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07/16/2017
Edward Elgar : The Dream of Gerontius, opus 38
Catherine Wyn-Rogers (mezzo-soprano), Andrew Staples (ténor), Thomas Hampson (baryton-basse), RIAS Kammerchor, Justin Doyle (chef de choeur), Konzertchor und Jugendchor der Staatsoper Unter den Linden, Frank Flade (chef de chœur), Staatsopernchor Berlin, Martin Wright (chef de chœur coordinateur), Staatskapelle Berlin, Daniel Barenboim (direction)
Enregistré en public à la Philharmonie de Berlin (9 et 10 septembre 2016) – 93’58
Album de deux disques Decca Classics 0289 483 1585 7





Directeur musical de la Staatskapelle de Berlin depuis 1992 et, depuis 2000, chef principal à vie, Daniel Barenboim explore avec son orchestre un vaste répertoire romantique et postromantique qui inclut certaines œuvres marquantes d’Edward Elgar (1857-1934). Après le Concerto pour violoncelle et les Première et Deuxième Symphonies, vient le magistral Rêve de Géronte (1899-1900), présenté et enregistré au Musikfest de Berlin en septembre 2016 avec le concours d’Andrew Staples, le Géronte de la première partie de l’œuvre et l’Ame de Géronte de la seconde, de Catherine Wyn-Rogers, l’Ange qui accompagne les errances de l’Ame, et de Thomas Hampson, le prêtre qui veille sur Géronte et, en seconde partie, l’Ange de la passion (Angel of Agony).


D’une profonde spiritualité, l’œuvre fortement intériorisée fait appel non seulement aux trois solistes mais à un chœur important et à un demi-chœur de voix élevées qui, loin de narrer ou de commenter l’action à l’ancienne, prennent tour à tour les rôles d’amis et de proches, de démons, d’êtres angéliques et d’âmes au purgatoire. Ce n’est donc ni un oratorio ni une cantate – et Elgar insistait sur ce point – mais une dramatisation symphonique et vocale d’un texte adapté par le compositeur lui-même du long poème mystique du cardinal John Henry Newman, The Dream of Gerontius (1865), qui évoque sans récitatif passif la mort de Géronte et l’errance de son âme jusqu’au purgatoire. Coloriste et excellent orchestrateur, Elgar y déploie, avec une ferveur touchée par la grâce, toute sa science mélodique, contrapuntique et harmonique.


Attentif au chant et à son climat psychologique, Barenboim exploite habilement le caractère dramatiquement actif de la partie orchestrale, obtenant d’une Staatskapelle engagée une richesse sonore tout empreinte d’une charge émotionnelle d’une touchante noblesse, ce dès le Prélude qui tisse subtilement ensemble les grands motifs de l’œuvre à la manière d’un prélude de Wagner ou d’une ouverture d’opéra. Sa direction, toujours intense, devient audacieuse lors du chœur des démons «Low-born clods...». Il en marque les rythmes à la limite de la syncopation et met en relief les rudesses corrosives du son orchestral en contraste total avec la délicatesse lumineuse qu’il obtient de son orchestre en particulier lors de la brève Introduction à la seconde partie. La Staatskapelle de Berlin déploie à tout instant de luxueuses couleurs aux nuances fines ou fortes.


Entendre le beau son des chœurs berlinois est un plaisir en soi. Leurs forces à géométrie variable permettent aux choristes d’endosser les rôles contrastés conçus par le compositeur. La profondeur humaine marque, dans la première partie et brièvement dans la seconde, celui des proches de Géronte qui, comme celui des âmes au purgatoire, tranche tout autant sur le demi-chœur céleste (et sublime) que sur le chœur fugato des démons, leur réussite démoniaque étant plus difficile à obtenir, sans doute, que le tutti de l’hymne fugué «Praise to the holiest in the heights», d’essence plus germanique, dans lequel l’orchestre encourage d’impressionnantes variations de dynamique et de puissance sonore.


Les trois solistes n’en sont pas à leur coup d’essai. Leur expérience passée a permis à Catherine Wyn-Rogers et à Andrew Staples de remplacer au pied levé Sarah Connolly et Toby Spence (lui-même le remplaçant de Jonas Kaufmann, malade), qui, victimes à leur tour, ont dû se retirer au dernier moment. La voix de ténor léger d’Andrew Staples peut donner une impression de jeunesse qui ne convient pas pleinement au monologue intérieur de Géronte mourant auquel il semble rester plus détaché mais, plus lyrique que léger, Staples apporte une belle lumière à l’Ame de la seconde partie au cours de son dialogue avec l’Ange et on ne peut rester insensible à son poignant «Take me away» conclusif. Le large vibrato de Catherine Wyn-Rogers peut gêner le flux du dialogue avec l’Ame mais ses interventions plus longues gomment en partie cet inconvénient et la mezzo-soprano assume pleinement la tendresse ineffable du «Softly and gently...» final. Malgré un vibrato plus marqué qu’à son ordinaire et peut-être un rare manque de conviction, la belle voix sombre de Thomas Hampson concède une certaine autorité au Prêtre qui s’adresse à ses ouailles et apporte des nuances bienvenues à la plaidoirie anaphorique en faveur des âmes au purgatoire prononcée par l’Ange de la passion.


Michel Fleury, connu pour ses travaux sur la musique française et britannique du début du XXe siècle, considère que Le Rêve de Géronte «domine l’œuvre d’Elgar» et qu’«il en émane une émotion profonde, aussi poignante aujourd’hui qu’à sa création». Cela peut expliquer le grand intérêt (voire la passion) avec lequel les amateurs de ce drame sacré abordent chaque nouvelle version – et il y en a une petite vingtaine actuellement. Celle-ci ne manque pas d’atouts.


Christine Labroche

 

 

 

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