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08/18/2011 Johann Sebastian Bach : Suites pour orchestre, BWV 1066 à 1069
Il Fondamento, Paul Dombrecht (direction)
Enregistré à Gizegem, Belgique (14-18 avril 2010) – 103’12
Album de deux disques Fuga Libera FUG 580 (distribué par Outhere) – Notice trilingue (néerlandais, français et anglais) d’Ignace Bossuyt
«Sacrilège!» Telle est en effet l’exclamation que l’on pourrait pousser à l’écoute de ces deux disques, superbement réalisés, qui bouleversent notre écoute habituelle des célébrissimes Suites pour orchestre de Johann Sebastian Bach (1685-1750). Depuis longtemps, elles ont acquis le statut envié de passage obligé pour tout orchestre baroque, bénéficiant notamment des gravures superlatives de Reinhard Goebel (Archiv), Jordi Savall (Astrée), Nikolaus Harnoncourt (Teldec) ou, encore récemment, du très véloce Concerto Köln. Aussi aborde-t-on ici des disques véritablement déstabilisants... Quoi? Une Ouverture de la Quatrième Suite sans trompettes? On transpire à grosses gouttes... Hein? Des Gavottes (Troisième Suite) sans cuivres là non plus et une Ouverture sans roulements de timbales? On chancelle... Non? Une Badinerie (Deuxième Suite) sans flûte? Alors là, on frise l’apoplexie... Et pourtant, tels sont les choix de Paul Dombrecht dont la connaissance de la musique baroque est évidemment bien connue et dont, de ce fait, les options ont été mûrement réfléchies.
Car le hautboïste et chef flamand a souhaité nous faire entendre ce que l’on n’écoute généralement pas, à savoir les versions originales des quatre Suites. Même s’il est à peu près acquis que Bach les composa alors qu’il était en poste à Coethen (1717-1723), les circonstances précises de leur genèse demeurent encore sujettes à de vives controverses. Certains matériaux ne datant que de l’année 1739 (époque à laquelle Bach avait repris les rênes du Collegium Musicum), les traces se superposent, s’entrecroisent, se succèdent et, pour tout dire, se perdent dans d’admirables conjectures. S’appuyant sur les recherches musicologiques les plus récentes, Dombrecht a donc choisi de revenir aux versions princeps, qu’il s’agisse de celle de celle de 1716 pour la Troisième Suite ou de celle de 1722 pour la Deuxième Suite (où le rôle central de la flûte est ici tenu par un violon solo, la tonalité de si mineur faisant place à celle de la mineur.
Musicalement, c’est très bien fait. On connaît depuis longtemps Il Fondamento, notamment dans des disques de Telemann qui suent rage, poésie et tourbillons sonores: on ne pouvait donc en attendre moins ici. Les hautbois s’amusent dans la Réjouissance de la Quatrième Suite, le séduisant violon de Dirk Vandaele se joue des chausse-trappes des Bourrées de la Deuxième, les violoncelles et la contrebasse batifolent dans la Polonaise de la même pièce, les cordes résonnent dans l’Ouverture de la Troisième, les nuances jouent à cache-cache dans toutes: aucun doute, la «mayonnaise» prend même si, encore une fois, nos repères ont totalement disparu. Car, après avoir entendu à d’innombrables reprises ces Suites, on ne peut écouter cette version sans se demander si la copie n’est pas, pour une fois, préférable à l’original qui, rehaussée de timbres beaucoup plus divers (percussions, cors, trompettes, flûtes...), nous semble plus riche, plus musicale, voire plus naturelle. En vérité, et c’est de cette façon qu’il faut les appréhender, ces disques sont un utile complément à ceux que l’on peut déjà posséder tant ils illustrent l’art (et la manière) avec lequel les compositeurs baroques savaient travailler, retravailler, et agrémenter leurs œuvres pour, en vérité, au fil du temps, leur donner une nouvelle vie. Telle est l’ambition de Paul Dombrecht, ambition magnifiquement atteinte.
Le site d’Il Fondamento
Sébastien Gauthier
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