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05/08/2017
«unanswered love»
Aribert Reimann : Drei Gedichte der Sappho
Hans Werner Henze : Nachtstücke und Arien
Wolfgang Rihm : Aria/Ariadne

Juliane Banse (soprano), Deutsche Radio Philharmonie Saarbrücken Kaiserslautern, Christoph Poppen (direction)
Enregistré dans la Grosser Sendesaal de la Radio sarroise, Sarrebruck (juin 2009) – 63’01
Wergo WER 7360 2 (distribué par Distrart) – Notice en allemand et en anglais


Must de ConcertoNet





Expressivité exaltée, lyrisme méditerranéen, amorces avec la tonalité, liberté farouche du langage: autant d’éléments détonants au sein du pointillisme sériel triomphant des années 1950. Aussi la création en 1957 au festival de Donaueschingen par Gloria Davy (soprano) et Hans Rosbaud des Nocturnes et Arias se solda-t-elle par un scandale. Un rien revanchard à l’égard de ses anciens acolytes (Boulez, Stockhausen et même le «camarade» Nono, qui quittèrent ostensiblement la salle dès les premières mesures), Hans Werner Henze (1926-2012) rappela dans son autobiographie que l’œuvre fut programmée quatre ans après par Karl Böhm et le Philharmonique de Berlin; une affiche impensable pour la musique d’avant-garde cultivée alors dans le sérail des festivals de Darmstadt et Donaueschingen...


Le cycle, alternant «Nocturnes» et «Arias» (sur des poèmes d’Ingeborg Bachmann, amie intime et exacte contemporaine de Henze), est devenu entretemps l’un des plus joués du compositeur. Juliane Banse en donne l’interprétation la plus aboutie à ce jour: la vocalité met en valeur son long soprano lyrique, dont les reflets moirés concurrenceraient ceux d’un mezzo-soprano. La voix évolue parmi un orchestre particulièrement imposant (bois par trois) avec la ductilité d’une liane suspendue à une dense végétation. Christoph Poppen s’emploie de son côté à ciseler les lignes polyphoniques sans aliéner la tension dramatique sur l’autel de la clarté. Bien qu’estimables, les versions de Claudia Barainsky/Markus Stenz (Phoenix, très expressionniste) et de Michaela Kaune/Peter Ruzicka (Wergo, trop placide) doivent s’incliner.


Les pièces d’Aribert Reimann (né en 1936) et Wolfgang Rihm (né en 1952) sont enregistrées en premières mondiales. Points d’orgue, brusques embardées, micro-inflexions: Rihm entend coller au plus près aux Poèmes pour Dionysos de Nietzsche et réaliser ainsi l’unité du texte et de la musique dans Aria/Ariane, «Szenarie» pour soprano et orchestre de chambre (2001). Mais le basculement incessant vers la folie du philosophe, comme l’écriture musicale dont la pente naturelle glisse vers la prolifération incoercible du matériau rendent «le fil d’Ariane» difficile à saisir pour l’auditeur, lequel perçoit moins cette fusion recherchée qu’un équilibre instable.


Cette manière qu’a Juliane Banse de chanter cette musique avec la même évidence qu’un lied de Schumann, on la retrouve dans les périlleux (pour la justesse) Poèmes de Sapho (traduits en allemand) de Reimann, composés en 2000. Le début a capella obéit à une sorte d’arioso atonal, riche en larges intervalles. L’effectif, réduit à neuf instruments, se complaît dans les textures raréfiées (cordes divisées) dans les pièces extrêmes, tandis que la pièce centrale, rythmiquement plus complexe, donne à entendre d’âpres clusters, comme si la protagoniste (Aphrodite, dont l’amour ne sera jamais payé de retour) se murait dans son chagrin et ses désillusions. Voluptueuse, la voix de Juliane Banse conserve son galbe jusque dans les passages les plus puissants et déclamatoires, portée par la direction attentive de Christoph Poppen. Tant d’éloquence rachète l’absence regrettable de traduction française des textes. Un disque qu’on a plaisir à réécouter.


Jérémie Bigorie

 

 

 

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