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03/13/2015
Edward Elgar : The Dream of Gerontius, opus 38
Felicity Palmer (mezzo-soprano), Arthur Davies (ténor), Norman Bailey (baryton-basse), London Symphony Chorus, Richard Hickox (chef de chœur), Oleg Yantchenko (orgue), Orchestre symphonique d’Etat de l’URSS, Evgueni Svetlanov (direction)
Enregistré en public en la Grande Salle du Conservatoire de Moscou (21 avril 1983) – 95’35
Double album Melodiya MEL CD 10 02266 (distribué par Outhere) – Notice (en russe, anglais et français) d’Elena Kuznetsova, textes non inclus





Sir Edward Elgar (1857-1934) ne composa jamais d’opéra malgré son talent pour la caractérisation dramatique de personnalités, d’émotions ou de climats que ce soit par le moyen de l’orchestre ou de la voix. Le passage de l’agonie à l’errance de l’âme du personnage principal du Rêve de Géronte (1900), œuvre sacrée et pourtant ni cantate ni oratorio proprement dit, révèle ce talent au plus fort, la conviction, la sincérité et la ferveur du compositeur lui insufflant une spiritualité profonde. Les chefs d’orchestre britanniques ne s’y trompent pas: c’est un chef-d’œuvre qui a donné lieu à une petite vingtaine d’enregistrements depuis 1945, le dernier en date étant la magnifique prestation d’Andrew Davis – sa seconde version au disque – à la tête du Chœur et de l’Orchestre symphoniques de la BBC.


Sur le plan international, peu de chefs ont en revanche tenté l’expérience: Hans Swarowsky en Autriche en 1960 (Elgar Editions), par exemple, ou Sakari Oramo en 2006 (CBSO), à l’époque en Angleterre, cependant, en tant que chef principal et directeur musical de l’Orchestre symphonique de Birmingham. La récente (2013) prestation d’Edo de Waart à la tête de l’orchestre deFilharmonie et du Collegium vocale de Gand (Pentatone) se remarque d’autant plus. Toutefois, Evgueni Svetlanov, frappé par l’œuvre entendue au concert lors d’un de ses séjours en Angleterre dans les années 1960-1970, souhaita en diriger la première russe et son interprétation à la tête de l’Orchestre symphonique d’Etat de l’URSS en 1983 fait aujourd’hui l’objet d’une réédition.


Sa direction d’orchestre est une splendeur. Bien que l’on puisse peut-être parfois lui reprocher de prendre quelques libertés avec les tempi, ce n’est jamais à contre-courant des intentions dramaturgiques du compositeur et ne nuit en rien à la riche orchestration. Il ralentit légèrement le grand Prélude, qui contient les beaux thèmes mélodiques, matériau de l’œuvre, pour mieux en cultiver l’ampleur et le mistico indiqué et pour transmettre l’effroi et la tension qui vont suivre avant la luminosité finale. Légèrement plus rapide qu’à l’ordinaire, le climat qui entoure le chœur de démons en devient encore plus diabolique quoique peut-être trop généreusement extraverti alors que le crescendo des rutilants cuivres russes en choral prépare la fracassante apparition soudaine de Dieu de manière saisissante et juste. Le chef russe soigne l’intensité sonore, l’orchestre et le chœur passant du souffle pianissimo à une puissance phénoménale sans jamais gommer le relief polyphonique. Dans l’ensemble, la conviction, l’engagement et la puissance de la direction de Svetlanov rayonnent.


Pour les voix, il opta pour une équipe anglophone. Nommé principal chef invité de l’Orchestre symphonique de Londres, en 1979, il choisit le chœur de cet ensemble avec son chef Richard Hickox (qui devait d’ailleurs enregistrer une émouvante version de l’œuvre cinq ans plus tard avec le même ensemble et deux des trois solistes ici réunis). Le chœur londonien n’en était pas à son coup d’essai et son interprétation et son jeu d’acteur subtilement nuancés s’affirment aussi bien en anges («Praise to the holiest», remarquable) qu’en démons ou en simples amis du défunt (déchirant «Be merciful»). Arthur Davies prête son beau ténor quasi opératique au rôle prépondérant de Géronte. Plus retenu en studio à Londres (Hickox) qu’en projetant sa voix en public à Moscou, il campe un Géronte vibrant, angoissé et vulnérable surtout lors des monologues intérieurs de la première partie, mais la justesse de son interprétation bouleverse (émouvant «Sanctus fortis» entre autres). Le timbre particulier de Felicity Palmer ajoute peut-être à sa prestation sensible du rôle de l’Ange en soutien tendre et ferme de Géronte, son adieu «Softly and gently» final sereinement radieux. Deux rôles échoient au baryton-basse: le prêtre de la première partie et l’Ange de l’Agonie de la seconde. Connu pour ses rôles dans les opéras de Wagner, Norman Bailey est idéal pour l’Ange et la souplesse de sa voix lui permet d’accéder avec autorité au registre légèrement plus élevé du prêtre, ce qui était un peu plus problématique pour Gwynne Howell, basse, qui le remplaça dans la version de Hickox.


L’orchestre coloré et expressif s’élève en preuve de la maîtrise de Svetlanov, la prestation vocale atteint un bel équilibre mais cette version souffre non seulement des toux à répétition du public moscovite mais d’une prise de son parfois irrégulière au niveau de la clarté et d’une reprise de la version analogique qui laisse quelques pauses entre les volets normalement enchaînés. Si elle ne détrône pas les versions des trois grands ‘B’ (Barbirolli, Boult, Britten), chères au cœur des Britanniques, ou la toute dernière version dirigée par Andrew Davis, voire la version de Hickox, on l’écoute néanmoins avec plaisir.


Christine Labroche

 

 

 

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