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12/18/2016
Bernd Alois Zimmermann : Symphonie en un mouvement (version originale) (*) – Giostra Genovese (*) – Concerto pour orchestre à cordes – Musique pour les soupers du roi Ubu
WDR Sinfonieorchester Köln, Peter Hirsch (direction)
Enregistré à la Philharmonie de Cologne (11-13 mars 2013 (*) et 19-20 mai 2015) – 63’51
Wergo WER 7340 2 (distribué par Distrart) – Notice en allemand et en anglais


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Wergo poursuit son exploration de la musique de Bernd Alois Zimmermann (1918-1970), immense compositeur allemand du siècle dernier. La Musique pour les soupers du roi Ubu – sauf erreur le premier enregistrement sur CD (la version de Michael Gielen n’étant disponible qu’en vinyle... ou sur YouTube) – constitue certes la pièce la plus importante du programme, mais les compléments promettent de passionnantes découvertes.


Ainsi de la Symphonie en un mouvement dans sa version originale, c’est-à-dire telle que Hans Rosbaud la créa à Cologne en 1952 avant sa révision. Si l’effectif de cette version princeps, qui fait l’économie des hautbois, demeure moins étoffé que dans la version révisée («Le caractère rhapsodique... a été retravaillé en faveur d’une présentation plus condensée» précise Zimmermann), la présence de l’orgue confère une rutilance à l’orchestration annonçant le «Preludio» et le «Tratto II» des Soldats. Chaotique, son entrée dès les premières mesures agit comme un météorite «chu d’un désastre obscur». La cohésion technique et spirituelle que réclame cette musique n’échappe pas à Peter Hirsch, ancien assistant de Michael Gielen lors d’une production des Soldats à l’Opéra de Francfort en 1981. Soulignons aussi la bonne balance orchestre/orgue qui contribue au succès de cette redécouverte. Pour la version définitive de la Symphonie en un mouvement, on recommandera l’interprétation de la Junge Deutsche Philharmonie âprement dirigée par... Witold Lutoslawski (Berlin Classics), préférable au confortable studio signé d’Ingo Metzmacher/Bamberg (EMI).


Le Concerto pour orchestre à cordes, daté de 1948, est un arrangement d’un trio à cordes composé au milieu de la guerre. L’alacrité des mouvements rapides évoque Milhaud tandis que l’Aria centrale accuse un lyrisme digne de Hartmann. Les danses de Giostra Genovese («Ronde génoise», 1962) se fondent quant à elles sur des pièces de Susato, Gibbons et Byrd. Zimmermann a opéré un arrangement d’un «anachronisme dirigé (sous condition de conserver impérativement l’original dans sa hauteur de son et sa durée), avec l’entière conscience du présent compris comme unité du passé et de l’avenir»: on voit que cet objet musical apparemment anodin, coincé entre le ballet blanc Présence et Tempus loquendi, partage avec ses voisins la «conception sphérique du temps» chère au compositeur rhénan. Dans la «Pavane II» d’après Gibbons, la caisse claire exécute un rythme de blues semblable à celui de l’ultime Stille und Umkehr (1970). «Seulement pour les gourmets», disait non sans humour Zimmermann de Giostra Genovese, qu’il remodela entièrement pour donner naissance à l’une de ses rares partitions accueillie par des «applaudissements frénétiques» à sa création: le «ballet noir en sept parties et une entrée» Musique pour les soupers du Roi Ubu (1966).


Celui-ci n’a rien d’une plaisanterie potache, même si l’humour n’en est pas absent. Mélange «d’un bouffon et d’un tueur en série», le personnage d’Alfred Jarry sert de prétexte à un exercice de collage d’une extraordinaire maestria. Contrairement à Luciano Berio qui, dans la troisième partie de sa Sinfonia (1968), utilise un mouvement de Mahler en guise de fil rouge, Zimmermann signe ici le manifeste de son esthétique pluraliste dont le jeu des citations tourne au tragique: Dies Irae grégorien puis berliozien (la Fantastique bien sûr), Canti di prigionia de Dallapiccola, Marche de Radetzky et Chevauchée des Walkyries (chéries d’Hitler comme chacun sait) pour aboutir à l’accord pivot du Neuvième Klavierstück de Stockhausen (son éternel rival), asséné sans ménagement. La direction ciselée de Peter Hirsch restitue superbement cette mosaïque musicale à la fois terrifiante et jubilatoire. Un jalon désormais incontournable de la discographie du compositeur.


Jérémie Bigorie

 

 

 

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