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12/02/2014
Mieczyslaw Weinberg : Sonates pour violon et piano n° 1, opus 12, n° 2, opus 15, n° 3, opus 37, n° 4, opus 39, n° 5, opus 53, et n° 6, opus 136 bis – Rhapsodie sur des thèmes moldaves pour violon et piano, opus 47 n° 3 – Sonatine pour violon et piano en ré majeur, opus 46 – Trois Pièces pour violon et piano
Linus Roth (violon), José Gallardo (piano)
Enregistré à Mechelen, Belgique (9-11 janvier et 22-24 février 2013) – 163’46
Coffret de trois disques Challenge Records CC 72567 – Notice en anglais et en allemand de Jens F. Laurson





Depuis quelque temps, la musique de Mieczyslaw Weinberg (1919-1996) sort d’un relatif oubli et Linus Roth et José Gallardo, qui se produisent ensemble depuis 1998, ont tenu à lui rendre hommage en se consacrant à l’ensemble de sa musique pour violon et piano qui comprend six Sonates, une Sonatine, les Trois Pièces de son jeune âge et la Rhapsodie sur des thèmes moldaves, qui est sans doute plus connue dans la roborative version orchestrale. Curieusement, à l’exception de la Sixième Sonate, le programme se présente dans l’ordre inverse de l’ordre chronologique de composition, peut-être à cause de la charge subjective qui inspirent les Cinquième et Sixième Sonates, placées en début et en fin de récital.


Weinberg, juif polonais aux origines moldaves ayant souffert de la persécution nazie et des purges antisémites staliniennes, composa son Opus 53 en 1953, après un emprisonnement de près de trois mois dans les geôles soviétiques pour de prétendues activités sionistes, et son Opus 136 bis en 1982, à la mémoire des membres de sa famille dont aucun n’avait réchappé aux massacres perpétrés par les SS au camp de Trawniki. La seule en quatre mouvements, la Cinquième Sonate est sans doute un sommet. Elle convient admirablement aux qualités expressives des deux interprètes et à l’équilibre de leur duo, le désarroi au violon, souvent lyrique et plaintif, le tourment au piano en un feu d’artifice grinçant de rythmes et d’énergie, cela bien que les rôles puissent éventuellement s’inverser. Weinberg, pianiste de grand talent conçoit ici une partie de piano brillante, dense, acrobatique, intense et hautement inventive, la thématique, en particulier celle de la danse presque macabre du troisième mouvement, ne laissant aucun doute quant à son héritage culturel, par ailleurs chanté par le violon. La Sixième Sonate passe d’une angoisse révoltée à une résignation désolée, les instruments le plus souvent indépendants, seuls ou en contrepoint, les motifs lancinants au graphisme dépouillé, les intervalles larges et les accords et double ou triple-cordes à la limite de la dissonance. Malgré quelques moments plus lyriques ou hymniques, c’est expressivement inconfortable, à l’image insoutenable de son inspiration.


Composées en seulement dix ans, à l’exception de la tardive Sixième, les six Sonates semblent toujours aller par deux. Les points communs de l’ensemble, pour autant en perpétuelle évolution, réunissent une ambiguïté tonale et modale, une thématique mélodique déliée ou fragmentée et un esprit d’aventure harmonique et structurel. Comme toutes, la Première Sonate (1943) alterne l’ombre et la lumière, une grande mobilité agitée cédant la place à un statisme contemplatif ou aux élans lyriques qui dansent ici entre le romantisme et le néo-classique. Ecrite un an plus tard, et tout aussi contrastée, la Deuxième Sonate, de style plus affirmé et plus heurté, semble poser quelques problèmes de mise en place aux deux musiciens qui en signent pourtant la première parution au disque.


Le duo retrouve une musicalité enflammée pour les Troisième et Quatrième Sonates, composées en 1947, qui révèlent un Weinberg libéré des influences extérieures et ayant pleinement trouvé sa propre voix, les quelques traits communs avec Chostakovitch étant un choix de style et d’esthétique. Bien que toujours classiquement en trois mouvements – la Troisième à dominance lyrique, et l’intense Quatrième secrète et douloureuse – les deux partitions ne présentent qu’un seul mouvement réellement vif. L’Allegretto cantabile sombrement mouvementé de l’Opus 37 comporte un thème qui remonte aux origines hébraïques du compositeur et l’énergique Allegro féroce de l’Opus 39 déferle en un tourbillon de force qui, in fine, se déverse dans les eaux plus calmes d’un Adagio tenuto désolé. La verve du duo retrouvée s’étend à la gracieuse Sonatine classique, en majeur (1949), le troisième mouvement toutefois au langage plus hardi, et à la délicieuse exubérance de la Rhapsodie (1949-1952) à l’âme moldave caractéristiquement entre le sombre et l’éclatant, le drame et une joie désaxée.


Malgré les quelques irrégularités du troisième volet, «Sen o Lalce», les Trois Pièces (1934-35) révèlent un très jeune compositeur étonnant, déjà plein de promesses quoique peut-être encore sous l’influence de Szymanowski, son compatriote, tant pour le style impressionniste du charmant «Nocturne» que pour l’énergie feu-follet du «Scherzo». Leur place, comme en postlude, permet aux deux musiciens de clore leur récital sur une note à dominante plus lumineuse.


La prise de son assez sèche et irrégulière manque peut-être de relief et semble plus favorable aux sonorités du violon qu’à celles du piano, parfois un peu épaisses. Deux autres intégrales se préparent parallèlement à celle-ci et semblent toutes les deux bénéficier d’une prise de son de meilleure qualité. Stefan et Andreas Kirpal en sont à un premier volume chez cpo et les excellents Yuri Kalnits et Michael Csányi-Wills à leur deuxième (Toccata Classics). L’avantage reste que Roth et Gallardo présentent en une seule fois toutes les œuvres pour violon et piano éditées du vivant du compositeur – il existerait dans les archives deux Chants sans paroles (1942), jamais publiés – et que, malgré certains déséquilibres passagers qui relèvent peut-être de la prise de son, leur interprétation reste d’un bon niveau et leur engagement manifeste.


Le site de Linus Roth
Le site de José Gallardo


Christine Labroche

 

 

 

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