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07/11/2012 Johannes Brahms : Symphonies n° 1 en ut mineur, opus 68, et n° 4 en mi mineur, opus 98
Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks, Mariss Jansons (direction)
Enregistré en concert à la Herkulessaal de Munich (30-31 octobre 2007 [Première], 6 et 10 février 2012 [Quatrième]) – 87’59
Album de deux disques BR Klassik 900112 – Notice bilingue (allemand et anglais) de Bernhard Neuhoff
Mariss Jansons a déjà enregistré les Symphonies de Johannes Brahms (1831-1897) à plusieurs reprises, notamment une splendide Deuxième à la tête de l’Orchestre royal du Concertgebouw d’Amsterdam, là aussi en concert. C’est donc avec un mélange d’attente et néanmoins de circonspection (compte tenu de l’encombrement discographique existant) qu’on se lance dans cette Première Symphonie qui ne laissera guère de souvenirs. Certes, l’orchestre est superbe, mais pouvait-on en douter? Les cordes jouent un legato de toute beauté (dans le quatrième mouvement en particulier), les bois sont d’une finesse incroyable (la clarinette solo dans le thème débutant le troisième mouvement), les cuivres sont brillants (les deux cors solos dans le quatrième mouvement, là encore): ce sont là des atouts indéniables.
Pour le reste, en revanche, l’interprétation de Jansons suscite un ennui profond pour plusieurs raisons. Tout d’abord, on est frappé – mais c’est le cas de plus d’un chef ayant atteint une certaine maturité (souvenons-nous des dernières interprétations de Carlo Maria Giulini dans ces mêmes Symphonies de Brahms, que ce soit à la tête du Philharmonique de Vienne ou de l’Orchestre de la Scala de Milan) – par la lourdeur du discours. Lourdeur et non pas lenteur qui aurait éventuellement pu passer: ici, on s’englue dans un beau son mais qui n’a pas grande signification. La pesanteur est patente en plus d’une occasion (dans le premier mouvement, à compter de 9’25 par exemple), contrastant de façon étonnante avec le dynamisme de Jansons qu’on a pu entendre plus d’une fois lors d’autres concerts. Ensuite, on est surpris d’entendre des phrases aussi alanguies (la mélodie de la clarinette et la transition avec les cordes dans le troisième mouvement), où l’orchestre ne distille aucune tension et ne porte aucun sens.
La Quatrième Symphonie est en revanche beaucoup plus convaincante. Dès le premier mouvement, pris à une très belle allure, Jansons sait où il va: il nous entraîne dans une immense houle où les mélodies s’enchaînent de façon extrêmement convaincante dans les contrastes sonores et de timbres (quelle entrée des hautbois dans le premier mouvement à 6’20!). Le chef letton relance toujours l’orchestre à bon escient, lui ménageant également quelques ralentis extrêmement travaillés qui confortent cette richesse sonore. Richesse que l’on retrouve dès l’introduction du deuxième mouvement où le pupitre de cors est impérial; là encore, on ne peut qu’être séduit par l’évidence du discours (qui n’existait absolument pas dans la Première), servi notamment par une simplicité extrêmement séduisante de l’interprétation. Après un troisième mouvement conduit avec une grande vigueur (en dépit de quelques ralentis sans doute excessifs), Mariss Jansons conclut de la plus belle manière cette symphonie avec un Allegro energico e passionato qui mérite plus que jamais ses deux qualificatifs.
Si ce disque doit avant tout être réservé à ceux qui ont assisté à ces deux concerts et qui souhaiteraient peut-être en conserver un souvenir, on ne peut que le recommander en raison d’une magnifique Quatrième, plus objective que Kleiber, moins conquérante que Karajan (1978), moins souriante que Giulini, mais qui figure, à n’en pas douter, parmi les plus belles gravures effectuées au cours des années récentes.
Sébastien Gauthier
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