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11/15/2013
«Piano des Lumières»
Baldassare Galuppi : Sonates en ut mineur et en ré mineur, opus 2 n° 2
Johann Sebastian Bach : Fantaisie en ut mineur, BWV 906
Joseph Haydn : Capriccio «Acht Sauschneider müssen sein», Hob.XVII:1 – Andante et Variations en fa mineur, Hob.XVII:6
Wolfgang Amadeus Mozart : Variations sur «Ah! vous dirai-je, maman», K. 300e [265]
Carl Philipp Emanuel Bach : Fantaisie en fa dièse mineur, Wq. 67, H. 300

Edna Stern (piano)
Enregistré à Milan (date non précisée) – 60’21
Air Note (distribué par Socadisc)





Edna Stern (née en 1977), après de précédents enregistrements consacrés à CP.E. Bach, à Schumann, à la chaconne, à Bach, à Mozart (Zig-Zag Territoires) et à Chopin (Naïve), rejoint Air Note, le label fondé par Racha Arodaky. De fait, cet album s’inscrit dans lignée de ceux que la pianiste franco-syrienne y a précédemment publiés, consacrés à Bach et Haendel, non seulement par son programme, qui trace un pont de l’époque baroque (Bach) à la période classique (Mozart), mais, plus encore, par une réelle parenté musicale entre les deux pianistes.


Face à ce répertoire dont les exigences sont bien plus stylistiques que techniques, Edna Stern sait elle aussi éviter les écueils et la facilité: la grande délicatesse du toucher ne constitue en rien un prétexte à la mièvrerie, à la prudence et l’immobilisme, mais une invitation à un parcours intimiste. La prise de son y contribue de façon délibérée: les micros, placés très près des marteaux et des cordes, évitent cependant tout effet percussif, autorisent le ton de la confidence et mettent en valeur une sonorité ronde, sans pour autant apparaître trop cotonneuse. Dans ces conditions, le Steinway rend le baroque moins tranchant et plus legato qu’on ne l’entend souvent aujourd’hui – Fantaisie BWV 906 de Bach – mais n’a pas peur de s’aventurer jusqu’au bord du gouffre – splendide Fantaisie en fa dièse mineur (1787), emblématique de l’Empfindsamkeit de C.P.E. Bach – et restitue au classique une dimension introspective, particulièrement adapté au caractère volontiers mélancolique ou méditatif du programme.


Celui-ci se signale par son originalité comme par sa cohérence: dans l’entretien qu’elle nous a accordé, Edna Stern affiche son intention de «créer une ligne (quasi chronologique) imaginaire qui montre et souligne le lien entre ces pièces et ces compositeurs». Un voyage de Bach à Mozart, donc – même si le point d’arrivée est, en réalité, Haydn, deux ans après la mort de Mozart et si, comme pour bien des voyages, c’est le chemin parcouru qui compte encore plus que l’objectif final. Car si le trajet a sa cohérence, il n’est pas uniforme: Edna Stern nous fait voir du pays, privilégiant les formes libres (variations ou fantaisies), même les deux sonates (en deux mouvements) de Galuppi étant chacune sui generis. Le sublime Andante et Variations (1793) de Haydn peut, dès lors, conclure en apothéose, sous-titré à la fois «Sonata» et «Un piccolo divertimento». Et si l’humeur générale est plutôt tendre ou pensive, à défaut d’être vraiment sombre, l’humour et l’esprit reprennent leurs droits dans les Variations sur «Ah! vous dirai-je, maman» (1778) de Mozart ou le délicieux Capriccio «il faut être huit pour castrer un porc» (1765) de Haydn.


Baldassare Galuppi (1706-1785), auquel la pianiste comptait initialement consacrer la totalité de son disque, constituera une révélation pour beaucoup, alors que de son vivant, il fut, semble-t-il, plus célèbre encore que Vivaldi. Mais qui se souvient aujourd’hui que l’auteur d’une centaine d’opéras et d’une vingtaine d’oratorios a également écrit plus de cent sonates pour clavier, dont aucun travail musicologique n’a apparemment entrepris le classement raisonné? S’il y a d’autres pépites que cette Sonate en ré mineur, par exemple, deuxième d’un lot de six publié comme «opus 2» dans les années 1750 à Londres, il est à souhaiter qu’Edna Stern ou d’autres nous les fassent connaître, car si l’on n’en avait pas connu le compositeur, on aurait pu en attribuer le premier mouvement à Haydn et le second, sur un rythme de gigue, à Scarlatti.


Le site d’Edna Stern


Simon Corley

 

 

 

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