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05/02/2010
Frédéric Chopin : Nocturnes, opus 15 n° 1 et opus 55 n° 2 (#) – Sonate n° 3, opus 58 (¤) – Ballade n° 1, opus 23 (~) – Etude n° 4, opus 10 n° 4 (#) – Mazurkas, opus 24 n° 2, opus 33 n° 2, opus 41 n° 1 et 4, opus 63 n° 2 (#) et opus 59 n° 1, 2 et 3 (*)
Martha Argerich (piano)
Enregistré en studio au Studio 7 de la RIAS de Berlin (26 janvier 1959 [~]), Saal 2 de la WDR de Cologne (31 octobre 1967 [*]), au Studio Lankwitz de la RIAS de Berlin (3 décembre 1967 [#]) et en public à la Hochschule für Musik de Berlin (15 mars 1967 [¤]) – 64’25
Deutsche Grammophon 477 7557 (distribué par Universal) – Notice de présentation en français, anglais et allemand





«The Art of Youra Guller»
Frédéric Chopin : Nocturnes, opus 15 n° 1, opus 27 n° 1 et 2, opus 32 n° 1 et opus 48 n° 1 – Mazurkas, opus 6 n° 2, opus 7 n° 3, opus 17 n° 4, opus 30 n° 3, opus 33 n° 2, opus 41 n° 3, opus 50 n° 3, opus 56 n° 2, opus 63 n° 2 et opus 68 n° 1 et 4
Youra Guller (piano)
Enregistré salle Adyar, Paris (25-28 juin 1956) – 61’07
DORON music DRC 4012 (distribué par Intégral) – Notice de présentation en français, anglais et allemand





Frédéric Chopin : Nocturnes, opus 9 n° 2, opus 15 n° 1 et 2 et opus 48 n° 1 – Fantaisie, opus 49 – Ballades n° 1, opus 23, n° 2, opus 38, n° 3, opus 47, et n° 4, opus 52
Etsuko Hirosé (piano)
Enregistré à la Ferme de Villefavard en Limousin (novembre 2009) – 68’00
Mirare MIR 110 (distribué par Harmonia mundi) – Notice de présentation en français et en anglais





«Chopin de l’enfance à la plénitude»
Frédéric Chopin : Nocturne en ut dièse mineur, opus posthume – Ballade n° 4, opus 52 – Scherzo n° 4, opus 54 – Fantaisie-Impromptu, opus 66 – Berceuse, opus 57 – Barcarolle, opus 60 – Mazurkas, opus 7 n° 4, opus 50 n° 3 et opus 67 n° 4 – Valses en la mineur, KK IV b/11, et en fa mineur, opus 70 n° 2 – Polonaises en si bémol majeur, KK IV/1, en sol mineur, S 1/1, en la bémol majeur, KK IV/a2, et en fa mineur, opus 71 n° 3 – Sostenuto en mi bémol majeur – Cantabile en si bémol majeur
Anne Queffélec (piano)
Enregistré à la Ferme de Villefavard en Limousin (novembre 2009) – 81’00
Mirare MIR 096 (distribué par Harmonia mundi) – Notice de présentation en français et en anglais





«The Mazurka Diary»
Frédéric Chopin : Mazurkas, opus 6 n° 1, 2 et 4, opus 7 n° 1, 2 et 5, opus 17 n° 2 et 4, opus 24 n° 1 et 2, opus 30 n° 1, 2, 3 et 4, opus 33 n° 4, opus 41 n° 2, opus 50 n° 3, opus 56 n° 2, opus 59 n° 1, 2 et 3, opus 63 n° 2, opus 67 n° 2, 3 et 4, opus 68 n° 1, 2, 3 et 4
Anna Gourari (piano)
Enregistré au Mozarteum de Salzburg (28-30 septembre 2009) – 73’10
Berlin Classics 0016662BC (distribué par Intégral) – Notice de présentation en anglais et en allemand






Cinq femmes, et autant de manières – fort différentes – d’aborder le piano de Frédéric Chopin (1810-1849). Avec Martha Argerich (née en 1941), tout paraît presque trop facile. L’inspiration et la fougue de la jeune pianiste argentine resplendissent de l’album d’inédits exhumés par DG des archives radiophoniques de Berlin et Cologne, échos d’une époque où elle s’imposa d’un seul coup comme l’une des artistes les plus douées du siècle. Ce disque est d’autant plus précieux qu’il recèle quelques inédits absolus dans la discographie d’Argerich, telle cette Première Ballade de janvier 1959, où chaque accent possède déjà une certitude confondante (la lauréate des concours de Genève et de Bolzano n’a pas encore dix-huit ans), ou cette Etude en do dièse mineur délivrée d’une traite par une interprète de vingt-six ans, avec une fulgurance qui rappelle l’invraisemblable Prélude en si bémol mineur qu’elle enregistrera huit ans plus tard (pour le même label jaune). Si le live de la Troisième sonate n’égale pas les versions studio de la même époque (en raison d’une moindre réussite dans la prise de risque technique), on rend les armes devant le génie d’un Nocturne opus 55 n° 2 – une des œuvres emblématiques de l’art du compositeur polonais – dans lequel Martha Argerich parvient à recréer, réinventer, renouveler l’interprétation sans jamais trahir l’esprit ni violenter le texte. Où, dans la Mazurka opus 33 n° 2, va-t-elle chercher cette vigueur et ce rubato sans vulgarité, cet héroïsme fier dans les dernières notes de l’œuvre – plus polonaises qu’une Polonaise – qui claquent comme un coup de ciupaga ? De même, la Mazurka opus 63 n° 2 est comme une ode à la liberté rythmique où tout chante avec l’évidence du naturel. On pourrait multiplier les exemples qui disent à quelle place, parmi les Chopiniennes, se situe la pianiste argentine.


