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11/18/2014
«1828»
Franz Schubert : Sonate n° 22, D. 959 [*] – Fantaisie en fa mineur, D. 940 – Allegro en la mineur, D. 947 «Lebensstürme» – Rondo en la majeur, D. 951

Philippe Cassard [*], Cédric Pescia (piano)
Enregistré à la paroisse du Bon-Secours, Paris (février 2014) – 78’
La dolce volta LDV15 – Notice de présentation en français, anglais, allemand et japonais





«Schubert. Works for Solo Piano. Volume 1»
Franz Schubert : Sonate n° 23, D. 960 – Fantaisie en ut majeur, D.760 «Wandererfantasie» – Du bist die Ruh, D. 776 n° 3 – Ungeduld, D. 795 n° 7 (arrangements Liszt)

Barry Douglas (piano)
Enregistré au Curtis Auditorium, Cork School of Music, Bishopstown, Cork (27-28 septembre 2013) – 69’15
Chandos CHAN 10807 – Notice de présentation en français, anglais et allemand





Franz Schubert : Sonate n° 23, D. 960 – Moments musicaux, D. 780
Denis Pascal (piano)
Enregistré au Studio 4’33’’, Ivry-sur-Seine (avril 2012) – 73’
Polymnie POL 152 092 – Notice de présentation en français et anglais





Franz Schubert : Sonate n° 20, D. 894 – Fantaisie en ut majeur, D.760 «Wandererfantasie» – Marche militaire, D. 733 n° 1 (arrangement Tausig)
Tristan Pfaff (piano)
Enregistré en l’abbaye de Fontevraud (novembre 2012) – 60’
Aparté AP065 – Notice de présentation en français et anglais





Franz Schubert : Sonate n° 22, D. 959 – Trois Klavierstücke, D. 946 – Impromptu, D. 899 n° 3
Irina Lankova (piano)
Enregistré à La Chaux de Fonds (septembre 2012) – 79’
Indésens INDE056 – Notice de présentation en français et anglais





Franz Schubert : Trois Klavierstücke, D. 946
Franz Liszt : En rêve – Toccata – Nuages gris – Bagatelle sans tonalité
Arnold Schönberg : Trois Klavierstücke, opus 11
Alban Berg : Sonate, opus 1

Edda Erlendsdóttir (piano)
Enregistré à Stokkalaekur (juin 2012) – 66’22
ERMA 200.008 – Notice de présentation en français, anglais et islandais





Franz Schubert : Fantaisie en fa mineur, D. 940 – Allegro en la mineur, D. 947 «Lebbensstürme» – Sonate «Grand Duo», D. 812
Ismaël Margain, Guillaume Bellom (piano)
Enregistré à l’atelier Cortambert de la Fondation Singer-Polignac, Paris (juillet 2012) – 78’57
Aparté AP056 – Notice de présentation en français et anglais





Comme pour Beethoven, Chopin ou Liszt, on ne se lasse pas d’écouter les pianistes mettre ou remettre sur le métier le «flux inépuisable» (Vogl) de la musique pour piano de Franz Schubert (1797-1828). Sept disques mais neuf pianistes, offrant l’occasion de comparer des partitions pour piano seul (avec deux versions des D. 960, D. 959, D. 946 et D. 760) ou à quatre mains (avec deux enregistrements des D. 940 et D. 947).


