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02/27/2017 Robert Schumann : Fantaisie, opus 17 – Kreisleriana, opus 16 Jean-Philippe Collard (piano)
Enregistré à la Cité de la musique et de la danse, Soissons (7-10 avril 2016) – 63’57
La Dolce Volta LDV 30 (distribué par Harmonia mundi) – Notice de présentation en français, allemand, anglais et japonais
Sélectionné par la rédaction
Robert Schumann : Papillons, opus 2 – Carnaval, opus 9 – Davidsbündlertänze, opus 6
Philippe Bianconi (piano)
Enregistré à la Cité de la musique et de la danse, Soissons (4-6 avril 2016) – 77’51
La Dolce Volta LDV 28 (distribué par Harmonia mundi) – Notice de présentation en français, allemand, anglais et japonais
La Dolce Volta aime Schumann. C’est l’évidente conclusion à laquelle on parvient à l’écoute de ces deux albums édités avec soin (lire les notices du premier et du second disques), enregistrés au même moment (au début du mois d’avril 2016), au même endroit (en terres soissonnaises) et dans des conditions superlatives par deux pianistes français d’exception.
L’album de Jean-Philippe Collard (né en 1948) marque les esprits. Un poète du clavier est à l’œuvre dans la Fantaisie en ut majeur (1838). Le temps suspend son vol sur un premier mouvement en apesanteur, tout entier enveloppé d’une douceur chaleureuse. Sans violence ni ennui, le toucher est d’une fluidité qui se fait caresse sur l’ivoire du clavier. Dans le deuxième mouvement, la profondeur de frappe et l’opulence des accords ne bousculent pas davantage le propos, même si la chaleur de la prosodie peut par moments paraître suffocante. Tout respire la liberté. Le dernier mouvement va à l’essentiel, sans s’attarder ni oublier de chanter. Le même rythme balançant que dans le premier mouvement crée l’unité et force la concentration. Le sentiment d’une mélodie sans fin apparaît très vite, alors que l’émotion naît de l’évidence d’un propos rempli de certitudes et de hauteur de vue.
Le kaléidoscope de Kreisleriana (1838) est un arc-en-ciel de musicalité, à la rythmique épatante et aux couleurs multiples. Jean-Philippe Collard a le don de faire changer les atmosphères, comme dans la succession de tempêtes et d’accalmies qui emporte tout dans le Sehr innig und nicht zu rasch – sans jamais détruire l’unité du discours – ou encore dans la fraîcheur du Sehr lebhaft. On peut rechercher une douleur plus ostentatoire au cœur du Sehr aufgeregt, mais on ne résiste pas à l’émotion intense et sincère de son emballement. Il n’est pas interdit de penser que le premier Sehr langsam doit s’appuyer sur davantage de lenteur et d’emphase, et le second sur moins de ralentis, mais on résiste difficilement à la justesse du lyrisme. A un Sehr rasch tendu et électrique succède un Schnell und spielend qui se détend avec la dextérité d’une mante religieuse et qui tisse une toile riche en couleur, en épaisseur, en émotion.
Après les réussites de ses albums Chopin et surtout Debussy chez le même éditeur, Philippe Bianconi (né en 1960) livre un Schumann de bonne tenue. Les Papillons (1831) n’ont certes pas la grâce et l’évidence des meilleures versions – la faute à un toucher parfois trop violent et à un discours qui manque de surprises. Mais ils virevoltent avec beaucoup d’intelligence et de charme.
Carnaval (1835) pâtit également d’un toucher puissant et électrisant – trop affirmatif par moments (pour «Pierrot», pour la «Marche contre les Philistins» ou même pour «Florestan» – anti-modèle absolu d’un «Eusebius» éclairé avec douceur et lenteur). L’ensemble reste revigorant (la vivacité de «Papillons», l’emportement des «Lettres dansantes», le pas de valse de «Paganini») et parvient à faire chanter «Chiarina» presque autant que «Chopin» (personne n’oublie que Philippe Bianconi a accompagné le baryton Hermann Prey dans nombre de lieder). L’enchaînement logique avec les Danses des compagnons de David (1837) vient apporter la preuve de la cohérence stylistique de ce Schumann terrien, vif, solidement charpenté – mais qu’on voudrait souvent voir prendre de la hauteur.
Le site de Jean-Philippe Collard
Le site de Philippe Bianconi
Gilles d’Heyres
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