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02/10/2013
«The French Album»
Gabriel Fauré : La Bonne Chanson, opus 61 (*)
Maurice Ravel : Chansons madécasses
Francis Poulenc : Le Bal masqué

Dietrich Fischer-Dieskau (baryton), Thomas Brandis, Peter Brem (*) (violon), Rainer Moog (alto), Wolfgang Boettcher (violoncelle), Klaus Stoll (contrebasse), Karlheinz Zöller (flûte), Karl Steins (hautbois), Karl Leister (clarinette), Manfred Braun (basson), Konradin Groth (cornet), Fredi Müller (percussion), Wolfgang Sawallisch (piano)
Lieu et date d’enregistrement non précisés (première publication en 1976) – 53’08
Acanta 233651





Proposé par le grand baryton allemand Dietrich Fischer-Dieskau (1925-2012), un récital contrasté de mélodies françaises de trois styles radicalement différents ne peut que susciter un enthousiasme anticipé, d’autant plus prononcé que les trois recueils au programme ont l’avantage d’être de trois grands maîtres de la mélodie française et de présenter un caractère exceptionnel au cœur de l’œuvre de chacun. L’interprétation s’en révèle magistrale.


Fischer-Dieskau anime La Bonne Chanson (1892-1894) de Fauré sans laisser perdre de vue la grande qualité formelle du cycle, celle-ci aussi bien musicale que poétique. Poèmes de Verlaine et subtilités musicales s’enchaînent dans une logique infaillible, toute la finesse des sentiments, la ferveur et le désarroi amoureux soulignés par la chaleur de la voix, les nuances du timbre, de délicats passages aériens en voix de tête et une diction parfaite. «La Lune blanche» s’élève aussi exquise que sa conclusion, l’espérance exaltée de «N’est-ce pas?» se fragilise de si belle manière in fine... les exemples abondent. On peut préférer l’accompagnement d’origine au seul piano déjà si ample et expressif, assez étonnant en soi pour que Saint-Saëns puisse y trouver un grain de folie, mais c’est la version de 1898 qui l’emporte, le piano dominant fort heureusement par sa clarté de timbre un quintette à cordes trop dense, trop pesant peut-être. La raison de ce choix relève sans doute de la cohérence du programme car les trois Chansons madécasses (1925-1926) de Ravel et Le Bal masqué (1932) de Poulenc nécessitent un petit ensemble. Wolfgang Sawallisch et des solistes de l’Orchestre philharmonique de Berlin accompagnent, faisant merveille dans l’œuvre de Ravel et, pour Poulenc, braques et endiablés à souhait.


Si Fischer-Dieskau déploie tout son art du lied schumannien pour Fauré, c’est le chanteur lyrique qui prend possession des Chansons madécasses écrites avec piano, flûte et violoncelle. Il donne une force prodigieuse aux beaux textes d’E. D. de Forges Parny, laissant respirer la sensualité amoureuse de «Nahandove», la révolte d’«Aoua» et la tendresse quotidienne d’«Il est doux» tout en créant un sentiment de verdure luxuriante et de chaleur généreuse, climat de l’île. Les sonorités exotiques aux tonalités ambiguës, efficaces sous les doigts des trois instrumentistes, y contribuent, l’extraordinaire prouesse vocale, rythmique et orchestrale de la partition de Ravel ainsi pleinement mise en valeur. La voix à nu file la dernière phrase d’apparence si banale dans un demi-soupir paradisiaque.


C’est peut-être le texte de Max Jacob qui pose le plus de problèmes de prononciation du français au baryton allemand, cela sans nuire au débit mordant et saccadé et au carnaval débridé de rythmes percutants imposés par Poulenc. On peut penser que cette diction claire mais un peu étrange ajoute à la folie démentielle de «ce mélange explosif du ridicule et de l’atroce» (Jean Roy) qu’est Le Bal masqué, cantate profane, tirée de la troisième partie du Laboratoire central, aux personnages extravagants qui dérangent mais qui ne laissent pas insensible. Les huit musiciens interprètent avec une verve déjantée tout à fait rafraîchissante les parties purement instrumentales («Préambule», «Bagatelle» et le début du «Finale»), leur accompagnement nuancé soutenant le tourbillon staccato de l’«Air de bravoure» l’ironie mordante de «Malvina» ou le drame grinçant de «La Dame aveugle», en parfait écho à la voix qui fait du «réparateur perclus» du «Finale» un point culminant de grotesque. La voix de Fischer-Dieskau se fait plus dure, plus sauvage, ses audaces vocales passant sans peine comme lors de son interprétation de l’humour cruel ou caustique de certains rares lieder de Wolf.


C’est une grande joie musicale.


Christine Labroche

 

 

 

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