Dans son album, Philippe Cassard (né en 1962) se concentre sur l’année 1828 – la toute dernière de la vie de Schubert, celle de la Sonate en la majeur. Pour contestable qu’il soit, le choix d’omettre la reprise du premier mouvement (parce qu’elle «n’ajoute rien de plus au déroulé des paysages») n’empêche pas Philippe Cassard d’habiter pleinement ces pages et de leur offrir une interprétation neuve. Le renforcement de l’équilibre entre les quatre mouvements (par la manière comme par la durée) offre au tableau schubertien des couleurs plus homogènes et une unité plus affirmée – au détriment de l’errance métaphysique d’une Uchida, de la majesté de toucher d’un Brendel ou de la virilité bouleversante d’un Kovacevich. Un changement d’échelle dans les équilibres auquel l’auditeur est habitué – renforcé par l’enchaînement subito avec l’Andantino, qui produit un effet marquant, asphyxiant d’un coup l’émotion créée par la réapparition du thème à la toute fin de l’Allegropage conclusive étonnante par ses propriétés hypnotiques: un rappel pianissimo du thème, comme provenant de derrière l’horizon, de mystérieux arpèges baignés de pédale, suspendus dans le silence et l’attente: Schubert nous a préparés à descendre à tâtons dans le réceptacle de la douleur la plus nue exprimée, dans l’Andantino qui suit, par un Wanderer claudiquant et esseulé»). Le deuxième mouvement semble réinventé: la fausse neutralité de la pulsation, la morbidité sous-jacente, l’angoisse quasi imprévisible du toucher – expérience déroutante qu’il faut plusieurs écoutes pour apprivoiser. Le Scherzo et le Rondo semblent avoir destin lié, s’écoulant presque continûment dans une pédale rarement levée, mais sans s’haleter. Un refus du pathos, une acceptation de la fantaisie légère, un pianisme assumé. Et un enregistrement qui a toute sa place dans le jardin du D. 959.


Trois œuvres pour quatre mains – contemporaines de la Sonate – complètent le disque, grâce au concours du prometteur Cédric Pescia (né en 1976) – dont on a récemment salué les talents. La gigantesque Fantaisie en fa mineur (18 minutes d’inventivité romantique sur fond de passion amoureuse) joue une corde émotionnelle proche des principes retenus dans l’Allegro de l’Avant-dernière Sonate, montant inexorablement en puissance émotionnelle. Parsemé de rythmes tumultueux et d’accords chaleureux, exaltant les «orages de la vie», l’Allegro en la mineur (sans la reprise de la première partie) confirme l’osmose entre Philippe Cassard et son cadet franco-suisse. Protéiforme, le Rondo en la majeur est d’un abord moins séduisant, malgré les efforts des deux exécutants de jouer sur les nuances pour rehausser le discours musical. Un très beau disque, pour schubertiens exigeants (voir par ailleurs l’entretien que Philippe Cassard a accordé à notre site).


Barry Douglas (né en 1960) débute une intégrale des œuvres pour piano seul de Schubert, ce premier volume commençant en quelque sorte par la fin. Amateurs des fragilités dépressives et des lenteurs infinies, passez votre chemin! Le Schubert du pianiste irlandais n’est pas pour vous... La Dernière Sonate ne souffre ainsi d’aucune somnolence dans le premier mouvement, qui révèle une permanente mobilité doublée d’une parfaite maîtrise du propos. Un Schubert tout en rythmes, très rassurant et déterminé. Trop, probablement, pour l’Andante sostenuto, défilant à nos oreilles avec trop d’empressement malgré la finesse du toucher. La transition est, du coup, moins accentuée qu’à l’accoutumée avec la vivacité du Scherzo, qui revigore néanmoins l’esprit (en moins de 4 minutes). Par la remarquable unité de sa construction, le dernier mouvement est une caresse pour l’oreille tant sont maîtrisées les transitions rythmiques. Si les jeux de pédale font leur effet dans les deux lieder transcrits par Liszt et interprétés avec grandeur et foi, la maîtrise technique souveraine de la Fantaisie en ut majeur rappelle qu’en plus d’être un pianiste «Wanderer», le lauréat du Concours Tchaïkovski 1986 est un virtuose accompli. Hautement convaincant à défaut d’être toujours émouvant.


Dans la Dernière Sonate, Denis Pascal (né en 1962) éprouve davantage de difficulté à convaincre de la cohérence de son approche, desservi au demeurant par une prise de son d’une dureté peu avenante. Le Molto moderato initial hésite entre fluidité et martèlement, la précision minutieuse de la frappe asséchant à l’excès le discours. Le pianiste français crée trop de vide autour de son toucher pour captiver l’auditeur, même si le deuxième mouvement atteste de l’intelligence de cette approche exigeante qui ne laisse rien au hasard. Le squelettisme du Scherzo propose un chemin à la morbidité déroutante, une manière de faire qui assèche à l’excès l’Allegro ma non troppo conclusif. Un parcours original mais semé d’embûches. Moins jusqu’au-boutistes, les Moments musicaux sont empreints d’entêtantes couleurs dépressives (Andantino, Allegro vivace) mais manquent aussi de chair (les deux Moderato notamment).


