mettant particulièrement en valeur le bel alto de Pierre Lenert. Excellente idée chez Julien Hervé que d’avoir invité Isabelle Druet pour interpréter avec finesse trois lieder de Brahms, la clarinette de basset remplaçant avec une musicalité évidente l’alto dans les deux lieder de l’Opus 91.


Le disque signé Patrick Messina s’impose donc assez largement; mais il ne doit pas occulter la réalisation de Julien Hervé qui, encore une fois, porte haut les couleurs de la clarinette française à l’étranger, et c’est très bien comme ça!


Notre entretien avec Patrick Messina
Le site de Fabrizio Chiovetta
Le site de Pierre Lenert


Sébastien Gauthier

 

 

 

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