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08/15/2016 «Trios et Quatuors avec viole de gambe»
Georg Philipp Telemann : Sonate II en sol mineur, TWV 43:g1 – Trio V en sol mineur, TWV 42:g1 – Sonates en sol majeur, TWV 43:G12, et en la mineur, TWV 42:a7 – Trio II en sol majeur TWV 42:G6 – Quatuor n° 6 en mi mineur TWV 43:e4: Chaconne «Modéré» La Rêveuse: Florence Bolton, Emily Audouin (viole de gambe), Stéphan Dudermel (violon), Serge Saita (traverso), Carsten Lohff (clavecin), Benjamin Perrot (théorbe)
Enregistré en l’église de Sancerre (septembre 2013) – 62’
Mirare MIR 267 – Notice (en français, anglais et allemand) de Florence Bolton
«Quatuors Parisiens»
Georg Philipp Telemann : Six quatuors à violon, flûte, viole et basse continue, Paris ca. 1740: Sonata I en la majeur, Sonata seconda en sol mineur et Concerto I en sol majeur – Nouveaux quatuors en six suites, Paris ca. 1740: Quatuor n° 6 en mi mineur
Les Ombres: Sylvain Sartre (flûte traversière, direction artistique), Varoujan Doneyan (violon), Margaux Blanchard (viole de gambe, direction artistique), Jonathan Pesek (violoncelle), Nadja Lesaulnier (clavecin)
Enregistré en l’église de Nuglar-St. Pantaleon, Suisse (19-23 septembre 2013) – 56’
Mirare MIR 255 – Notice (en français, anglais et allemand) de Gilles Cantagrel
Quand le hasard s’en mêle... Car c’est bien le hasard qui veut qu’en ce même mois de septembre 2013, deux ensembles baroques dont la notoriété ne cesse de croître réalisent chacun, qui plus est pour le même éditeur, un disque consacré à des œuvres de musique de chambre de Georg Philipp Telemann (1681-1767), la Sonate en sol mineur et le dernier mouvement («Modéré») du Quatuor n° 6 étant d’ailleurs présents sur chacun de ces deux disques!
La forme principalement choisie est celle du quatuor, dont Gilles Cantagrel estime qu’elle fut «la formation de prédilection de Telemann» (Georg Philipp Telemann, éditions Papillon, p. 110), Telemann ayant effectivement composé de très nombreuses œuvres pour deux dessus (généralement une flûte et un violon, la première ayant pu être remplacée par un hautbois), une taille (viole de gambe ou violoncelle) et une basse continue, les deux plus célèbres recueils ayant été publiés l’un à Hambourg en 1730, l’autre à Paris en 1738, le premier recueil ayant d’ailleurs été réédité à plusieurs reprises ce qui explique que la Sonate II en sol mineur soit marquée «Hambourg, 1730» dans le disque de La Rêveuse et «Paris ca. 1740» dans celui des Ombres.
Commençons justement le petit jeu de la comparaison par cette œuvre au troisième mouvement célèbre puisque repris dans un des concertos pour flûte à bec de Telemann. Même si le jeu de Serge Saitta (un des flûtistes attitrés des Arts Florissants) est plus mélodieux à notre sens que celui de Sylvain Sartre, la version des Ombres nous semble préférable en raison notamment d’un violoncelle plus chantant et d’un enregistrement effectué avec davantage de finesse, où chaque voix s’entend plus distinctement que chez leurs confrères. Il en va de même dans le dernier mouvement du Quatuor en mi mineur qui bénéficie d’une interprétation plus habitée, plus théâtrale pourrait-on dire, chez Les Ombres, le tempo étant au surplus légèrement plus allant (4’09 contre 4’55 dans la version de La Rêveuse).
Pour le reste, le disque de La Rêveuse s’avère un peu plus diversifié dans son style puisque faisant également appel à deux trios de Telemann où, selon les propres dires de l’intéressé, il aurait «donné là le meilleur de [lui]-même» (cf. Cantagrel, op. cit.Trio en sol mineur est très beau, grâce surtout à un violon (excellent Stéphan Dudermel) qui, dans un style italianisant largement inspiré de Corelli, conduit une mélodie dont la simplicité formelle (les trilles n’étant là par exemple que pour relancer le mouvement ou, au contraire, y instiller une légère pause comme dans l’Adagio, sans vouloir en tout cas être trop ostensibles ou perturbateurs) n’a d’égale que le jeu subtil de nuances et de timbres (on remarquera notamment le très bel Allegro conclusif). Mais c’est surtout le Trio en sol majeur qui attire l’attention, faisant se succéder au dialogue entre la viole (parfaitement tenue par Florence Bolton) et le clavecin un Largo de toute beauté qui n’est pas sans rappeler certains mouvements lents de concertos chez Vivaldi, le Presto extrêmement volontaire concluant l’ensemble de la plus belle manière.
Sommet du disque enregistré par Les Ombres, le Quatuor n° 6 en mi mineur dans son intégralité cette fois-ci qui, grâce aux deux co-directeurs artistiques (le flûtiste Sylvain Sartre et la violiste Margaux Blanchard), nous permet de profiter de toute l’imagination musicale de Telemann qui, dans une œuvre assez conséquente (six mouvements, plus de vingt minutes), saute sans vergogne d’un style à un autre, passe immédiatement de la vivacité du «Distrait» à la mélancolie du «Modéré», chaque instrumentiste ayant droit à son petit moment de gloire, aucun instrument n’étant laissé de côté. En fin de compte, deux disques à réunir plus qu’à opposer: on s’en réjouit.
Le site de l’ensemble Les Ombres
Le site de l’ensemble La Rêveuse
Sébastien Gauthier
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