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08/11/2010
«Edition Fischer-Dieskau, volumes III (^) (~) (°), IV (*) (§) (¤) et V (#)»
Franz Schubert : Winterreise, D. 911 (#)
Ludwig van Beethoven : Goethe-Lieder, opus 52 n° 4 (*) et 7 (§), opus 75 n° 2 et 3 (*), opus 83 n° 1 et 2 (*) – An die Hoffnung, opus 94 (§) – Ich liebe dich, WoO 123 (§) – In questa tomba oscura, WoO 133 (§) – Andenken, WoO 136 (§) – Schottische Lieder, opus 108 n° 1, 3, 13, 16, 17, 18, 19 (^), 20, 22 et 23 (~) – Irische Lieder, WoO 152 n° 3, 4 et 21, WoO 153 n° 4 et 8, et WoO 154 n° 4 et 8 (°) – Walisische Lieder, WoO 155 n° 16 et 17 (°) – Verschiedene Volkslieder, WoO 157 n° 1, 11 et 12 (°)
Johannes Brahms : Heimkehr, opus 7 n° 6 (¤) – Ein Sonett, opus 14 n° 4 (¤) – Wie raft ich mich, opus 32 n°1 (¤) – Botschaft, opus 47 n° 1 (¤) – Abenddämmerung, opus 49 n° 5 (¤) – Es träumte mir, opus 57 n° 3 (¤) – Eine gute, gute Nacht, opus 59 n° 6 (¤) – Dein blaues Auge hält, opus 59 n° 8 (¤) – Sommerabend, opus 85 n° 1 (¤) – Mondenschein, opus 85 n° 2 (¤) – Ständchen, opus 106 n° 1 (¤)
Dietrich Fischer-Dieskau (baryton), Ina-Elisabeth Brosow (soprano), Ilse Siehl-Riedel (contralto), Fritz Bozetti (ténor), Carl Katz (baryton) (^), Grete Eweler-Froboese (violon), Irmgard Poppen (violoncelle) (~), Klaus Billing (#), Hertha Klust (*) (§) (¤), Michael Raucheisen (°) (piano), RIAS-Kammerchor, Herbert Froitzheim (direction) (~)
Enregistré à la Kleistsaal (19 janvier 1948 (#)) et à la RIAS Funkhaus (25 mai 1951 (*), 13 janvier (§), 13 juin (¤) et 22-24 septembre (^) (~) (°) 1952) de Berlin – 68’53 (°), 58’46 (*) (§) (¤) et 77’19 (#)
Trois disques Audite 95.598 (^) (~) (°), 95.601 (*) (§) (¤) et 95.597 (#) (distribués par Intégral) – Notice de présentation en allemand et en anglais






«Fischer-Dieskau. The Birthday Edition»
Gustav Mahler : Lieder eines fahrenden Gesellen – Lieder, extraits de «Rückert-Lieder», «Des Knaben Wunderhorn» et «Lieder und Gesänge aus der Jugendzeit»
Dietrich Fischer-Dieskau (baryton), Daniel Barenboim (piano)
Enregistré en public à la Philharmonie de Berlin (14 septembre 1971) – 60’52
Audite 95.634 (distribué par Intégral) – Notice de présentation en allemand et en anglais






A l’occasion de son quatre-vingt-cinquième anniversaire, le baryton allemand Dietrich Fischer-Dieskau (né en 1925) est dignement fêté. L’hommage que lui rend le label Audite, poursuivant son œuvre de dépoussiérage des bandes de la radio allemande, est digne de tous les éloges, bien que les notices continuent d’avoir les mêmes qualités (soin et exhaustivité des informations, textes passionnants signés Michael Struck-Schloen, Rüdiger Albrecht et Wolfgang Rathert, qui resituent intelligemment les gravures dans leur contexte) mais également les mêmes défauts (aucun texte rédigé en français, pas de traduction des lieder en anglais). On avait tenu à isoler ce qui nous paraît être le volume le plus exceptionnel de cette «édition Fischer-Dieskau», celui consacré à Hugo Wolf (lire ici): un disque magistral, où l’on relevait «la maturité vocale d’un interprète pourtant très jeune (…) qui impressionne d’autant plus que l’incarnation vocale – d’une insolente facilité – est empreinte d’une variété infinie de nuances et d’un questionnement permanent des syllabes et des sons». Les mêmes qualités s’appliquent aux autres volumes de la collection, et l’on continue de glorifier la science du chant dont fait preuve ce jeune homme de vingt-cinq ans (les enregistrements datent des années 1948-1952).


