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01/02/2015
Richard Wagner : Der Ring des Nibelungen: Das Rheingold [1], Die Walküre [2], Siegfried [3] & Götterdämmerung [4]
Hans Hotter (Wotan, Der Wanderer), Astrid Varnay (Brünnhilde), Bernd Aldenhoff [3], Wolfgang Windgassen [4] (Siegfried), Gustav Neidlinger (Alberich), Paul Kuën (Mime), Ramón Vinay (Siegmund), Birgit Nilsson (Sieglinde, 3. Norn), Josef Greindl (Hunding, Fafner, Hagen), Georgine von Milinkovic (Fricka, Grimgerde), Arnold van Mill (Fasolt), Maria von Ilosvay (Erda, Schwertleite, Waltraute [4], 1. Norn), Ludwig Suthaus (Loge), Hermann Uhde (Gunther), Elisabeth Grümmer (Freia, Gutrune), Toni Blankenheim (Donner), Josef Traxel (Froh), Ilse Hollweg (Waldvogel), Dorothea Sibert (Woglinde), Paula Lenchner (Wellgunde, Gerhilde), Elisabeth Schärtel (Flosshilde, Waltraute [2], 2. Norn), Gerda Lammers (Ortlinde), Hilde Scheppan (Helmwige), Helena Bader (Siegrune), Hetty Plümacher (Rossweisse), Chor und Orchester der Bayreuther Festspiele, Hans Knappertsbusch (direction)
Enregistré en public au Festspielhaus, Bayreuth (14 [1], 15 [2], 16 [3] et 18 [4] août 1957) – 155’47 [1], 233’26 [2], 246’20 [3] et 272’05 [4]
Quatre coffrets (13 disques) Walhall WLCD 0216 [2 CD], WLCD 0217 [3 CD], WLCD 0218 [4 CD] et WLCD 0219 [4 CD] – Pas de notice de présentation


        


        


La réédition de ces bandes bien connues des amoureux du Ring confirme l’idée qu’on en avait gardé: la cuvée 1958, dans les vergers de la Colline sacrée, reste préférable à celle du mois d’août de l’année précédente (lire notre compte rendu de la réédition de La Walkyrie). L’Anneau du Nibelung forgé par Hans Knappertsbusch (1888-1965) lors de l’été 1957 – son avant-dernier à Bayreuth – brille pourtant d’un éclat à faire pâlir bien des productions ultérieures. Mais trop d’imperfections empêchent de lui préférer celui – magistral – de 1958 voire, par certains aspects, le choc de 1956.


L’Or du Rhin fait du fleuve un volcan en ébullition... quitte à cracher à côté une lave encore très dense: une première scène magistrale, une descente dans la forge à vous glacer d’effroi... et, partout, une direction investie qui souligne maints détails. Presque partout à vrai dire, la deuxième scène connaissant un net «temps mort». Au registre des nuances, citons également des Filles du Rhin inégales (elles prendront leur revanche dans Le Crépuscule), un Loge décevant sinon ordinaire (Suthaus) et aussi un souffleur vraiment trop... sonore.


Mais Gustav Neidlinger est juste parfait en Alberich, y compris dans la troisième scène (ce cri inouï au moment où l’anneau lui est arraché!), passant de l’imploration à la menace, de l’éructation au murmure avec un art inégalable. Signalons également un Wotan mûr, auguste, incontestable (Hotter, bien sûr), une Fricka imposante (Milinkovic), une Erda parfaite (Ilosvay), un Fafner pernicieux et vocalement à l’aise (Greindl). Et – plus encore – une Freia de chair et sang absolument magistrale (Grümmer) et un Fasolt à fleur de peau, étonnement lyrique, comme surgi d’une autre planète (Mill).


Le lendemain, La Walkyrie présente toujours quelques approximations, à l’image de walkyries qui ne chantent pas toujours juste ou d’un Siegmund (Ramón Vinay) moins convaincant qu’avec Clemens Krauss (en 1953) – plutôt poussif dès le I, franchement fatigué au II. Hans Hotter demeure Wotan, mais il se fatigue dans la scène avec sa femme (qu’il ne domine que péniblement)... bien qu’il reste inégalable dans le monologue, alors même que la Fricka de Georgine von Milinkovic s’essouffle carrément.


A l’inverse, la Sieglinde de Birgit Nilsson rayonne d’une voix de cristal tranchant: elle domine tous ses partenaires et s’investit dans le rôle comme si sa vie en dépendait, étonnante de vérité théâtrale, se brisant certes avec moins de génie que Léonie Rysanek l’année d’après, mais sans se ménager un instant. Une occasion supplémentaire de casser l’image de monolithe vocal qui lui colle à la peau (on peut écouter, de la même manière, l’anti-portrait de son Elektra de 1965).


