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06/30/2010
Gustav Mahler : Symphonie n° 8
Melanie Diener, Juliane Banse, Lisa Larsson (sopranos), Yvonne Naef, Birgit Remmert (mezzo-sopranos), Anthony Dean Griffey (ténor), Stephen Powell (baryton), Askar Abdrazakov, Alfred Muff (basses), Schweizer Kammerchor, WDR Rundfunkchor Köln, Zürcher Sängerknaben, Kinderchor Kaltbrunn, Tonhalle-Orchester Zürich, David Zinman (direction)
Enregistré à la Tonhalle de Zurich (27 février-3 mars 2009) – 82’20
Un double SACD hybride RCA Red Seal 88697 57926 2 (distribué par Sony BMG) – Notice de présentation bilingue (anglais, allemand)







Gustav Mahler : Symphonie n° 8 – Adagio de la Symphonie n° 10
Erin Wall, Elza van den Heever, Laura Claycomb (sopranos), Katarina Karnéus, Yvonne Naef (mezzo-sopranos), Anthony Dean Griffey (ténor), Quinn Kelsey (baryton), James Morris (basse), San Francisco Symphony Chorus, San Francisco Girls Chorus, Pacific Boychoir, San Francisco Symphony, Michael Tilson Thomas (direction)
Enregistré en concert au Davies Symphony Hall de San Francisco (6-8 avril 2006 (Adagio) et 19-23 novembre 2008) – 112’03
Un double SACD hybride SFS Media 821936-0021-2 (distribué par Abeille musique) – Notice de présentation trilingue (français, anglais, allemand)







Longtemps rare au disque, la Huitième (1907) a rejoint – malgré les moyens démesurés qu’elle impose de mobiliser – les autres symphonies de Gustav Mahler (1860-1911) dans la ronde infernale de la surenchère discographique qui caractérise l’œuvre du compositeur autrichien. La décennie 2000 aura ainsi connu une quinzaine de nouveaux enregistrements de cette Symphonie des Mille. Après notamment Riccardo Chailly, Kent Nagano, Gary Bertini, Simon Rattle, Antoni Wit, Pierre Boulez, Eliahu Inbal et, tout récemment encore, Valery Gergiev, c’est Michael Tilson Thomas et David Zinman qui viennent provisoirement conclure cette déferlante mahlérienne.


Outre le partage du même ténor, les motifs de comparaison sont nombreux entre les deux chefs américains, qui achèvent une intégrale de grande qualité avec l’orchestre dont ils sont le directeur musical depuis 1995: la Tonhalle de Zurich pour Zinman (né en 1936) et le Symphonique de San Francisco pour Tilson Thomas (né en 1944). Les deux albums bénéficient chacun d’une prise de son remarquablement précise (plus vivante et dynamique pour le San Francisco capté sur le vif, d’une précision chirurgicale à Zurich) et d’une présentation admirablement soignée, presque luxueuse pour le coffret Tilson Thomas. Si l’intégrale californienne a surtout été saluée pour sa qualité technique (lire la critique de la Cinquième symphonie, ainsi qu’un autre point de vue sur le présent album), les disques RCA ont suscité des réactions diverses (lire les chroniques des Quatrième, Cinquième et Septième symphonies), bien que l’affinité des deux chefs avec l’univers mahlérien soit incontestable.


Dans cette Huitième symphonie, les deux doubles albums – façonnés par des instrumentistes irréprochables – se distinguent néanmoins assez nettement, par le choix comme par la réussite de leurs options interprétatives. A Zurich, David Zinman propose d’abord un Veni, Creator spiritus recueilli, léché et très en place, mais où l’on s’ennuie ferme: tout apparaît vite trop statique (laissant aux solistes l’occasion d’exposer leurs défauts de vibrato ou de puissance) et trop contemplatif surtout, c’est-à-dire excessivement attentif aux détails au détriment du souffle. La scène finale du Faust de Goethe présente les mêmes caractères: un bel agencement des parties dans le Poco adagio introductif, qui prend le temps de créer une certaine profondeur, mais où la tension retombe rapidement. Là on l’on souhaiterait décoller, le chef nous offre des phrasés appuyés et lents, d’une indéniable beauté, mais qui manquent de furie et de démence, où rien ne dépasse jusqu’à donner l’impression d’une juxtaposition de splendeurs autonomes et indifférentes les unes aux autres.


