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10/19/2013
«Michelangelo in Song»
Benjamin Britten : Seven Sonnets of Michelangelo, opus 22 (transcription Norris)
Dimitri Chostakovitch : Suite sur des poèmes de Michelangelo Buonarroti, opus 145
Hugo Wolf : Drei Gedichte von Michelangelo

John Tomlinson (basse), David Owen Norris (piano)
Enregistré au Potton Hall, Dunwich, Suffolk (29 novembre-1er décembre 2012) – 62’52
Chandos CHAN 10785 – Notice de présentation en français, anglais et allemand





C’est un récital fort bien construit – et éprouvé sur scène («dans des salles de concert, des amphithéâtres, des musées, des salles des fêtes et des églises – là où il y a un bon piano, une chaise et une table, et avec l’aide de vingt-et-une vieilles feuilles de papier et d’une blouse de peintre») longtemps avant d’être porté au disque – que propose John Tomlinson. Vingt-et-une mélodies de basse sur des poèmes de Michel-Ange, admirablement soutenues par l’accompagnement irréprochable de David Owen Norris (né en 1953). Certes, il a fallu un peu tricher pour les Sonnets (1940) de Britten, composés pour la voix de ténor de Peter Pears et transposés ici (par le pianiste) pour se lover dans les graves de John Tomlinson («Je ne tenterai pas de décrire ce que je pense ou espère que ma basse lyrique apporte à ces mélodies, mais elle projette certainement sur elles une lumière très différente; et je crois que ça leur rend service, pas un mauvais service, tout comme une grande sculpture, sous un éclairage différent, prend un nouveau visage sous un angle différent»).


Saluons l’originalité du «concept», en citant l’explication fournie par l’interprète dans un livret particulièrement soigné (jusque dans les traductions – en anglais seulement – de paroles reproduites dans leur alphabet d’origine): «Les nombreuses années au cours desquelles j’ai interprété à l’opéra des personnages historiques m’ont donné l’idée de présenter le Michel-Ange du seizième siècle sous une forme modernisée, celle d’un peintre du dix-neuvième siècle dans son atelier, parcourant ses vieux papiers et poèmes et les faisant revivre à tour de rôle. C’est une situation que je connais bien pour avoir incarné sur scène Hans Sachs, le roi Philip, Boris Godounov ou Thomas Becket, assis à une table couverte de livres et de documents éparpillés, les passant en revue, réfléchissant et me tourmentant à propos de ces écrits du passé, des histoires qu’ils ont racontées et de leur rapport avec l’époque actuelle. J’ai eu l’idée de placer Michel-Ange dans la même situation lorsque j’ai vu (à une exposition à Londres, en 2010) les véritables bouts de papier (un matériel récemment inventé dans l’Europe du seizième siècle) sur lesquels le sculpteur avait lui-même écrit certains de ses poèmes».


La carrure vocale comme le format dramatique de John Tomlinson en font d’évidence un interprète à l’aise au milieu de ces portées introspectives, auxquelles il apporte une épaisseur tragique assez intimidante – semblant mettre Chostakovitch (Suite sur des poèmes de Michelangelo Buonarroti) en abîme de Britten (Sept Sonnets de Michel-Ange). Les apesanteurs égarées de «Séparation» font écho aux dissonances déchirantes de «Veggio co’ bei vostri occhi un dolce lume». La grandeur sévère d’«Amour» – aux voyelles qui s’ouvrent comme la bouche de l’enfer – répond à un «Spirto ben nato, in cui si specchia e vede» qui terrifie par son gigantisme. La saisissante «Colère» paraît le contrepoids de la brutalité de «S’un casto amor, s’una pietà superna»...


Malheureusement – après une carrière marquée par tant de Wagner –, l’organe du chanteur né en 1946 trahit plus d’une fois l’intention de l’interprète, l’entraînant dans un parcours qui vire au chemin de croix – non sans réalisme, du coup. Très pénibles, les Michelangelo-Lieder de Wolf dévoilent une ligne de chant qui n’est jamais dominée – aboutissant à transformer la caresse douce du «Alles endet, was entstehet» en une triste péroraison à la justesse approximative. Le souffle est là, mais le théâtre de la prosodie ne parvient pas à dissimuler les défauts d’une voix à bout – aux aigus laborieux, presque insupportables à entendre parfois (à l’image de la dernière note – hurlée – du «Wohl denk’ ich oft» de Wolf). A force d’être vociférés, les Britten – en eux-mêmes iconoclastes – en ressortent presque difformes... bien éloignés de la version originale. Quant aux Chostakovitch, ils tirent souvent vers le sprechgesang («Matin», «Vérité»). Des chants du crépuscule pour Sir John. Au bout de l’effort. Au bout de lui-même.


Le site de John Tomlinson
Le site de David Owen Norris


Gilles d’Heyres

 

 

 

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