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01/02/2010 Minna Keal : Concerto pour violoncelle, opus 5 – Ballade pour violoncelle et piano
Alexander Baillie (violoncelle), Martina Baillie (piano), BBC Scottish Symphony Orchestra, Martyn Brabbins (direction)
Enregistré à Glasgow (24 juillet 1997) – 37’01
NMC D048S (distribué par DistrArt)
Soixante-cinq ans séparent la Ballade en fa mineur (1929) du Concerto pour violoncelle (1994) de Minna Keal (1909-1999). Mais entre ces deux dates, son parcours, comme celui de tant de femmes compositeurs, ne fut ni classique, ni linéaire, ainsi que l’indique la notice de présentation (en anglais, allemand et français, dans une très médiocre traduction, qui confond par exemple eightieth et eighteenth). Née Nerenstein, elle étudia à la Royal Academy avec William Alwyn, mais elle fut contrainte d’interrompre dès 1929 son cursus afin de subvenir aux besoins de sa famille, son père étant décédé trois ans plus tôt. Puis vinrent un premier mariage, la naissance de son fils, l’historien Raphael Samuel (1934-1996), l’engagement communiste, le sauvetage d’enfants juifs d’Allemagne, des emplois alimentaires et un second mariage avec William (Bill) Keal.
La musique retrouva alors progressivement une place centrale dans sa vie: ayant repris des cours de piano, elle ne tarda pas à obtenir le diplôme requis pour l’enseigner elle-même. Familière de la musique de Bartók, Schönberg, Chostakovitch et Lutoslawski, elle éprouva toutefois le besoin de reprendre des cours de composition, avec Justin Connolly puis Oliver Knussen. Ayant recommencé à écrire à partir de 1975, renouant ainsi avec une carrière suspendue près d’un demi-siècle plus tôt, c’est dans sa quatre-vingtième année qu’elle présenta au public son opus 1, un Quatuor à cordes. Suivirent un Quintette à vent puis une Symphonie, qui fut jouée aux Proms, mais cette «seconde vie» n’alla pas au-delà de l’opus 6: à sa mort, survenue à l’âge de quatre-vingt-dix ans, elle travaillait sur un Quintette à deux violoncelles.
Originellement destinée à l’alto, la Ballade fut adaptée pour violoncelle à la demande d’Alexander Baillie, qui l’interprète ici avec sa fille Martina, alors âgée de dix-sept ans. Se disant influencée à cette époque par Debussy, Wagner, Frank Bridge, Max Bruch et Joseph Akron, Minna Keal, dans cette dernière œuvre qu’elle composa avant de devoir prématurément mettre fin à ses études, abandonne rapidement un raffinement mélodique très anglais pour des épanchements généreux et passionnés, avant de conclure sur une belle éclaircie en la bémol.
Le Concerto pour violoncelle fut une entreprise de longue haleine, commencée en 1988 alors que son mari était gravement malade et poursuivie notamment grâce au soutien de la Fondation Aldeburgh. Dédié à l’époux défunt, il fut créé par Alexander Baillie, sous la direction de Richard Hickox. Si Minna Keal avoua avoir révisé les grands modèles – Schumann, Elgar, Chostakovitch, Lutoslawski – avant de s’attaquer à la composition de ce concerto, il n’est guère possible d’y déceler de telles influences. D’écriture librement dodécaphonique, les trois mouvements enchaînés durent environ 26 minutes. L’atmosphère sombre, intense et véhémente, du Moderato puis du bref Allegro laisse place à un Adagio, plus développé que les deux précédents mouvements réunis: le lyrisme du violoncelle, poignant et digne à la fois, s’y exprime à l’unisson d’un orchestre serein et compatissant, mais c’est à l’issue d’un épisode plus agité que le soliste impose une péroraison volontariste.
Simon Corley
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