Le tableau vocal ne marque pas. Le Doctor Marianus d’Anthony Dean Griffey se sort comme il peut d’un rôle presque inchantable, peinant à masquer un vibrato qui sent l’effort, mais parvenant à préserver la musicalité voire l’émotion. Le Pater Ecstaticus de Stephen Powell est bien chantant mais manque de projection, alors qu’Alfred Muff sombre aux côtés d’un Pater Profundus à la dérive. Malgré ses moyens économes, la Pénitente aussi vibrante qu’impliquée de Juliane Banse convainc davantage que la Magna Peccatrix trop tendue de Melanie Diener. Sans démériter, la Mulier Samaritana d’Yvonne Naef et la Maria Aegyptiaca de Birgit Remmert demeurent anonymes. Si les chœurs d’enfants sont bien trop sages et appliqués, les formations chorales ne déméritent globalement pas. Saluons surtout le recueillement très émouvant et la ferveur du chœur dans un «Alles Vergängliche» admirablement réussi (et de toute évidence minutieusement préparé), au cours duquel Zinman sait construire son sujet et ménager des silences de rêve.


En comparaison, la version de Michael Tilson Thomas présente, dans la scène de Faust, un geste autrement plus intéressant et engagé que celui de David Zinman. Tilson Thomas recherche grandeur et éloquence, avec une majesté qui s’incarne dans des tempos très libres et des phrasés parfois très étirés (au risque de l’immobilisme par moment), exaltant un certaine forme de douleur et de grâce méditative. On sent la patte du faune dans l’«Alles Vergängliche» final, le chef se laissant aller à une sorte d’hédonisme contemplatif face aux merveilles qu’il organise dans le Davies Symphony Hall. En revanche, il ne réussit pas mieux que Zinman son Veni, Creator spiritus et l’on avoue ne pas comprendre les options d’un chef qui semble ici manquer d’énergie voire d’idées, pour se réfugier dans l’enrobage des moments méditatifs (un «Accende lumen sensibus» comme hors-du-temps) au lieu de mettre le feu à une partition qui appelle l’unité tout autant qu’elle implique d’être mise en cohérence avec la seconde partie de la symphonie.


Grâce à un accompagnement admirable d’engagement dans l’articulation, les solistes font bonne figure, à commencer par le Pater Ecstaticus de Quinn Kelsey qui se précipite dans les «Ewiger Wonnebrand, Glühendes Liedesband, Siedender Schmerz der Brust, Schäumende Gotteslust» goethéens, la voix vibrante d’émotion et aidé par un tempo soudainement enflammé. Les années ont, par contre, affligé la voix de James Morris (Pater Profundus) d’un vilain vibrato et d’une intonation nasale. Le Doctor Marianus d’Anthony Dean Griffey présente les mêmes défauts (qu’exposent plus crûment encore le live) que chez Zinman, mais l’engagement reste égal. La distribution des rôles féminins réunit des voix d’une grande solidité et d’une belle homogénéité, même si, malgré ses aigus surpuissants, la Pénitente d’Elza van den Heever ne parvient pas à élever son texte du registre de l’anecdote. Quant aux ensembles choraux, ils impressionnent par leur implication, en particulier des chœurs d’enfants franchement exceptionnels.


Bref, une comparaison qui tire clairement à l’avantage du disque californien, celui de David Zinman n’ayant rien d’indigne mais manquant d’identité, là où Michael Tilson Thomas offre une lecture très personnelle, qui vient utilement enrichir la discographie. Ajoutons que l’album du Symphonique de San Francisco présente un «plus» indéniable avec un complément de choix: un honnête Adagio de la Dixième symphonie (1910), aux couleurs weberniennes et au cheminement harmonieux et serein, refusant la véhémence et la stridence. Pour autant, les enregistrements prométhéens et visionnaires de la Symphonie des Mille par Leonard Bernstein (avec les Philharmoniques de New York – pour le seul Veni Creator – en 1962 et de Vienne en 1975 et, plus encore, avec le Symphonique de Londres en 1966) dominent toujours le sujet (chez Sony et DG): toujours, voire pour toujours.


Le site de David Zinman
Le site de Michael Tilson Thomas


Gilles d’Heyres

 

 

 

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