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02/15/2017
«Orchestral Works 1»
Alberto Ginastera : Pampeana n° 3, opus 24 [1] – Ollantay, opus 17 [2] – Estancia, opus 8 [3]

Lucas Somoza Osterc (récitant, baryton), BBC Philharmonic, Juanjo Mena (direction)
Enregistré à Manchester (14 janvier [3] et 4 mars [1, 2] 2014) – 66’22
Chandos CHAN 10884 – Notice (en français, anglais et allemand) de Gerald Larner, textes en espagnol et en anglais





«Orchestral Works 2»
Alberto Ginastera : Panambí, opus 1 [1] – Concerto pour piano n° 2, opus 39 [2]

Xiayin Wang (piano), Ladies of Manchester Chamber Choir, Jonathan Lo (chef de chœur), BBC Philharmonic, Juanjo Mena (direction)
Enregistré à Manchester (15 et 30 novembre 2015 [1], 22-23 mars 2016 [2]) – 69’07
Chandos CHAN 10923 – Notice (en français, anglais et allemand) de Gerald Larner et Juanjo Mena


 Sélectionné par la rédaction





Après Manuel de Falla, Joaquín Turina et Xavier Montsalvatge, Juanjo Mena porte son attention sur un quatrième compositeur de langue espagnole. A la tête de l’Orchestre philharmonique de la BBC dont il est le premier chef principal depuis 2011, il rend hommage à Alberto Ginastera (1916 -1983), en célébrant le centenaire de sa naissance par une série d’enregistrements entièrement consacrés à sa musique orchestrale. Le premier volume est paru en janvier 2016, le deuxième en novembre 2016. Un troisième est encore en préparation.


Mettant l’accent sur la première période (jusqu’en 1947), les deux programmes de Juanjo Mena donnent une excellente idée de la force et de l’originalité de la musique de Ginastera. Le chef espagnol et le Philharmonique respectent scrupuleusement les indications du compositeur mais, pour le premier volume, peut-être ne soignent-ils pas tout à fait suffisamment le relief orchestral. En grande forme pour le deuxième, ils semblent plus en phase avec les deux œuvres, qui touchent aux extrêmes de la carrière du compositeur.


Les ballets Panambí (1934-1937) et Estancia (1941) puis Ollantay (1947) relèvent d’un «nationalisme objectif» selon la terminologie du compositeur. C’est un sentiment double, puisqu’il chante aussi bien l’héritage populaire des gauchos que les racines précolombiennes de son pays. Pampeana n° 3 (1954), «pastorale symphonique en trois mouvements», intègre les modes et les rythmes populaires de manière plus créatrice, avec un «nationalisme» devenu plus «subjectif». Par la suite, Ginastera s’intéresse aux nouveaux courants musicaux qu’il décante à sa manière et en 1972 vient le Second Concerto pour piano, «néo-expressionniste» selon le terme consacré, et beaucoup plus expérimental, ce sans qu’il se départisse de son patrimoine musical devenu par l’oblique une science lui permettant d’exploiter à fond de grandes richesses timbrales et des rythmes percussifs, quasi obsessionnels.


L’enracinement précolombien distingue l’intégrale de Panambí, «légende chorégraphique» en un acte, de toute influence étrangère mais le jeune Ginastera se forma aussi à l’étude de Falla, Stravinsky, Debussy et Bartók et, jusqu’à un certain point, la partition s’en ressent par sa conception, par une orchestration déjà d’une grande maîtrise et par les vocalises de la scène finale, où les voix de femmes du Chœur de chambre de Manchester prêtent vie aux esprits d’une eau calme qui répand la pâle lumière de l’aube. Ginastera écrit pour un grand effectif orchestral où dominent les instruments graves et aigus et une active percussion fournie. Une légende indienne, d’amour, de mystère et de sorcellerie, de fête, de lutte et de clair de lune, permet toutes les audaces rythmiques et sonores tout au long de dix-huit scènes, hautes en couleur ou d’un clair-obscur presque surréel, plutôt bien défendues par le Philharmonique. Sa prestation met bien en valeur l’univers sauvage et mystérieux d’Ollantay, «trois mouvements symphoniques» qui s’inspirent d’un texte maya, le Popol Vuh, pour tracer le conflit guerrier entre Ollantay et Inka, héros légendaires. Ginastera crée un monde étrange, tout à fait autre grâce à une instrumentation qui laisse souvent dominer les tambours indiens, les piccolos, la clarinette basse, les cors et la harpe malgré la présence vitale de cordes inquiétantes.


