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05/09/2011
Claude Debussy : Prélude à l’après-midi d’un faune – La Mer – Jeux

London Symphony Orchestra, Valery Gergiev (direction)
Enregistré en concert au Barbican Center, Londres (20 et 24 septembre 2009 [La Mer], 13 et 18 décembre 2009 [Jeux] et 12 et 19 mai 2010) – 56’07
SACD hybride LSO Live LSO0692 (distribué par Harmonia mundi) – Notice trilingue (anglais, français et allemand) de Roger Nichols, Noel Goodwin, Robert Maycock et Andrew Stewart





Maurice Ravel : Daphnis et Chloé – Pavane pour une infante défunte – Boléro
London Symphony Chorus, London Symphony Orchestra, Valery Gergiev (direction)
Enregistré en concert au Barbican Center, Londres (20 et 24 septembre 2009 [Daphnis] et 13 et 18 décembre 2009) – 78’36
SSACD hybride LSO Live LSO0693 (distribué par Harmonia mundi) – Notice trilingue (anglais, français et allemand) de Noel Goodwin, Calum MacDonald et Andrew Stewart





Même si Valery Gergiev dirige avant tout un certain type de répertoire (notamment la musique russe et Gustav Mahler), il n’hésite pas à s’aventurer dans des contrées où on ne l’attend pas forcément, qu’il s’agisse de Sibelius, de Rossini, de Wagner ou de la musique française. A cet égard, les Parisiens se souviennent d’un concert peu convaincant au cours duquel, par ailleurs, Debussy (le Prélude et La Mer) avait été quelque peu éclipsé par un Sacre du printemps ô combien contestable.


Ces deux disques nous permettent de juger de nouveau de ce que Valery Gergiev est capable de faire dans ce répertoire, toujours à la tête de l’Orchestre symphonique de Londres dont il est principal conductor depuis le 1er janvier 2007. Le disque consacré à Claude Debussy (1862-1918) séduit par les sonorités, la phalange londonienne n’ayant plus à prouver combien elle compte aujourd’hui indéniablement parmi les plus beaux orchestres du monde. La petite harmonie, à commencer par la langoureuse flûte solo de Gareth Davies ou le cor anglais dans le Prélude tenu avec humour par Christine Pendrill, est impeccable tandis que les cuivres savent être brillants sans pour autant faire véritablement preuve d’éclat. L’interprétation demeure néanmoins en deçà de ce qu’on pouvait attendre de la part d’un chef qui nous a montré en maintes occasions là où sa fougue pouvait le conduire.


Le Prélude à l’après-midi d’un faune (1892-1894) est donc beau mais sans aucune aspérité, sans emportement, et ce au détriment de l’approche rêveuse de l’œuvre souhaitée par le compositeur. En outre, la clarté sonore ne rend pas toujours justice au caractère véritablement symphonique de cette pièce aux timbres extraordinaires. Il en va de même dans La Mer (1905) qui, là encore s’avère fort éloignée des prestations autrement plus passionnées d’Abbado ou d’Inghelbrecht (son enregistrement en mono de 1958!). Même si l’univers sonore est très immédiatement enivrant (le trémolo inaugural des violons par exemple), on regrettera que les micros soient placés si près de certains instrument, la harpe ou le piccolo (criarde à la fin de la troisième partie «Dialogue du vent et de la mer»), qu’ils contribuent parfois à rompre l’équilibre de l’ensemble. En outre, l’approche de Gergiev souffre également d’une emphase qui tend à privilégier l’instant sur une vision de long terme de l’œuvre, la troisième partie s’avérant quant à elle beaucoup trop retenue, la beauté plastique prenant là aussi le pas sur la violence des éléments. Jeux, ballet qui se veut une «apologie plastique de l’homme de 1913», est certainement la partition la plus moderne des trois au programme dans ce disque, les timbres rappelant à maintes reprises certaines facéties de Stravinsky dont Le Sacre fut créé à seulement quelques jours d’intervalle, toujours sous la baguette de Pierre Monteux. La faiblesse de l’argument (la recherche d’une balle de tennis perdue comme prétexte à des poursuites entre un jeune homme et deux jeunes femmes...) ne doit pas masquer la très grande inventivité de la partition qui se caractérise de bout en bout par un véritable «pointillisme instrumental» (Benoît Duteurtre). Force est de constater que Valery Gergiev est ici davantage dans son élément. L’entrée en matière, pleine de mystère, instaure un magnifique climat qui prend ensuite son envol à la faveur des volutes musicales données notamment par les bois et un pupitre de percussions tout à fait exemplaire.


Lors des concerts au cours desquels était donnée la présente version de La Mer, Valery Gergiev dirigeait une autre œuvre-phare de la musique française, le ballet intégral de Daphnis et Chloé de Maurice Ravel, dont ConcertoNet s’était alors fait l’écho en des termes plutôt élogieux (voir ici). Il est vrai que, là encore, l’orchestre est superlatif: quelle entrée en matière! Tout au long de l’œuvre, les bois (flûte, cor anglais, hautbois, clarinettes) se surpassent et, nécessairement aidé par un matériau aussi noble, Gergiev nimbe l’ensemble d’une atmosphère pleine de brume, sujette aux apparitions et au mystère, avec beaucoup de réussite. Le London Symphony Chorus est également de très grande qualité même s’il n’égale pas la réussite du Rundfunkchor de Berlin sous la direction enflammée de Pierre Boulez (Deutsche Grammophon). Pourtant, en dépit de qualités formelles indéniables, l’écoute de Daphnis laisse quelque peu sur sa faim en raison d’un engagement fluctuant (la «Danse grotesque de Dorcon» est assez lourde et manque de naturel) et d’un discours relativement étale sur l’ensemble de l’œuvre: là encore, Valery Gergiev ne s’emporte que trop peu souvent et tend à trop privilégier la beauté du son sur le discours musical (la banalité devient ainsi la principale caractéristique de la «Danse suppliante de Chloé»). Plus convaincante, la Pavane pour une infante défunte (1899/1910) est un merveilleux moment d’équilibre, porté par des solistes idoines (cor, hautbois), qui permet là encore à Gergiev de faire sonner l’Orchestre symphonique de Londres de la manière la plus séduisante qui soit; alors qu’on se met à doucement rêvasser, le retour à la réalité est brutal avec la grosse déconvenue de ce disque au minutage extrêmement généreux, le Boléro (1928). Outre les difficultés rencontrées par quelques solistes (le trombone notamment), l’œuvre peine à prendre son envol et, dans le mauvais sens du terme naturellement, tourne en rond: la lourdeur du phrasé, l’emphase des tutti, le manque de séduction nous conduisent à retourner aux versions classiques de Boulez (Sony), Abbado ou Ozawa (tous deux chez Deutsche Grammophon) pour ne prendre que trois exemples au sein d’une discographie évidemment pléthorique.


Sébastien Gauthier

 

 

 

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