Enfin, Astrid Varnay réveille les morts et déroule une prosodie souveraine dans le rôle de Brünnhilde. Ah... ce dernier mot («verlassen!») de la deuxième scène du deuxième acte, qu’on n’entendra peut-être jamais aussi bouleversant qu’en ce 15 août 1957 sur la scène de Bayreuth («Weh! mein Wälsung! Im höchsten Leid muss dich treulos die Treue verlassen!» – «Las! mon Wälsung! En l’extrême angoisse l’amie infidèle te quitte!»). Présentant un seul acte qui soit parfaitement incontestable (le troisième), cette Première journée est une expérience forte réservée à des auditeurs avertis. Pourtant, dans ces sommets de lenteur patiemment pétris par Hans Knappertsbusch, la musique semble se réinventer note après note, l’œuvre wagnérienne s’édifier sous nos yeux. Passionnant.


Siegfried se place un ton en dessous. La direction orchestrale paraît presque approximative au premier acte. Remplie de détails passionnants (et de petits couacs aussi), elle se révèle moins aboutie qu’en 1958. On comptabilise ainsi un dragon enregistré malheureusement de trop loin (Greindl), un Oiseau convenable (Hollweg) et une Erda à forte personnalité (Ilosvay). Inimitable, le Mime de Paul Kuën captive toujours par son aptitude à composer un personnage d’un lyrisme saisissant... quoique s’éloignant beaucoup de la ligne de chant portée sur la partition. L’Alberich de Neidlinger reste, lui, irréprochable.


Le Wanderer de Hans Hotter est fatigué dès le I (des graves paresseux), un peu en mal de justesse au II, livrant bataille jusqu’au bout dans le III: 1957 n’est décidemment pas la meilleure des cuvées pour ce chanteur hors du commun. Avec son timbre clair et ses aigus francs, Bernd Aldenhoff est un Siegfried à la limite du transparent (... tellement pâlot face à Windgassen) et se fait dominer de la tête et des épaules par Astrid Varnay, Brünnhilde devant l’Eternel. Le rôle est maîtrisé mais la justesse du heldentenor allemand n’est pas partout au rendez-vous, notamment à la fin du premier acte (le deuxième le trouve plus à son aise alors que le troisième est très au point).


Le Crépuscule des dieux demeure inégal mais apporte bien davantage de frissons (des Filles du Rhin exceptionnelles par exemple), dont certains parmi les plus indispensables de l’entière discographie. On pense, d’abord et avant tout, aux scènes avec les Gibichungen, lesquels revêtent les habits d’un Hagen inouï (Josef Greindl), d’un Gunther idéal (Hermann Uhde) et d’une Gutrune d’anthologie (Elisabeth Grümmer). La deuxième scène du premier acte atteint vocalement des sommets, avec un Uhde brisé et déchirant et un Greindl qui terrifie toujours autant dans ce rôle dévastateur qu’il investit avec une passion – une gourmandise, oserait-on dire – furieuse. Quant à Grümmer, elle est un luxe absolu en Gutrune, saisissante au II, irréprochable au III.


Les points faibles de cette Dernière Journée? Ils sont à chercher dans la direction de Knappertsbusch à dire vrai. Le Prologue est un peu plombé par l’inertie de la battue (... quel dommage au vu du luxe d’un plateau de Nornes affichant Birgit Nilsson). La troisième scène du premier acte aussi – vrai «temps mort» orchestral: on le regrette là encore, car la Waltraute à la voix brisée mais tendue au couteau de Maria von Ilosvay semble vraiment débarquer d’un autre monde. De même, la direction trouble par sa lenteur au deuxième acte – dans la troisième scène surtout, où les chœurs de Bayreuth n’ont probablement jamais eu autant de temps pour répondre aux appels de Hagen, pour un résultat plutôt pesant.


L’apathie semble également gagner les amants, bien que le remplacement de Bernd Aldenhoff par Wolfgang Windgassen soit un atout considérable. Un atout qui change tout et transforme le parcours vocal du héros au troisième acte en une saisissante épopée dramatique. La Brünnhilde de Varnay est égale à elle-même, qui marque moins au premier acte qu’au deuxième (dans le poison de la quatrième scène et la déchirure de la cinquième). Et, alors que Windgassen est magique dans le dernier acte, elle y est simplement grandiose. Pour cette seule raison – et malgré tous ses défauts –, cette Tétralogie est un indispensable pour mordu de Wagner.


Gilles d’Heyres

 

 

 

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