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04/13/2016
Alberto Ginastera : Concierto argentino – Concertos pour piano n° 1, opus 28, et n° 2, opus 39 (version originale)
Barbara Nissman (piano), University of Michigan Symphony Orchestra, Kenneth Kiesler (direction)
Enregistré à Ann Arbor (10 décembre 2011) – 79’19
Pierian Recording Society PIR0048 – Notice (en anglais) de Barbara Nissman





Barbara Nissman (née en 1944) et Kenneth Kiesler (né en 1953) présentent un programme encore inédit au disque puisqu’il se compose des trois Concertos pour piano d’Alberto Ginastera (1916-1983) dont le Concierto argentino (1935) et la version originale du Second Concerto (1972). Il s’agit de premiers enregistrements mondiaux. Quelle que soit l’intégration directe ou indirecte des procédés de la musique traditionnelle ou ceux de la musique classique et contemporaine, une énergie percussive et une puissance expressive exceptionnelle parcourent les trois concertos de Ginastera jusqu’au cœur de passages pianissimo d’une tension extrême. Barbara Nissman virtuose et efficace, interprète les trois pièces avec panache et sensibilité et les musiciens de l’Orchestre symphonique de l’Université de Michigan, que Kiesler tient bien en main, y contribuent la ferveur de la jeunesse qui sied bien au style intrinsèque du compositeur argentin.


Le Concierto argentino, œuvre du jeune âge du compositeur, pleine de promesses, se décline en trois mouvements pénétrés du désir de célébrer un nationalisme de bon aloi qui colore fortement son écriture pour les bois, les cuivres et la percussion, d’une part, et, d’autre part, porteurs en herbe d’une intensité dramatique aux traits inventifs, aux rythmes martelés et aux tempi souvent véloces qui marquera toute sa production. Le premier mouvement alterne un entrain dynamique et un lyrisme mélodique d’inspiration nettement latino-américaine comme l’Adagietto poetico qui suit, poétique, certes, mais plus sentimental et peut-être moins abouti. L’Allegretto rustico final, trépidant, impertinent et explosif, laisse entendre certains motifs latins développés dans le ballet Estancia à venir. Nonobstant le fait que Ginastera avait retiré la partition de son catalogue, espérant la retravailler plus tard, on ne peut regretter l’initiative de Nissman qui, ayant découvert le manuscrit au cœur de la collection Fleisher à Philadelphie, obtint d’Aurora-Nátola Ginastera, l’épouse du compositeur, le droit de le porter à la connaissance de tous.


Le grand souffle du magnifique Premier Concerto (1961) saisit d’emblée par son caractère dramatique. Fondées sur un thème de douze sons, les dix variations très contrastées du premier mouvement, bien que brisées de silences qui les ponctuent, se déploient entre le percussif et le cristallin, le forte et le piano, la tension permanente. Le Scherzo allucinante au piano vif-argent reflète son titre par l’inventivité des climats instables et secrets qui ouvrent sur l’imaginaire, entraînant un beau solo d’alto qui lance un Adagissimo tendu entre orage et accalmies sans sérénité. Loin de ce que Ginastera dénomme le «nationalisme subjectif» mais nettement argentine, la pulsation urgente, trépidante, véloce et éruptive, de la Toccata concertata finale déferle avec une énergie rugueuse que l’on pourrait dire primitiviste. C’est un tour de force extraordinaire exigeant virtuosité et bravoure, obtenues grâce à la vitalité et à l’engagement concentré des interprètes enthousiastes et convaincus.


La version publiée du Second Concerto est celle de Hilde Somer, dédicataire et créatrice de l’œuvre, qui, sans en altérer le caractère profond, modifia les dernières mesures du Finale et, mal à l’aise avec le Scherzo pour piano main droite, le transcrivit pour la main gauche. Barbara Nissman revient à la version originale. Les percussions et parfois les vents exhalent encore l’Argentine mais l’écriture audacieuse, polytonale et polyrythmique – «néo-expressionniste» selon le compositeur – s’enrichit de principes sériels librement absorbés. Les variations du puissant premier mouvement, alternant dynamisme et statisme, s’établissent sur un accord de sept notes emprunté à Beethoven suivi d’un accord composé des cinq notes restantes, matériau harmonique entendu seulement en tant que série en fin de coda: sept notes égrenées suivies d’un accord de cinq pianissimo. Le piano main droite fluide et expressif domine le Scherzo entre ombre et lumière, l’orchestre en retrait hormis les percussions aux sonorités latino-américaines. Le troisième mouvement s’illumine d’un piano délicat, l’orchestre, brièvement en force, fortement coloré dans le grave. Le thème du finale vient d’une sonate de Chopin que Ginastera travaille avec une autorité péremptoire avant le dialogue entre piano et orchestre qui s’élance ensuite dans un prestissimo impressionnant de vitesse, les doigts musclés de la pianiste américaine d’une mobilité extrême.


Barbara Nissman a souvent interprété Ginastera et ce riche programme s’embellit de son expérience. La prise de son privilégie le piano, peut-être à juste titre mais, portée ici avec force par Kiesler et ses jeunes musiciens, la qualité de l’orchestration aux timbres foisonnants mérite sans doute mieux, une clarté essentielle manquant à l’occasion à la densité des textures orchestrales. Cette addition précieuse à la discographie des trois œuvres reste toutefois à accueillir très favorablement.


Le site de Barbara Nissman
Le site de Kenneth Kiesler
La page de l’Orchestre symphonique sur le site de l’Université de Michigan


Christine Labroche

 

 

 

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