La Suite des quatre danses tirées d’Estancia, ballet en un acte et cinq scènes, est parmi les œuvres les plus célèbres du compositeur argentin mais Mena dirige le ballet intégral, qui révèle la maîtrise d’un compositeur encore jeune qui a su s’approprier avec dynamisme et émotion les caractéristiques de la musique des pampas. Il dessine en arche d’aube en aube la vie sur une estancia (ranch), vie trépidante mais aussi tristement nostalgique, inspirée des amours et des peines de Martin Fierro, le gaucho du poème épique de José Hernández (1834-1886) dont certains des vers vibrent ici au travers de la voix parlée ou chantée du baryton Lucas Somoza Osterc. A l’orchestre sous la direction de Juanjo Mena, il manque la pointe de frénésie essentielle dans les «Trabajadores agrícolas» ou du «Malambo» final, par exemple, mais la phalange britannique capte à merveille le mystère de l’«Idilio crepuscular» et la vie secrète des vastes espaces ressentis lors du «Nocturno», discrètement rehaussé du chant mélancolique du gaucho.


Construit en trois mouvements en arche, Pampeana n° 3, la «Symphonie pastorale», évoque les lumières et les vastes paysages des pampas, sa fragrance nationale plus intégrée, plus subtile et plus personnelle. Si le premier mouvement contemplatif prend des allures de nocturne le mouvement central éclate impetuoso en plein soleil, pulsant et énergique brièvement tempéré d’un intermède en trio plus calme. D’une respiration ample, le Largo final ouvre les grands espaces des plaines de manière presque rhapsodique, les cordes lénifiantes émaillées des scintillements poétiques des vents.


Malgré ses qualités exceptionnelles, le Second Concerto pour piano n’a connu que de deux autres enregistrements (Pierian et Naxos). Barbara Nissman et Dora de Marinis, qui se sont toutes deux spécialisées dans la musique de Ginastera, ne font en rien pâlir le panache, la clarté véloce et la sensibilité virtuose de Xiayin Wang, bien secondé par Mena et le Philharmonique. Ensemble ils créent une tension saisissante qui perdure, pénétrant jusqu’à l’envoûtement fantasque du troisième mouvement lent. La composition, polytonale et polyrythmique, ne fuit ni la dissonance, ni la série, ni les mini-clusters menés avec une verve jamais abrasive tout au long des variations innovatrices du puissant premier mouvement. Le piano main gauche perlé et fluide mène le Scherzo, l’orchestre un peu en retrait hormis une percussion aux timbres insolites, mais le finale ouvre en «fanfare», le piano en dialogue avec un tonitruant orchestre cuivré avant un long prestissimo éblouissant dont la partie de piano peut évoquer la «Coloana infinită» des Etudes plus tardives de György Ligeti.


L’excellente interprétation du Concerto s’ajoute aux atouts des deux premiers volumes de la série, avantagés, outre la qualité du son Chandos, par le choix des intégrales des deux ballets de préférence aux Suites plus souvent à l’affiche. L’ensemble naît d’une belle initiative et mérite le succès.


Le site de Juanjo Mena
Le site de Xiayin Wang
Le site du Philharmonique de la BBC


Christine Labroche

 

 

 

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