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02/08/2012 Pierre Wissmer : Symphonies n° 1 [1], n° 2 [2], n° 3 [3], n° 4 [4], n° 5 [5], n° 6 [6], n° 7 [7], n° 8 [8] et n° 9 [9]
Orchestre symphonique national d’Ukraine [1], Orchestre de la Suisse romande [2], Orchestre Léon Barzin [3, 8], Magyar szimfonikus zenekar [4], Filharmonia Sudecka [5, 6], Filharmonia Warminsko-Mazurska [7], Orchestre symphonique du Mans [9], Fabrice Gregorutti [1], Edmond Appia [2], Jean-Jacques Werner [3, 8], Alain Pâris [4], Dominique Fanal [5 à 7, 9] (direction)
Dates et lieux d’enregistrement non précisés – 219’06
Coffret de quatre disques Intégral Classic INT 221.242/4
Alors que l’on célèbre en 2012 le vingtième anniversaire de la disparition de Pierre Wissmer (1915-1992), Intégral publie ses neuf symphonies: écrites sur une période d’un peu plus d’un demi-siècle, elles couvrent l’essentiel d’une riche carrière, qui passa notamment par la direction des programmes de Radio Luxembourg et celle de la Schola cantorum, et d’un catalogue fourni, comprenant par ailleurs des ouvrages lyriques, un oratorio (Le Quatrième Mage, paru chez Maguelone), quatorze concertos (dont trois pour piano et trois pour violon), des mélodies et de la musique de chambre (avec une certaine prédilection pour la guitare). D’ascendance vaudoise et russe, Wissmer, naturalisé français en 1958, était né à Genève, où il commença ses études, avant d’étudier auprès de Roger-Ducasse (composition), Daniel-Lesur (contrepoint), avec lequel il entretint une longue amitié, et Charles Münch (direction d’orchestre).
Donnée en première audition par Hermann Scherchen, la Première Symphonie (1938) ouvre le cycle avec une belle fraîcheur, celle d’une clarté néoclassique bien de son époque, évoquant à des degrés divers Martinů, Milhaud, Poulenc ou Stravinski. De même durée (20 minutes), la Deuxième (1951) affiche la vigueur franche et optimiste du dernier Roussel. Un peu plus développée (et en quatre mouvements, à la différence des deux précédentes), la Troisième (1955), pour cordes seules, regarde davantage vers Honegger, avec ses harmonies plus corsées et une austérité plus marquée, mais souffre d’une exécution techniquement moins satisfaisante.
La Quatrième (1962), créée, comme la précédente, par Paul Kletzki, affiche plus d’ambitions tant dans son effectif que dans sa durée (légèrement supérieure) et dans son langage, avec des mètres irréguliers et des thèmes n’hésitant pas à énoncer le total chromatique. Cette évolution se confirme dans la Cinquième (1969), dont Georges Tzipine donna la première audition et qui n’est pas sans évoquer l’âpreté et la puissance des ultimes symphonies de Paul Le Flem.
Elle aussi commande de la Radiodiffusion française, la Sixième (1977) est la plus développée (un peu plus d’une demi-heure); trois de ses cinq mouvements portent des sous-titres suffisamment vagues («Nocturne», «Méditation» et «Dédicace») pour demeurer dans le domaine de la musique pure, en l’occurrence dans le sillage postmahlérien d’un Hartmann. Dédiée à la mémoire d’Honegger, la Septième (1984) fut également créée à titre posthume; sa structure n’est nullement classique, s’ouvrant sur un sombre «Lamento» auquel répond un «Notturno», avant d’énigmatiques «Scherzi» conclusifs, elle est celle qui se rapproche le plus d’une musique à programme, le deuxième des quatre mouvements, au demeurant fondé sur une série de douze sons, étant intitulé «Il cavaliere». La Huitième (1986) revient à une plus grande concision (moins de 20 minutes), à un effectif un peu moins étoffé et à une construction en trois mouvements, mais elle pâtit d’une prise de son fortement réverbérée, qui ne rend pas justice à une écriture procédant par petites touches et éclats insaisissables. La Neuvième (1989) parachève cette tendance pointilliste et économe, quasi webernienne, entrecoupée de silences.
Ce coffret est réalisé avec un soin tout particulier: non seulement il comporte une notice complète (en français et en anglais) mais quatre enregistrements ont été spécialement réalisés afin de compléter les cinq autres, tirés d’archives ou déjà précédemment édités. Comme souvent avec les compositeurs négligés à tort ou à raison, il n’est pas certain que le meilleur service à rendre à Pierre Wissmer soit de le placer de façon plus ou moins implicite ou ambiguë sur le même plan que les plus grands représentants du genre, comme le fait la courte introduction («son œuvre symphonique offre un écho à celles de Serge Prokofiev, Dimitri Chostakovitch ou Arthur Honegger»). Mais cela ne change rien au fait qu’on gagne à prêter une oreille curieuse et attentive à un tel corpus, que bien peu nombreux de compositeurs français, volontiers rétifs à la forme de la symphonie, ont mené à bien – Gouvy au XIXe, Tansman et Lemeland au XXe, Rivier et Tournemire s’étant pour leur part arrêtés à huit.
Le site de l’Action musicale Pierre Wissmer
Simon Corley
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