Plus anecdotiques sont pourtant les mélodies beethovéniennes, tant dans la sélection de lieder (pas tous les Goethe bien sûr, ni la cantate An die Hoffnung sur le poème de Tiedge) que dans les arrangements de chants populaires inspirés du folklore des îles britanniques (mélodies écossaises, irlandaises, galloises... y compris un God Save the King chanté en allemand): sans être forcément des chefs-d’œuvre, ces petites pièces de Beethoven – que Fischer-Dieskau aura contribué à tirer de l’oubli, après-guerre – sont toutefois interprétées avec une élégance et une conviction telles qu’elles respirent le charme (... peut-être lié au fait que le baryton y est accompagné au violoncelle par sa première épouse, Irmgard Poppen). C’est Dietrich le conteur qui s’exprime, direct sans être prosaïque. De même, la sélection de lieder de Brahms annonce les qualités du Fischer-Dieskau de la maturité, lorsque la maîtrise de l’intonation et du texte sera parvenue au même degré de perfection que dans les enregistrements EMI, ce qui n’est pas tout à fait le cas en 1952 – même si on rend les armes devant un «Es träumte mir» déchirant ou un «Dein blaues Auge hält» poignant.


Le volume consacré à Schubert se place un ton au-dessus. L’œuvre qui y figure n’a rien d’une rareté... Mais ce Winterreise, enregistré en janvier 1948 avec le pianiste Klaus Billing, vaut le détour à plus d’un titre. Historiquement, il s’agit non seulement du tout premier enregistrement de l’œuvre par Dietrich Fischer-Dieskau, dont on dénombrerait une trentaine de gravures différentes sur le marché du disque et du DVD – les plus célèbres et les plus aisément disponibles étant celles enregistrées avec Hermann Reutter en 1951 (Audite), Hertha Klust en 1953 (Archipel ou Classica d’oro), Gerald Moore en 1955 (EMI), 1962 (EMI) et 1971 (DG), Jörg Demus en 1965 (DG), Daniel Barenboim en 1979 (DG), Alfred Brendel en 1979 (Arthaus) et 1985 (Philips) et, enfin, Murray Perahia en 1990 (Sony) – mais également du tout premier enregistrement pour la radio du baryton allemand. Surtout, il permet d’apprécier un interprète de vingt-deux ans qui s’investit dans chaque note de cette partition comme si sa vie en dépendait. Comme le souligne très justement Michael Struck-Schloen dans la notice, «Fischer-Dieskau “sings” even in places where later he would tend more towards declamation, extracting the sound from the word itself». Et cet enregistrement de jeunesse, ce «coup d’essai, coup de maître» fait entendre un piano qui serre le cœur par sa sobriété, un forte qui anéantit par sa franchise, un medium qui caresse, une mezza voce qui émeut et, toujours et partout, l’intelligence du texte. Un texte qui sera patiemment mûri, approfondi, éprouvé à l’échelle de la vie, tout au long de la carrière qui s’ouvre alors à Dietrich Fischer-Dieskau. Malgré la remastérisation, les conditions de captation restent plutôt précaires; mais elles ne parviennent pas à altérer l’émotion que ce document historique recèle.


Enregistré en concert vingt ans plus tard (mais sept ans avant le disque EMI réunissant les mêmes complices dans un programme proche), l’album Mahler expose un timbre de velours dont la longueur de souffle continue de donner le frisson (écoutez les extraits du Knaben Wunderhorn ou même la Phantasie aus Don Juan). Ce que la voix perd en jeunesse, elle l’a gagné en expressivité («Ich bin der Welt abhanden gekommen», par exemple). L’accompagnement de Daniel Barenboim se montre néanmoins inutilement décoratif (Lieder eines fahrenden Gesellen) et démonstratif (Des Knaben Wunderhorn). Mais comparer le Fischer-Dieskau de vingt-cinq ans et celui qui va vers la cinquantaine éclaire quant au cheminement de ce Wanderer du lied, qui aura su trouver l’équilibre idéal entre l’hédonisme du poète – à la voix brillant de mille feux – et l’intelligence du diseur, sachant convoquer la brise comme l’orage, l’urgence du drame comme le doux murmure de l’extase, sondant le cœur des mélodies et des mots pour magnifier l’art du lied comme nulle autre ne l’aura fait au siècle précédent.


Gilles d’Heyres

 

 

 

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