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06/21/2014
Benjamin Britten : Canticle I «My Beloved is Mine», opus 40 – Canticle II «Abraham and Isaac», opus 51 – Canticle III «Still falls the Rain - The raids, 1940, Night and Dawn», opus 55 – Canticle IV «Journey of the Magi», opus 86 – Canticle V «The Death of Saint Narcissus», opus 89
Christopher Ainslie (contre-ténor), Ben Johnson (ténor), Benedict Nelson (baryton), Martin Owen (cor), Lucy Wakeford (harpe), James Baillieu (piano)
Enregistré à Londres (11-13 avril 2012) – 56’
Signum Classics SIGCD317 – Notice en anglais de Ben Johnson et textes inclus





Le jeune ténor Ben Johnson (né en 1983) estime que les Canticles de Benjamin Britten (1913-1976), écrits les trois premiers entre 1947 et 1954 et les deux derniers en 1971 et 1974 pour un effectif à chaque fois différent, représentent un puissant condensé de la carrière professionnelle du compositeur et il relève le défi que présente l’interprétation intégrale de cet ensemble vivement contrasté avec beaucoup d’autorité, de sensibilité et de conviction.


Les cinq Canticles ne forment pas un cycle proprement dit et sont souvent interprétés séparément. Ils ont en commun d’être autant de réponses intimes à des circonstances particulières et de se destiner en premier lieu à une voix principale – à l’origine le ténor de Peter Pears – qui en est le fil rouge. Composés en parallèle à ses grands opéras sur des textes d’origine profane et pénétrés d’une profonde spiritualité quasi religieuse, ils s’apparentent davantage à l’esprit de la cantate ou de l’opéra et les interprètes se trouvent confrontés à de véritables miniatures dramatiques, toute la science vocale, poétique et théâtrale de Britten entrant en jeu.


Sur un texte de Francis Quarles, poète de la Renaissance anglaise qui s’inspirait en essence du Cantique des Cantiques, My Beloved is Mine est une voluptueuse mélodie développée qui laisse s’épanouir le beau ténor souple de Ben Johnson, la partie de piano en contrepoint original bien servi par le doigté agile de James Baillieu. La voix plus charnelle que celle d’Ian Bostridge ou de Peter Pears, le timbre plus italianisant, peut-être, plus gallois qu’anglais, Johnson propose une chaleureuse alternative à ces deux prestations de référence.


Le Miracle de Chester médiéval est une dramatisation du sacrifice d’Abraham et fait du deuxième Canticle de 1952, Abraham and Isaac, un touchant mini-opéra à trois personnages pour ténor (Abraham), alto (Isaac) et piano, le coup de génie de Britten étant de mêler intimement les deux voix pour créer une troisième voix inouïe, parfaite pour les interventions de Dieu. Le riche alto de Christopher Ainslie permet un bel équilibre à deux mais crée un Isaac plus adolescent que jeune garçon et de ce fait rappelle que Kathleen Ferrier était l’alto de la création. La voix moins fruitée de David Daniels crée avec Bostridge un équilibre plus éthéré et c’est à noter que lors de l’enregistrement de 1961, Britten opte pour sa seconde solution et confie le rôle à John Elwes, jeune choriste de quinze ans, alto à l’époque, Pears campant un Isaac de pleine maturité en contraste. Cette nouvelle version établit une relation autre, tout à fait éloquente.


La rupture vient avec le troisième Canticle sur la désolation des années de guerre d’après un texte d’Edith Sitwell, dur, sombre un poignant. Pour ténor, cor et piano, Still falls the rain évoque le blitz de 1940 par le biais d’une allégorie de la Passion du Christ. Le piano, urgent et omniprésent, expose avec le cor le thème qui entraîne cinq variations lancinantes pour cor et piano chacune à la suite de l’un des cinq versets douloureux et protestataires réservé au ténor. Une dernière variation vient en contrepoint du sixième verset, la combinaison des deux voix solistes étrangement immatérielle. Appuyée par l’excellente diction de Ben Johnson, la prestation des trois interprètes donne beaucoup de poids à ce concentré dramatique. Le cor de Martin Owen change souplement mais radicalement de style à chaque variation à l’instar du piano qui s’en fait son écho délicat dans son accompagnement minimal de la voix. Johnson file des aigus d’une douceur satinée, durcissant efficacement sa voix aux instants les plus dramatiques jusques à un bref sprechgesang glacé d’effroi.


Les deux derniers Canticles font appel à T.S Eliot. Pour alto, ténor, baryton et piano, The Journey of the Magi est le récit de voyage des trois Mages dramatiquement incarnés par Christopher Ainslie, Ben Johnson et Benedict Nelson en «close harmony», à l’unisson ou en soliste, le piano évoquant les péripéties d’un cheminement qu’ils trouvaient assommant. De nouveau on constate un excellent travail sur le timbre dans le souci de mêler ou d’opposer les voix. Pour The Death of Saint Narcissus, Britten, partiellement handicapé de la main droite, abandonna le piano qu’il n’aurait pu tenir à la création pour une harpe fluide, diserte ou pointilliste, tenue ici par Lucy Wakeford, qui enlumine les images fugitives qui surgissent de la prosodie particulière d’Eliot magistralement respectée par le compositeur. Avec une diction exemplaire, Ben Johnson, attentif à la moindre inflexion, défend l’étrange beauté de ce poème d’une voix sûre aux mille variations nuancées sans surcharge, sensible à la prosodie comme au raffinement d’un phrasé musical parfois austère.


La prestation des six interprètes est tout à fait convaincante. Par sa différence, c’est une intrigante alternative aux versions de Pears et Britten (Decca, 1961) et d’Ian Bostridge et Julius Drake (Virgin Classics, 2002) et mérite l’attention des mélomanes déjà sensibles ou prêts à s’ouvrir à la beauté de cette œuvre composite.


La page de Ben Johnson
Le site de Christopher Ainslie
La page de Benedict Nelson
La page de Martin Owen
La page de Lucy Wakeford
La page de James Baillieu


Christine Labroche

 

 

 

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