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11/11/2013
«Intégrale des œuvres pour violoncelle et piano»
Georges Enesco : Sonates pour violoncelle et piano n° 1 en fa mineur, opus 26 n° 1, et n° 2 en ut majeur, opus 26 n° 2 – Allegro en fa mineur – Nocturne et Saltarello

Valentin Radutiu (violoncelle), Per Rundberg (piano)
Enregistré à la Maison de la culture de Leverkusen (15-17 avril 2013) – 88’07
Double album Hänssler Classic CD 98.021 – Notice en allemand et en anglais de Michael Kube





Sélectionné par la rédaction


Si Georges Enesco (1881-1955) affirmait à l’occasion qu’il détestait son violon, c’était une boutade. Son excellence et sa renommée en tant que violoniste, chef d’orchestre, conseiller (Arthur Grumiaux), pédagogue (Yehudi Menuhin, Ida Haendel et Christian Ferras furent parmi ses élèves) et pianiste ont longtemps occulté ses solides talents de compositeur auxquels il accordait lui-même, à juste titre, une importance capitale. Au cours des deux dernières décennies, ses œuvres sont apparues de plus en plus fréquemment au concert comme au disque, notamment, parmi ses œuvres de musique de chambre, la remarquable Troisième Sonate pour violon et piano aux essences roumaines. Le succès de ses pièces pour violoncelle et piano reste pour l’instant plus confidentiel, cependant, et, après une petite poignée d’enregistrements dont celui d’Alexandre Dmitriev et Alexander Paley, c’est avec grand plaisir que l’on peut accueillir une nouvelle version des deux Sonates pour cette formation accompagnées de deux pièces rarement entendues.


L’entente et l’excellent équilibre qu’atteint le duo formé par Valentin Radutiu (né en 1985) et le pianiste suédois Per Rundberg (né en 1971) contribue sans aucun doute à la belle réussite de leur collaboration. Leur premier enregistrement ensemble – trois sonates françaises (Lalo, Magnard et Ravel) – a déjà marqué les esprits par sa qualité et par sa tenue et les deux musiciens se retrouvent ici en parfaite symbiose. Le nom du jeune violoncelliste allemand suggère des racines roumaines et, Per Rundberg brillamment au diapason, c’est avec beaucoup de doigté et d’intelligence qu’il révèle les éléments de sensibilité roumaine que recèle ou expose la musique d’Enesco, ce dès les pièces plus anciennes à l’élan encore brahmsien. Que Radutiu attaque avec fougue ou qu’il file de longues lignes mélodiques avec un legato superbe, le son particulier de son violoncelle – Francesco Ruggieri, 1685 – plus en finesse granitée qu’en noir velours, garde le même timbre puissant et équilibré dans tous les registres. Le toucher varié du pianiste et l’aisance et le naturel avec lesquels il passe d’un style fluide aux rythmes marqués, de traits percussifs aux scintillements cristallins ne peuvent qu’être à l’avantage de la mise en place délicate des lignes indépendantes et de la variation organique des compositions d’Enesco. Constamment à l’écoute l’un de l’autre, les deux musiciens déploient la musicalité, les forces expressives et la conviction qui conviennent à la spontanéité apparente de ces partitions.


Nocturne et Saltarello (1897) est une charmante pièce de contraste, le «Nocturne» délicieusement chantant sous un climat onirique, le vif «Saltarello» à la légère fragrance roumaine. En quatre parties qui exploitent les notions cycliques de l’époque, l’Allegro de 1897, enregistré ici pour la première fois, est en fait une étude élaborée pour la Sonate en fa mineur composée un an plus tard. On en comprend l’envergure de la transformation dès l’unisson saisissant qui ouvre le premier mouvement de la Sonate sur le motif de trois notes qui est à la base de tout le matériau de l’œuvre. L’envergure se confirme par la fougue qui s’ensuit, par le lyrisme contagieux et l’ample respiration des grands thèmes et par le brillant contrepoint final, l’ensemble presqu’également distribué entre les deux instruments. Encore brahmsienne quoique de transparence française, la Sonate, gracieuse, mélancolique, puissante ou vive, révèle néanmoins la richesse fertile des idées d’Enesco qui devait mener à la profonde originalité de sa maturité créatrice.


Malgré les trente-sept ans qui les séparent, les deux Sonates furent publiées en même temps avec le même numéro d’opus. Enesco composa la Seconde Sonate en 1935 dans un langage audacieux – modal, hétérophonique et polyrythmique – sans jamais se départir de son talent lyrique, les climats renouvelés toujours empreints d’une grande liberté romantique. Le même matériau musical irrigue les quatre mouvements, le premier d’un lyrisme contemplatif, le deuxième un scherzo crépusculaire et le troisième bouleversant de renoncements et d’espoirs lumineux. Le final est une étonnante synthèse sublimée à la roumaine qui rappelle en plus tendu, plus implacable, celle de la Troisième Sonate pour violon et piano, oscillant entre exubérance et mélancolie. Il exige une grande habileté technique guidée par une sensibilité sûre, avec une rare souplesse physique et expressive au piano qui peut évoquer dans un même élan les traits aussi bien de certains styles de chant populaire que des instruments de tradition.


Disciples l’un de Henrich Schiff, l’autre de Murray Perahia, les deux musiciens talentueux sont bien à la hauteur de la tâche mais la grande valeur de leur récital vient aussi de la complicité sans faille qui les réunit dans un même flux et dans une même esthétique musicale, ce qui ne peut qu’équilibrer et embellir le grand souffle de leur prestation. Bravo.


Le site de Valentin Radutiu


Christine Labroche

 

 

 

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