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01/19/2011
Bernard Cavanna : Shanghai Concerto, double concerto pour violon et violoncelle (*) – Trois Strophes sur le nom de Patrice Emery Lumumba – Karl Koop Konzert (#)
Delphine de Blic : La Peau sur la table, portrait filmé de Bernard Cavanna

Noëmi Schindler (violon), Hélène Desaint (alto), Emmanuelle Bertrand (violoncelle), Pascal Contet (accordéon), Orchestre national de Lille, Peter Rundel (*), Grant Llewellyn (#) (direction), Ensemble 2e2m, Pierre Roullier (direction), Delphine de Blic (réalisation)
Enregistré au Nouveau Siècle, Lille (24 mai 2008, 3-5 mai 2009) et à Radio France, Paris (17 janvier 2010) et filmé en 2010 – 67’26 [CD] et 99’ [DVD]
æon AECD et AEDVD 1104 (distribué par Harmonia mundi) – Notice en français et en anglais de Bernard Cavanna et de Virginie Palu





Bernard Cavanna présente ici ses trois dernières œuvres achevées, les trois pour instrument solo et orchestre ou ensemble. En 2007, il terminait un concerto pour accordéon inspiré par son grand-père maternel, Karl Koop (accordéoniste «improvisé» en temps de guerre), écrit à la mémoire de sa mère et dédié à Pascal Contet, l’accordéoniste commanditaire. Date aussi de 2007 la première version en deux mouvements d’un double concerto pour violon et violoncelle, le Shanghai Concerto, mais la disparition d’Aurèle Stroë en 2008, compositeur de qui Cavanna se sent spirituellement très proche, l’a incité à le prolonger d’un mouvement final en hommage précédé d’une courte cadence virtuose. L’alto est l’instrument soliste des Trois Strophes sur le nom de Patrice Emery Lumumba achevées en 2008.


L'univers musical de Bernard Cavanna est strictement le sien, iconoclaste, éclectique, volontiers provocateur et souvent d'une violence en totale opposition à sa douceur naturelle. Il cultive le contraste mêlant une écriture savante aux résurgences populaires, exploitant le tonal comme le dissonant, opposant le cru à la subtilité harmonique, et passant d’une fine recherche timbrale à des rudoiements sonores. Ses compositions peuvent bercer ou secouer, marquer ou heurter, elles restent fermement empreintes d’une urgence intérieure qui laisse déceler une attention portée en profondeur au plus infime détail technique en fonction du regard intense qu'il porte sur l’éclat ou le dilemme humain à la racine de son inspiration.


Le beau Shanghai Concerto doit son titre à son deuxième mouvement qui est une exploitation retravaillée du thème «Jasmin», imposé lors d’une commande de pièce orchestrale pour un concert dans cette ville. Les variations, au départ transparentes, sur le thème, «bien enfoui», selon les intentions du compositeur, se font petit à petit l’écho étoffé d’un rituel tibétain aux brèves envolées lyriques et l’alternance qui s’ensuit est habile et efficace. A la suite d’un premier mouvement où les deux instruments tournoient dans un ambitus réduit, soudés comme un seul instrument à huit cordes, le contraste est grand. Pour les deux, l’orchestre garde son indépendance en contrepoint coloré et autoritaire mais c’est la rusticité des seuls cuivres qui s’oppose aux solistes lors du bref troisième mouvement virtuose. Le quatrième, chagrin ou violemment protestataire, rappelle fugitivement les précédents et devient par sa nature même un bel hommage à Stroë qui appréciait les confrontations recherchées. L’intensité expressive et l’exigence musicale de Noëmi Schindler, déjà l’interprète de l’étonnant Concerto pour violon, l’engagement et la lumineuse présence d’Emmanuelle Bertrand prêtent la force nécessaire à une interprétation tout à fait convaincante.


Les images violentes de l’arrestation de Patrice Lumumba en 1961 avaient fortement impressionné Bernard Cavanna, enfant. Les Trois Strophes enchaînées écrites sur les lettres de son nom pour l’altiste Hélène Desaint s’offrent en digne hommage. Les deux premières, assez brutales, exploitent les intervalles entre les hauteurs qui s’imposent (A, C, E, B, A), la troisième, polyrythmique, pose la voix lyrique et élégiaque de l’alto soutenue d’un orchestre discret, sur un continuo de tambour de sonorité africaine dont les battements expriment son nom complet en morse : Patrice Emery Lumumba.


Le Karl Koop Konzert est à la fois l’œuvre la plus étonnante et la plus difficile à accepter du programme malgré la pleine justification de sa facture. Le sous-titre («Comédie pompière, sociale et réaliste»), et les titres des quatre mouvements, quoiqu’au deuxième degré, donnent un aperçu immédiat de sa nature: «Musette», «Sans flon flon», «Galop pompier» et «La fin du bal». Cavanna apprécie l’accordéon mais aux prises avec les difficultés techniques et sonores de le placer en position forte de soliste confronté à l’orchestre, il décide de transformer l’orchestre en accordéon géant. Pour ce faire il le déploie sur scène de façon originale, y incluant un clavecin, une cornemuse et deux trompes de chasse pour frelater le son, et fonde son écriture sur les quintes fixes et les modes de jeu spéciaux de l’accordéon musette. L’accordéoniste, Pascal Contet, déploie une souplesse et une virtuosité remarquables en passant de l’accordéon musette aux sonorités populaires (celui de Karl Koop) à l’accordéon de concert hautement chromatique, son jeu brillamment traditionnel ou innovateur exploitant jusqu’au souffle seul de l’instrument ou au crépitement sourd des boutons simplement effleurés.


Le disque s’accompagne d’un excellent portrait filmé de Bernard Cavanna, La Peau sur la table, pour lequel la réalisatrice Delphine de Blic a reçu le prix SACEM du documentaire musical de création 2010. De manière souvent indirecte, elle présente un compositeur président de l’ensemble 2e2m et du Théâtre du Plateau, directeur de l’Ecole nationale de musique de Gennevilliers depuis 1987, indépendant, non conformiste, éclectique, autodidacte en partie, et pédagogue pénétré de l’idéal d’une possibilité d’éducation populaire en matière de musique classique. Bernard Cavanna y côtoie les hommes qu’il admire – Henri Dutilleux et Georges Aperghis en premier lieu –, évoque Aurèle Stroë et présente plusieurs aspects de certaines de ses œuvres, notamment les trois ci-dessus illustrées d’extraits significatifs.


Le site de Bernard Cavanna


Christine Labroche

 

 

 

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