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10/29/2012
«English Violin Duos»
Jim Aitchison : Syruw: Cinq tableaux kazakhs
John McCabe : Spielend
Ernest John Moeran : Sonate en la majeur, R53
William Croft : Six sonates à deux parties, opus 3: Sonate n° 4 en si bémol majeur
David Matthews : Huit duos, opus 79
Alan Rawsthorne : Thème et Variations

Retorica: Harriet Mackenzie (violon), Philippa Mo (violon)
Enregistré à Westleton, Suffolk, Angleterre (4-5 et 15-16 février 2010) – 76’28
NMC 0182 – Notice en anglais de Jim Aitchison, John McCabe, David Matthews et Ian Maxwell





Si la rhétorique est l’art de bien parler, Retorica, la forme féminisée de l’italien retorico, possède l’art de convaincre par son éloquence musicale. Persuadées comme Prokofiev «que, malgré l’étroitesse apparente du cadre du duo, celui-ci permet de telles inventions que le public devrait l’entendre sans lassitude» mais en revanche avec enthousiasme, depuis quelques années Harriet Mackenzie et Philippa Mo portent ce répertoire peu exploité à l’attention du public d’outre-Manche avec un succès grandissant. Ensemble ou en soliste, elles ont capté l’oreille des compositeurs comme en témoignent trois des six œuvres de ce récital enregistré en 2010 et enfin disponible.


Le programme composé pour moitié à leur intention s’ancre sur le sol britannique. Le pivot est un clin d’œil à la richesse du baroque anglais, la Sonate opus 3 n° 4 (1704) de William Croft (1678-1727), précédé et suivi d’un grand classique du XXe siècle et de l’une ou l’autre des trois œuvres contemporaines. Ecrite à l’origine pour deux flûtes à bec, la Sonate de Croft est un petit joyau en quatre brefs mouvements classiques qui permet aux violons de montrer leur talent mélodique et leur grande agilité aérienne, les lignes se croisant sans cesse en harmonie ou en contrepoint, le thème souvent un charmant ruban serpentant entre les deux.


Le lyrisme modal de la Sonate (1930) d’Ernest J. Moeran (1894-1950) reste typique de son auteur mais il aborde sa composition comme un exercice de style qui l’éloigne des houles mélodiques de son oeuvre orchestral sans pour autant manquer de profondeur et d’attrait instrumental. L’élément pastoral que l’on associe si vite à la musique anglaise de l’époque n’est pas absente mais la rigueur et la beauté de l’écriture impriment un élément d’aventure aux trois mouvements habilement construits, le dernier une fine passacaille de saveur élisabéthaine. De la même décennie, le magnifique Thème et Variations (1937) d’Alan Rawsthorne (1905-1971) s’impose, peut-être, comme le chef-d’œuvre de ce programme et mériterait certainement une plus large diffusion. Si Rawsthorne semble peu innover, son classicisme à la Hindemith l’éloigne radicalement du postromantisme environnant. Il apporte à ses Variations une solide science du contrepoint tout en cultivant une ambiguïté tonale aventureuse qui épice sa fluidité mélodique et enrichit les rythmes incisifs des mouvements rapides. Le thème inventif et énergique donne lieu à neuf variations qui s’inspirent chacune d’un genre musical différent («Capriccietto», «Siciliano», «Cancrizzante», «Rhapsodia», «Notturno», «Scherzetto», «Ostinato», «Canone»), la dernière une «Fantasia», kaléidoscope des huit premières, qui se termine sur un double trait véloce d’un brillant éclat. Etourdissant et expressif, Retorica s’y déploie à son plus éloquent.


La plus abstraite des trois œuvres contemporaines est sans aucun doute Spielend de John McCabe (né en 1939), qui exploite le concept du jeu dans un sens moins ludique que musical, sa pluralité «sportive» naissant de l’affrontement ou de la connivence du duo instrumental. Bien que de 2003, la composition joue sur l’écriture classique comme on joue sur les mots, restant, de ce fait, étrangement proche de la partition de Rawsthorne voire de l’esprit de Poulenc dont deux réminiscences de la Sonate pour violon affleurent entre deux eaux lors de l’Adagio central. Les couleurs de Syruw et des Huit Duos, évocatrices de climats exotiques ou proches, placent les deux œuvres dans un autre domaine. Récemment dédiés à Retorica, les Duos (1999-2001) de David Matthews (né en 1943) sont autant d’estampes miniatures allant par deux, la seconde comme le contre-sujet narratif de la première, la tremblante lumière ensoleillée du troisième duo («Still afternoon») volant en éclats, par exemple, sous l’assaut pizzicato du carillon du quatrième, la violence urbaine de l’étonnant sixième («Contra-pastoral») détruisant le calme vespéral attendu du cinquième, «Pastoral». Jim Aitchison (né en 1967) cherche à révéler les correspondances entre les arts, surtout entre la musique et l’art visuel, et travaille fréquemment en collaboration avec un artiste. Syruw s’inspire d’une exposition sur le Kazakhstan vers lequel il se tourne pour donner ses impressions en cinq volets âpres, agités ou paisibles, ne révélant qu’in fine, posée sur un troublant ostinato, la mélodie éthérée dite d’Ertal qui sous-tend la polytonalité de l’ensemble.


Les deux musiciennes bénéficient d’une prise de son aérée à l’acoustique longue mais la beauté de l’ensemble relève de leur interprétation expressive, techniquement très au point jusqu’aux sonorités complémentaires des deux violons, l’un d’une ampleur ronde, l’autre au son plus sec mais d’une fine précision. Retorica, talentueux et musicalement soudé, est une belle découverte, faite ou à faire.


Le site de Retorica
Le site de Jim Aitchison


Christine Labroche

 

 

 

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