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09/15/2016 «my letter to the world»
Dai Fujikura : Concerto pour flûte – my letter to the world – MINA – Banitza Groove Simon Bailey (baryton), Claire Chase (flûtes), Nick Masterson (hautbois, cloches), Joshua Rubin (clarinet, clarinette basse, cloches), Rebekah Heller (basson, cloches), Nathan Davis (dulcimer à marteaux), Nagoya Philharmonic Orchestra, Martyn Brabbins (direction)
Enregistrements publics (minutage, lieux et dates non précisés) – 53’58’
Sony Music Labels/Minabel SICX 10002 – Notice en japonais uniquement (version en anglais au format pdf)
On connaît peu en France le compositeur nippon Dai Fujikura (né en 1977 à Osaka), pourtant adoubé par Pierre Boulez (qui créa Stream State à Lucerne en 2005 et la nouvelle version de Fifth Station à Paris en 2008) et des formations instrumentales aussi incontournables que les orchestres Philharmonia et de la BBC, ou l’Ensemble intercontemporain, l’Ensemble Modern et le London Sinfonietta. Appartenant à une génération davantage portée sur le syncrétisme que sur les injonctions dogmatiques, Dai Fujikura se réclame aussi bien de Ligeti, Boulez, Benjamin que des musiques de films (d’horreur spécialement).
Difficile, en raison d’une notice lacunaire allant jusqu’à passer sous silence les dates et lieux d’enregistrement ainsi que les dates de composition des œuvres – récentes pour l’essentiel –, de livrer toutes les informations auxquelles le lecteur est en droit d’attendre. Heureusement, une brève brochure-papier anglophone rédigée par le compositeur nous a été donnée afin d’accompagner l’écoute d’un disque que tout porte à considérer comme réservé en priorité au marché japonais. On a également mené l’enquête sur la toile. Il débute par le Concerto pour flûte (2015), où le soliste joue sans discontinuer de quatre instruments différents: flûte en ut, piccolo, flûte contrebasse et flûte basse. Au gré de cinq sections enchaînées, l’humeur se fera tour à tour délicate, vaporeuse (avec un piccolo curieusement sollicité dans le grave de son registre), virtuose (cadence pour flûte contrebasse) puis élégiaque avec un final en forme de choral à la flûte basse. On relèvera à maints endroits des inflexions rappelant l’emblématique November Steps (1967) de Tōru Takemitsu (1930-1996), composé pour orchestre et shakuhachi (sorte de flûte droite en bambou à cinq trous).
On passera plus rapidement sur l’œuvre éponyme de l’album, my letter to the world, écrite pour baryton et piano en 2012 et orchestrée deux ans plus tard: en effet, l’absence des poèmes (signés d’Emily Dickinson et William Blake) n’en facilite guère l’accès. On notera, dans l’avant-dernière pièce, un ostinato lancinant sur lequel le baryton (charismatique Simon Bailey) déclame avec de plus en plus d’intensité. MINA (2012), hommage à l’enfant qui vient de naître, s’impose comme l’œuvre la plus attachante et sans doute la plus convaincante. Ecrite pour cinq instrumentistes et orchestre, elle renvoie immanquablement au concerto grosso divisé en concertino et ripieno, genre baroque par excellence mais connaissant depuis le siècle dernier un regain d’intérêt insigne, de la Kammermusik d’Hindemith à Répons de Boulez en passant par les (explicitement dénommés) Concertos grossos de Schnittke. On y entend une omniprésente cithare autour de laquelle les autres solistes se livrent à un spirituel babillage, telles des ombres chinoises sur un fond faussement uniforme dessiné par l’orchestre. C’est à la flûte que revient la théâtrale cadence avant une coda riche en motifs répétés aux relents minimalistes. Fondé sur une danse bulgare, Banitza Groove (2006) referme sur une note légère un album mené de main de maître par le chef Martyn Brabbins à la tête de l’Orchestre philharmonique de Nagoya. Album qu’on complètera par celui paru en 2014 chez Stradivarius avec Pascal Gallois et le Prague Modern, centré quant à lui sur la musique de chambre et pour ensemble de Dai Fujikura.
Le site de Dai Fujikura
Jérémie Bigorie
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