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10/30/2015
Edward Elgar : The Dream of Gerontius, opus 38 [1]
Hector Berlioz : Symphonie fantastique, opus 14 [2]

Constance Shacklock (contralto), Jon Vickers (ténor), Marian Nowakowski (basse), Coro e Orchestra sinfonica di Roma della RAI [1], The Hallé Orchestra [2], Sir John Barbirolli (direction)
Enregistré en public en Angleterre (2 janvier 1947) [2] et à Rome (20 novembre 1957) [1] – 148’19
Coffret de deux disques ARCHIPEL Desert Island Collection ARPCD 0403


 Sélectionné par la rédaction





Le Rêve de Géronte (1900) est l’une des œuvres les plus marquantes d’Edward Elgar (1857-1934). Sur un texte adapté du poème mystique du cardinal John Henry Newman (1801-1890), qui trace l’agonie de Géronte sur terre et l’errance de son âme vers le purgatoire, Elgar met en œuvre toute l’ampleur de sa maîtrise orchestrale et de sa science mélodique, contrapuntique et harmonique pour développer un drame sacré en deux parties d’une force exceptionnelle. John Barbirolli (1899-1970), qui s’en sentait très proche, le dirigea de nombreuses fois au cours de sa carrière. Deux témoignages de sa direction engagée subsistent. Le second (EMI), enregistré en studio et plus largement connu, date de 1964. Archipel réédite la première version, devenue plus rare, captée en direct par la RAI à Rome en 1957. L’interprétation impressionna fortement le compositeur William Walton, qui l’écoutait à la radio depuis Ischia, ce jusqu’à la prestation idiomatique du Chœur de la RAI de Rome que, par conséquent, il pensait venu d’Angleterre.


Barbirolli signe deux des plus belles versions, toutes époques confondues. Les deux fois, il réussit un ensemble en parfait équilibre sans «maillon faible», son orchestre pleinement à son écoute et son choix de solistes heureux. Le Prélude lance les motifs récurrents du drame, qui s’attachent non à un personnage mais à une idée, une émotion ou un état. Barbirolli en fait ressortir toutes les nuances d’accablement et de ferveur, d’effroi et de fureur, de glace et de douceur extrême, obtenant de l’Orchestre symphonique de la RAI de Rome une intensité soutenue tout à fait saisissante qui ne faiblit jamais par la suite, les couleurs subtiles et les effets réussis jusqu’aux souffles pianissimo et à la puissance de l’impressionnant crescendo accelerando dominé par les cuivres qui amène en point d’orgue percussif la fracassante apparition de Dieu.


La sensibilité écorchée et la projection opératique du ténor Jon Vickers conviennent particulièrement bien au rôle de Géronte, qui prend ici tout son relief. La qualité de son interprétation psychologiquement juste à tout instant n’a jamais été surpassée, son timbre d’une densité de baryton aux aigus sûrs, les passages en voix de tête subtils, le phrasé précis et généreux et les pianissimi en clair-obscur. Si l’Ange de Janet Baker dans la version de 1964 reste dans toutes les mémoires, le riche contralto et les nuances expressives de Constance Shacklock apportent aussi une dimension psychologique au rôle de l’Ange, ailleurs peu souvent mise en évidence. Elle campe un ange, inatteignable certes, mais gardien et guide affectivement attaché à Géronte, ce qui rend très touchant le long échange avec l’âme de Géronte peu après le début de la seconde partie. Le rôle est écrit pour mezzo-soprano mais ses aigus sont clairs et les deux voix souples et charpentées vivent bien ensemble. La souplesse de la voix de Marian Nowakowski lui permet de réussir le rôle du prêtre de la première partie bien que d’un registre légèrement plus élevé que celui de l’Ange de l’Agonie de la seconde. Le velours noir de sa basse de style slave ajouté à sa conviction aiguise le caractère des deux.


L’urgence sensible du direct avive la qualité indéniable de cette version romaine. Si la prise de son n’est pas parfaite, la vérité de l’œuvre y est éclatante, la profondeur de vision de Barbirolli se communiquant à l’orchestre, au chœur et aux solistes, ces derniers portés par l’excellence de Jon Vickers, dont on regrette infiniment la disparition au mois de juillet de cette année.


Œuvre très prisée outre-Manche, la plupart des grands chefs d’orchestre britanniques l’ont dirigée et beaucoup en laissent une version enregistrée. Parmi la petite vingtaine de versions, la direction toujours engagée et souvent de haut niveau, on peut apprécier la première version de Malcom Sargent (1945) pour l’excellence du Géronte de Heddle Nash, Britten (1971) pour l’Ange séraphique d’Yvonne Minton, Boult (1976) pour l’intensité de sa direction et la présence sismique de Robert Lloyd, Hickox (1988) pour le Géronte déchirant d’Arthur Davis et les versions plus récentes de Colin Davis (2005), de Mark Elder (2008) et d’Andrew Davis (2014) pour l’équilibre atteint. Les chefs britanniques sont rejoints par Hans Swarowski dès 1960, Yevgeny Svetlanov en 1983, son orchestre rutilant, Sakari Oramo à Birmingham en 2006 et Edo de Waart en 2013, la fine transparence du Collegium vocale de Gand bien appréciable.


Le Rêve de Géronte, d’une profonde spiritualité, ne souffre aucune suite immédiate. Toutefois, sans l’intention de créer un complément de programme, cette réédition en hommage à Barbirolli inclut une de ses prestations remarquées à la tête de «son» orchestre, l’Orchestre Hallé qu’il dirigea de 1943 à 1970. Le feu concentré, la noblesse et l’ampleur rayonnante de sa direction rigoureuse mais inspirée, voire emportée, de la Symphonie fantastique de Berlioz en 1947 ne laissent pas indifférent malgré toutes les versions que l’on peut en connaître. Tempi respectés, la beauté, l’audace et l’expressivité du traitement orchestral s’y trouvent sublimées.


Christine Labroche

 

 

 

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