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11/28/2013
«Trifonov. The Carnegie Recital»
Alexandre Scriabine : Sonate n° 2, opus 19
Franz Liszt : Sonate en si mineur
Frédéric Chopin : Préludes, opus 28
Nikolai Medtner : Skazki n° 2, opus 26 n° 2

Daniil Trifonov (piano)
Enregistré en public à l’Isaac Stern Auditorium, Carnegie Hall, New York (5 février 2013) – 62’38
Deutsche Grammophon 479 1728 – Notice de présentation en français, anglais et allemand





Frédéric Chopin : Concerto pour piano n° 1, opus 11 (arrangement [pour orchestre à cordes] Rajski) – Barcarolle, opus 60 – Impromptus n° 1, opus 29, et n° 2, opus 36 – Tarentelle, opus 43
Daniil Trifonov (piano), Polska Filharmonia Kameralna Sopot, Wojciech Rajski (direction)
Enregistré à l’Académie de musique St. Moniuszko, Gdansk (décembre 2010) – 63’30
Dux 0832 – Notice de présentation en anglais





Pétri de musicalité, bourré de talents, le pianiste russe Daniil Trifonov (né en 1991) est un sacré phénomène. Un phénomène auquel on a (encore) du mal à adhérer tant le manque de maturité l’emporte par moments sur la manifestation du talent: ainsi, son album chez Decca (un «Chopin prétentieux et parfois consternant») avait particulièrement irrité.


Datant de la même année (2010), les Chopin édités par Dux – moins agaçants – ne captivent guère plus. On avoue, du reste, avoir un peu de mal à comprendre l’intérêt d’un arrangement pour orchestre de cordes du Concerto pour piano mi mineur de Chopin – qui tend à appauvrir davantage un accompagnement orchestral déjà économe et qui manque ici singulièrement de poésie. Sauf à souhaiter valoriser encore le toucher puissant et assuré de Daniil Trifonov. Voici un pianiste qui ne doute de rien, phrasant son Opus 11 avec l’assurance de la jeunesse. Trop de certitudes s’affirment dans le premier mouvement, le jeu brutalisant le discours et se révélant assez univoque. Le mouvement lent offre davantage de grâce mais aussi peu de mystère, alors que le Rondo est tout entier fait de franchise espiègle. Les compléments révèlent un beau Chopin, sobre et ordinaire (Impromptus), avec des idées claires et un legato bien phrasé (Barcarolle, Tarentelle).


Le dernier album de Daniil Trifonov, enregistré lors d’un concert au Carnegie Hall en 2013 et publié par DG, tend à accréditer l’idée d’une maturation du style du jeune pianiste russe. Passé la déception logique suscitée par le contraste entre l’écoute de ce (très bon) récital (relire la chronique en anglais de ConcertoNet) et la lecture d’une notice exagérément emphatique cherchant à l’inscrire au panthéon de l’histoire de la musique («Depuis plus de cent vingt ans, le Carnegie Hall de New York est le théâtre de moments magiques, qui a notamment vu des débuts d’artistes exceptionnels, de Tchaïkovski aux Beatles. (...) Pour ceux qui ont assisté à ce récital de Carnegie en février 2013, l’enthousiasme du public dépassait le simple plaisir d’entendre un concert exceptionnel ou de participer à un rite d’initiation professionnelle; la salle – portée sur les ailes fascinantes de Trifonov – était imprégnée du sentiment palpable de vivre un instant d’une importance cruciale, marquant la reconnaissance unanime d’une carrière majeure qui prenait son envol. Le présent enregistrement est un document qui permet de partager ce moment unique où Trifonov a inscrit son nom sur le registre des légendes de Carnegie Hall»), on apprécie l’évolution de l’interprète vers davantage de subtilité.


La première partie du concert était consacrée à Scriabine et Liszt. La Sonate-Fantaisie globalement tapageuse et noire – dans la veine d’un Horowitz – n’évite pas quelques temps morts, comme si Trifonov hésitait entre deux styles tant la frappe s’allège et s’enrobe d’une lumière un peu doucereuse par instants (jusqu’à la franche sécheresse de la fin). Un Scriabine qu’on aimerait plus jusqu’au-boutiste, mais qui tient la route. La Sonate en si mineur surprend: là où l’on aurait pu s’attendre à la folie d’un Horowitz, l’épaisseur d’un Richter ou la rigueur d’un Gilels, on a affaire à une étonnante légèreté de frappe – qui évoque davantage André Watts. Un Liszt d’une belle fluidité, aux poignets tenus et d’une confortable vigueur (sauf peut-être dans la fugue qui tend à se raidir), plutôt rassurant quant à l’inexorabilité d’un propos clair et sain. Jolie performance... qui ne bouleverse en rien la discographie de l’œuvre.


Donnés en seconde partie, les Préludes de Chopin sont d’un seul tenant («not 24 separate studies or pictures, but a complete fresco of colors and tempos», comme ConcertoNet l’écrivait en rendant compte du concert), particulièrement vifs et presque fugaces par moments (le Seizième s’engage dans une course-poursuite sans ostentation, le Huitième virevolte passionnément, les Quatorzième et Dix-huitième frémissent d’une émotion tumultueuse mais toujours pudique, le Troisième fait même de l’esbroufe dans sa cavalcade). Un Chopin concentré et rempli d’intelligence – au risque de la dureté (à certains instants du Quinzième Prélude, pourtant embarqué dans une rare diversité de climats). Avec de l’émotion aussi (subtilité de la frappe dans le Onzième, poésie du toucher dans le Treizième). Sans aller jusqu’à reproduire le geste d’airain d’Arrau ou la fougue électrique d’Argerich, Daniil Trifonov gagnerait beaucoup à ne pas craindre d’appuyer davantage son propos – comme en témoignent le Vingt-deuxième ou, plus encore, le Vingtième Prélude (lequel laisse tout à fait indifférent alors qu’il constitue souvent le sommet du cycle). Bref, l’éclosion du talent (immense) de ce pianiste russe reste en cours...


Le site de Daniil Trifonov
Le site de l’album «Trifonov. The Carnegie Recital»


Gilles d’Heyres

 

 

 

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