En comparaison de la tornade Barry Douglas, la «Wanderer» de Tristan Pfaff (né en 1985) manque de grandeur dans la maîtrise technique, le pianiste français allégeant les lignes pour mieux polir les angles de la Fantaisie en ut majeur. La bête est néanmoins domptée avec méthode, fougue et légèreté – des qualités d’architecte déjà repérées dans un premier album consacré à Liszt et qui subliment la charmante Marche militaire en ré bémol majeur arrangée par Carl Tausig. Dans l’immensité de la Sonate en sol majeur en revanche, la nervosité de la frappe brise la profondeur du regard sur le monde porté par Schubert dans cette partition délicate à négocier. Tristan Pfaff brutalise quelque peu le Molto moderato e cantabile, secoue l’Andante avec une vigueur pas toujours bienvenue – qui sied beaucoup mieux à l’Allegretto final, empli de sourire et de détente – et exagère le contraste entre le Trio et le reste du Menuet. Un piano encore en maturation.


Comme en concert, Irina Lankova (née en 1977) domine avec aisance l’Avant-dernière Sonate, mais son approche est trop «passe-partout» (au sein d’une discographie pléthorique) pour retenir l’oreille. Certes, on ne peut nier la sensibilité et la rondeur du son dans le premier mouvement, la finesse du balancement dans l’Andantino, l’espièglerie du Scherzo ou la sobriété du dernier mouvement (malheureusement un peu faible sur la fin). Comme dans la notice («c’est l’une des plus célèbres œuvres pour piano, avec sa mélodie qui semble sans fin, dans un discours empreint de sérénité et de liberté»), la pianiste russe semble à court d’inspiration dans le Troisième Impromptu qui clôt l’album en flirtant avec la mièvrerie. Les Klavierstücke la trouvent plus expressive, même si les pannes d’inspiration (dans le mi bémol mineur et le mi bémol majeur notamment, affectés de bien trop de chutes de tension) côtoient les traits de conduite les plus nets. Pas de trahison, plutôt du beau piano même, mais rien – dans le toucher comme dans l’approche – qui ne sorte de l’ordinaire.


Par comparaison, les Klavierstücke de la distinguée pianiste islandaise Edda Erlendsdóttir (née en 1950) sont autrement plus inspirés, riches en nuances comme en arrière-plans, prenant tout leur temps, traînant presque par instants (notamment dans le mi bémol majeur) pour construire un univers musical – pas toujours très schubertien de style – mais d’une grande épaisseur psychologique. La partition est audacieusement mise en perspective du Liszt tardif, avec lequel elle entretient peu de liens objectifs et que l’interprète appréhende dans un geste lapidaire. Ainsi que l’écrit Philippe Manoury dans la notice, «on ne peut compter Schubert parmi les antécédents directs de l’auteur du Pierrot lunaire mais ce dernier affirme avoir beaucoup appris de l’étude de ses partitions». Les Klavierstücke opus 11 de Schönberg offrent, en effet, un point de comparaison plus intéressant – plus spécialement avec l’Ut majeur de Schubert, étiré sur près de 8 minutes dans une approche presque marmoréenne qui résonne intelligemment avec le second «Mässig». Une Sonate de Berg – brûlante mais parfois fuyante voire brutale – complète ce programme dense et intelligent. Du piano comme on l’aime.


Un mot rapide, enfin, sur le Schubert à quatre mains des jeunes Ismaël Margain et Guillaume Bellom (nés en 1992), qui recoupe en partie le programme de Philippe Cassard et Cédric Pescia sans en égaler la réussite. Le talent est là, mais le résultat manque à la fois de musicalité et d’accomplissement technique. La Fantaisie en fa mineur en est le meilleur exemple: remplie de très belles choses (à commencer par d’indéniables qualités d’écoute mutuelle), la conception d’ensemble pèche en unité, butant sur trop de temps morts dans le flux émotionnel. L’intimidant Allegro en la mineur trouve le duo français plus à son aise, de même que les trois quarts d’heure du rare et exigeant Grand Duo de 1824, exécuté avec minutie.


Le site de Philippe Cassard
Le site de Cédric Pescia
Le site de Barry Douglas
Le site de Denis Pascal
Le site d’Irina Lankova
Le site d’Edda Erlendsdóttir
Le site de Tristan Pfaff


Gilles d’Heyres

 

 

 

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