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08/21/2013
Bohuslav Martinů : Posvícení, H. 2 – Composition pour orchestre, H. 90 – Nocturno 1, H. 91 – Malá tanecni suita, H. 123 – Prélude en forme de scherzo, H. 181a

Andrzej Krzyzanowski (flûte), Sinfonia Varsovia, Ian Hobson (direction)
Enregistré à Varsovie (19-21 décembre 2012) – 67’37
Toccata Classics TOCC 0156





L’éditeur anglais Toccata Classics, jamais en manque de projets originaux et audacieux, se lance dans une série consacrée aux «premières œuvres orchestrales» de Martinů. «Premières» plutôt que «de jeunesse»: de fait, le champ du premier volume est large, de l’étudiant de dix-sept ans à Prague (1907) au compositeur qui s’épanouit dans le tumulte artistique parisien (1930). Si cet album n’offre que des pages qui n’avaient pas fait jusqu’alors l’objet d’un enregistrement, la trace de celui deux d’entre elles effectué en 1963 à Brno s’étant perdue, on peut espérer que les cinq (!) suivants donneront également des versions modernes de certaines pièces qui sont devenues aujourd’hui difficilement accessibles, comme Half-Time, La Bagarre, Le Jazz et la Rhapsodie.


Entreprise réservée aux enthousiastes de Martinů, voire vaine et superflue au regard d’un corpus renommé – à défaut d’être suffisamment à l’affiche des concerts – comprenant principalement six exceptionnelles Symphonies de maturité et trois triptyques tardifs de même valeur (Les Fresques de Piero della Francesca, Paraboles, Estampes)? La réponse est assurément négative, à en juger du moins par cet album, qui, bien loin de satisfaire une curiosité un peu malsaine et compulsive pour les fonds de tiroir, offre plus d’une heure de musique de qualité.


Deuxième numéro du catalogue chronologique établi par Harry Halbreich, qui en compte 384, la Fête de la consécration de l’église (1907) est écrite pour flûte et sept parties de cordes: d’esprit populaire et de tonalité joyeuse, elle n’est pas sans évoquer les Rhapsodies roumaines d’Enesco, antérieures de quelques années.


Sept ans plus tard, la Composition pour orchestre (1914) et le Nocturno 1 (1915) sont d’une toute autre portée: ils se rattachent à une période où, comme pour Schubert entre ses Sixième et Neuvième Symphonies, les hésitations de Martinů et les vicissitudes du temps font qu’il n’est pas toujours aisé de déterminer à quoi se rattachent les différents fragments symphoniques (parfois au simple stade d’esquisses pour piano) dont les manuscrits ont été retrouvés ou dont l’existence est mentionnée ou supposée. La notice exhaustive et experte (en anglais) de Michael Crump, qui a supervisé l’édition de certaines de ces pièces pour Bärenreiter, fait le point de la question et laisse espérer d’autres découvertes, certains manuscrits étant réapparus au cours des années récentes. Ainsi, l’intitulé Nocturno 1 suggère fortement l’existence d’un autre Nocturno: de fait, il existe, mais par malchance, seule la page de garde en est connue, avec un titre, «Roses dans la nuit» (celui d’une des Chansons de Bilitis de P. Louÿs), et un sous-titre, «Danse symphonique n° 2», qui suggère l’existence de deux autres mouvements – dont peut-être... la Composition pour orchestre – car la «Danse symphonique n° 4» a, quant à elle, été retrouvée.


La Composition pour orchestre, au contraire, est complète... hormis sa page de garde: comme il est établi qu’il ne peut s’agir du Nocturno manquant, elle doit se contenter de cette appellation neutre, factuelle et assez peu engageante. D’une grande originalité d’instrumentation, il n’en s’agit pas moins d’un véritable bijou sonore, dans la lignée des scintillements des Nuits magiques mais annonçant déjà les séductions orientales du ballet Istar. Le Nocturno 1 suit immédiatement dans le catalogue, mais paraît moins redevable d’une influence «impressionniste»: elle évolue d’un solo d’alto étrange, voire lugubre, vers un propos sombre et puissant, pour s’éteindre sur un solo de violon guère plus apaisé que ne l’était celui de l’alto – on ne peut s’empêcher d’y entendre les grandes arches expressives que seront, un quart de siècle plus tard, les mouvements lents des Première et Quatrième Symphonies ou du Mémorial pour Lidice. Et, dans ces deux joyaux, la présence du piano constitue déjà un trait caractéristique de l’écriture orchestrale de Martinů.


Bien que postérieurs, les quatre mouvements («Tempo di valse», «Chant», «Scherzo» et «Allegro à la polka») de la Petite suite de danses (1919) souffrent quelque peu de la comparaison, notamment en raison de leur durée (près de trois quarts d’heure). Talich l’avait programmée à la Philharmonie tchèque où Martinů cachetonnait régulièrement parmi les derniers pupitres des seconds violons, mais il la retira durant les répétitions, lui reprochant semble-t-il son manque d’audace. Les deux hommes ne se brouillèrent pas pour autant: le compositeur y vit rétrospectivement «la plus grande leçon de sa vie» et le chef devint ensuite l’un de ses plus ardents défenseurs, créant notamment, près de vingt ans plus tard, l’opéra Juliette ou la Clef des songes, qui lui est dédié. Très Mitteleuropa, tributaire de Dvorák et Janácek, bien sûr, mais évoquant aussi Mahler, la musique n’en porte pas moins une marque personnelle, notamment par certaines de ses tournures instrumentales, et montre que Spalícek, écrit près de quinze ans plus tard, ne vient pas de nulle part.


C’est l’œuvre la plus tardive, le très bref Prélude en forme de scherzo (1930) – en fait l’orchestration du deuxième des Huit Préludes pour piano (1929) – qui ouvre l’album, offrant un visage plus familier de Martinů, celui de l’entre-deux-guerres, à l’inlassable énergie néoclassique et jazzy.


La réussite de cet album doit beaucoup à l’implication du Sinfonia Varsovia, sous la direction de Ian Hobson (né en 1952): la musique coule avec un tel naturel et une telle fluidité que c’est comme si l’orchestre polonais, nonobstant ses quelques faiblesses, et le chef anglais l’avaient toujours pratiquée. Bref, cet album est recommandable au-delà même de son apport musicologique capital à la connaissance de Martinů.


Le site d’Ian Hobson
Le site du Sinfonia Varsovia


Simon Corley

 

 

 

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