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01/07/2011 Johann Sebastian Bach : Suites pour orchestre, BWV 1066 à 1069
Concerto Köln
Enregistré dans la Deutschlandfunk Kammermusiksaal, Cologne (23-27 mai et 7-10 juin 2010) – 85’59
Album de deux disques Berlin Classics 0300061 BC (distribué par Intégral) – Notice trilingue (allemand, anglais et français) de Sylvie Kraus
L’ensemble Concerto Köln vient de fêter ses vingt-cinq ans... Fondé par quelques passionnés en 1985, il a rapidement acquis une très grande notoriété pour deux raisons principales. D’une part, l’orchestre profitait de l’émergence de nombreux autres ensembles baroques de haut niveau (Il Giardino Armonico, Freiburger Barockorchester, Europa Galante...) qui, en quelques années, sont parvenus à totalement renouveler l’esthétique et l’approche du répertoire ancien, suscitant ainsi l’écoute attentive et curieuse des mélomanes du monde entier. D’autre part, à l’instar de ce qu’avait pu réaliser quelques années auparavant le célèbre Musica Antiqua Köln sous la direction passionnée de Reinhard Goebel, le Concerto Köln a été et continue d’être un inlassable défricheur de partitions, réhabilitant aussi bien Rosetti que Vanhal, Eberl que Fils, Kraus que Wilms, compositeurs jadis tombés dans l’oubli et qui ont aujourd’hui gagné leurs galons de maîtres de l’époque classique.
L’ensemble est-il aujourd’hui parvenu à une telle maturité qu’il puisse se permettre de quitter les raretés pour désormais jouer davantage les grands compositeurs de l’ère baroque? Toujours est-il que, quelques mois après une très belle version de la Water Music, voici les musiciens du Concerto Köln dans un autre monument de la musique orchestrale de l’époque baroque, les Suites pour orchestre de Johann Sebastian Bach (1685-1750). Comme le rappelle la très intéressante notice de Sylvie Kraus, le mot «ouverture» est employé pour la première fois en 1640, en France, à propos de la première entrée du Ballet de Mademoiselle. L’ouverture devient ainsi rapidement un passage obligé pour tout opéra (sous l’impulsion de Lully) tout en apparaissant également comme une forme orchestrale à part entière constituée de différents mouvements, lents et rapides, trahissant la double influence de l’«ouverture à la française» et du concerto vivaldien. Bach composa vraisemblablement ces quatre Suites alors qu’il était en poste à Coethen (1717-1723) mais les circonstances exactes de leur genèse demeurent encore sujettes à caution. Depuis longtemps, elles sont néanmoins devenues un passage obligé pour tout orchestre, baroque ou non, et bénéficient de superbes interprétations signées notamment Reinhard Goebel (Archiv), Jordi Savall (Astrée), Nikolaus Harnoncourt (Teldec) ou par l’Akademie für Alte Musik Berlin (dirigée par René Jacobs chez Harmonia Mundi).
Le Concerto Köln se heurte donc à une très rude concurrence. Sans être révolutionnaire, son interprétation n’en est pas moins pleinement convaincante grâce à un sens indéniable de la dynamique et des contrastes. Cette approche frappe d’emblée, dès l’Ouverture de la Troisième Suite, où la vélocité des cordes voisine avec l’éclat des trompettes de manière admirable, la suite offrant parfois quelques brusqueries (Gigue) qui s’intègrent néanmoins parfaitement dans l’ensemble. De même, on saura gré au Concerto Köln de ne pas s’alanguir dans le célébrissime Air de la même suite, préférant d’ailleurs adopter un tempo généralement allant. C’est également à une bonne allure que les musiciens abordent la Deuxième Suite, dirigés par la flûte exemplaire de Cordula Breuer, virtuose à chaque instant sans oublier d’être tout aussi charmeuse. On en oublierait presque le caractère rabâché du Rondeau, du Menuet ou, plus encore, de la Badinerie, mouvements tellement galvaudés qu’ils ont depuis longtemps occulté leur auteur! Plus enjouée que les deux précédentes suites, la Première met en évidence la virtuosité de chaque instrumentiste du Concerto Köln, hautbois et basson, cordes et clavecin... Ça pétille, ça virevolte, entraînant l’auditeur à chaque instant: ainsi, exemple parmi tant d’autres, comment résister à cet enchaînement, effectué avec tant de naturel, entre la Forlane et les deux Menuets? Brillante et virtuose, l’Ouverture de la Quatrième Suite inaugure de la plus belle manière ce dernier pan d’un disque superbe qui, même s’il reste en deçà des références précitées en raison peut-être d’un léger manque de moelleux, de séduction pure, prouve une fois encore la très haute valeur du Concerto Köln. Quoi qu’il en soit, très bon anniversaire!
Le site du Concerto Köln
Sébastien Gauthier
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