Rapprocher Youra Guller (1895-1980) de son amie Martha Argerich n’a rien d’incongru, cette dernière ayant même soutenu financièrement son aînée vers la fin de sa vie. De la pianiste française d’origine roumaine et russe, il ne reste quasiment rien au disque. Une légende, bien entendu: celle d’une artiste à l’existence aussi tragique que son art était rayonnant, une vie à la Piaf (une autre de ses amies), l’écho d’une époque où elle côtoie sa rivale Clara Haskil, donne des leçons à André Gide, fréquente le tout-Paris... avant la déchéance d’après-guerre (maladie, drogue, dépression). Tout cela, la notice du label suisse DORON nous le fait partager grâce à l’intelligence du texte de Pierre Hugli. Surtout, la réédition des onze Mazurkas et cinq Nocturnes enregistrés au début de l’été 1956 par André Charlin donne à entendre ce qui constitue quasiment l’unique témoignage d’un «âge d’or»: appropriation renversante des partitions, évidence recréatrice, génie de l’inspiration – même dans une œuvre aussi sur-enregistrée que le Nocturne opus 27 n° 2 que Youra Guller semble réinventer note après note. Pas un rythme, une nuance, un trait qui ne soient laissés au hasard de la routine. Une science de l’interprétation, dont la différence essentielle avec Argerich tient à une angoisse sous-jacente à chaque barre de mesure. Ainsi, la tristesse insondable de la Mazurka opus 17 n° 4 ou du Nocturne opus 27 n° 1 resteront à jamais le reflet de l’art comme de la vie tragiques de cette légende du piano.


En regard, l’univers chopinien de la jeune pianiste japonaise Etsuko Hirosé (née en 1979) paraît quelque peu superficiel. Si le Nocturne opus 15 n° 1 de Youra Guller avait l’éclat d’un diamant finement taillé, celui d’Etsuko Hirosé se présente davantage comme une fleur délicate, plus tendre peut-être, plus vite fanée surtout. Malgré le ciselé du toucher et la sensibilité indéniable d’une interprète pleine de charme, quelques coquetteries dans les accents et l’absence générale d’élan empêchent de s’intéresser durablement à ce Chopin privé d’héroïsme et de flamme. Là où l’on aimerait admirer un grand format, on nous impose invariablement une estampe. Les quatre Ballades s’embourbent ainsi dans un statisme proche du hors-sujet. Signalons, par ailleurs, une erreur de «plagination», l’ordre d’exécution des Nocturnes, opus 15 n° 1 et opus 9 n° 2 n’étant pas celui indiqué sur la pochette et dans la notice.


Après celle d’Etsuko Hirosé, la Quatrième Ballade d’Anne Queffélec – remplie de fierté et de fougue – ramène l’interprétation chopinienne sur des sentiers plus sûrs. Enregistré au même endroit (et au même moment), dans un style assez proche de celui de sa jeune consœur japonaise (économie du geste, légèreté de la frappe, refus de la déflagration digitale), le Chopin de la pianiste française Anne Queffélec (née en 1948) a une toute autre tenue, à l’image d’une Berceuse charmante et tendre. On souhaiterait par moments une exécution moins statique (Nocturne en ut dièse mineur) ou moins heurtée (Fantaisie-impromptu). Mais le disque, organisé comme un parcours chronologique couvrant toute la vie de Frédéric Chopin – des pétillantes Polonaises en si bémol majeur et en sol mineur de 1817, croquées avec gourmandise par la pianiste française, jusqu’à la poignante Mazurka en la mineur de 1848 –, a finalement belle allure.


Enfin, à côté des Mazurkas évoquées plus haut, celles de la pianiste russe Anna Gourari (née au Tatarstan en 1972) paraissent pour le moins iconoclastes à force de rechercher l’originalité à tout prix. Malgré une indéniable personnalité, une grande vivacité technique et une certaine rondeur du toucher, on regrette que ces pièces soient à ce point violentées, la faute à une interprète exagérant les forte et brutalisant sans cesse le tempo au risque de briser la ligne de chant (Opus 6 n° 1 et 2, Opus 24 n° 1) et de rendre la mélodie bien anecdotique (Opus 7 n° 1, Opus 30 n° 4, Opus 33 n° 4, Opus 67 n° 4), flirtant par moments avec le «grand n’importe-quoi» (Opus 7 n° 2, Opus 30 n° 3)... mais connaissant également quelques réussites (Opus 7 n° 5, Opus 17 n° 2, Opus 50 n° 3, Opus 59 n° 3, ainsi qu’au sein de l’Opus 68). Dans la notice, Anna Gourari souligne pourtant que c’est la poésie «which constitutes the heart and the deeper sense of Chopin’s music. A poetry that pervades every fibre of his music». Fort peu poétique apparaît toutefois cette sélection de vingt-neuf Mazurkas, qu’on juge parfois expédiées (Opus 24 n° 2), d’autres fois alanguies (Opus 17 n° 4, Opus 41 n° 2), mais qui ne sont certainement pas l’œuvre d’une authentique Chopinienne, à l’image d’une Martha Argerich et d’une Youra Guller.


Le site d’Anna Gourari


Gilles d’Heyres

 

 

 

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