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12/01/1999
Vive la musique légère
La musique dite légère a la chance de ne pas être lourde. Le fait d’avoir les pieds ailés et le coeur léger n’est pas nécessairement synonyme de facilité. Ces publications de haut niveau, beaucoup plus sophistiquées qu’il n’y paraît, viennent ainsi ensoleiller notre hiver — comme le faisait également Le Lac d’argent de Weill, chroniqué il y a quelques temps dans ces colonnes. Espérons tous les voir bientôt à l’Opéra comique, où elles ont toute leur place.
George Gershwin
Great Scenes from Gershwin’s Porgy and Bess
Leontyne Price, William Warfield, etc.
RCA Victor Orchestra and Chorus, dir. Skitch Henderson
RCA 09026 63312 2 collection « High Performance »
Le principe des extraits est détestable. Et pourtant, il arrive qu’il enthousiasme totalement. Ces extraits de Porgy and Bess, où trône, en tête d’affiche, la merveilleuse Leontyne Price, font partie de ces exceptions — même si l’on doit évidemment préférer la version intégrale. Il n’est nul besoin de faire l’apologie de l’opéra de Gershwin. Tout le monde sait qu’il se situe à la croisée des chemins, entre Broadway, jazz et lyrique. L’orchestre est excellent, et la troupe de chanteurs noirs maîtrisent toutes les intonations vocales de la partition, les rendant plus vrais que nature. Enfin, il y a Leontyne Price : son timbre magnifique, sa virtuosité d’une insolente facilité dans un style purement lyrique. Brûlante et juste d’un point de vue dramatique, elle laisse tout simplement sans voix. C’est génial. L’interprétation est dynamique et totalement électrique.
Stéphan Vincent-Lancrin
Leonard Bernstein
Wonderful Town
Kim Criswell (Ruth), Audra McDonald (Eileen), Thomas Hampson (Robert Baker), Brent Barrett (Wreck)
Birmingham Contemporary Music Group, dir. Simon Rattle
EMI 5 56753 2
Ecrite pour Broadway, Wonderful Town de Leonard Bernstein joue sans ambiguïté dans le registre de la comédie musicale, ce qui n’a rien de dégradant. Cette fois, il ne s’agit pas d’extraits. La musique de Bernstein, elle aussi inspirée par le jazz, est très belle, et magnifiquement orchestrée. Là encore (et plus même que chez Gershwin, qui reste plus opératique), il faut immédiatement accrocher l’auditeur. Et cela marche. Contrairement au sujet de Porgy and Bess, qui n’a rien de léger, celui de Wonderful Town l’est : c’est l’histoire de My sister Eileen, magnifiquement tournée pour Hollywood par Richard Quine (deux provinciales qui arrivent à New York, arrivant de leur Ohio natal, et qui trouvent enfin leur bonheur professionnel et amoureux). L’interprétation de Simon Rattle est survoltée, avec des tempi rapides qui n’empêchent ni la clarté ni une très grande souplesse. Bien que la partie vocale soit moins exigeante que chez Gershwin, il faut là encore souligner l’excellence des chanteurs, qui sont d’un naturel total, prenant à l’évidence un plaisir total à interpréter cette pièce décidément très excitante.
Stéphan Vincent-Lancrin
Georges Bizet
Djamileh
Marie-Ange Todorovitch (Djamileh), Jean-Luc Maurette (Haroun), François Leroux (Splendiano), Jean-Louis Grinfeld (Le marchand d’esclaves, comédien)
Choeur régional Vittoria d’Ilde de France (Michel Piquemal)
Orchestre National d’Ile de France, dir. Jacques Mercier
RCA 74321 678 302
Djamileh est l’opéra que Bizet composa juste avant Carmen. Le livret, écrit par Musset (!), est plus que léger. D’une vacuité totale. Ce qui n’empêche pas Bizet d’en faire son miel. Bien qu’il ne réusît jamais à s’imposer, Djamileh fut immédiatement admiré des compositeurs de son époque (Gounod, Saint-Saëns, Massenet), avant d’être hautement estimée de Mahler et de Richard Strauss. Les arguments d’autorité n’ont pas de valeur intrinsèque, mais ils peuvent susciter la curiosité… La musique se caractérise par une attirance vers l’orientalisme, par l’utilisation de mélismes et de glissements chromatiques, qui ne se limitent pas à des couleurs exotiques, mais structurent véritablement l’oeuvre. L’équipe de Jacques Mercier nous convainc que cette musique mérite d’être redécouverte. Stéphan Vincent-Lancrin
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