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09/22/2009
Ludwig van Beethoven : Sonates pour violon et piano n° 5 « Le Printemps », opus 24, n° 8, opus 30 n° 3, et n° 9 « A Kreutzer », opus 47

Jerrold Rubenstein (violon), Dalia Ouziel (piano)
Date et lieu d’enregistrement non précisés – 78’42
Le Chant de Linos CL0820 (distribué par Intégral) – Notice de présentation en français et en anglais






On ne compte plus les enregistrements des Sonates pour piano et violon de Beethoven, notamment de celle dite Le Printemps et de celle dédiée à Kreutzer, ni les illustres interprètes qui y ont contribué. On serait alors en droit de se demander quel peut être encore l’intérêt d’enregistrer ces œuvres, si belles soient elles. Cela étant, l’intérêt de ce disque est multiple : tout d’abord, ce sont deux brillants musiciens qui nous offrent leur musicalité : Jerrold Rubenstein et Dalia Ouziel.


Ensuite et cela peut surprendre, seulement trois sonates nous sont présentées. Parmi elles, certainement les deux sonates pour piano et violon de Beethoven les plus connues – la Sonate « Le Printemps » et la Sonate « A Kreutzer » – et la Huitième Sonate, peut-être moins connue. Pourquoi seulement ces trois-là ? Probablement parce que ces sonates recèlent une véritable unité, forment une espèce de tout que leur présentation chronologique sur la jaquette du disque semble laisser entendre : les deux sonates affublées d’un nom encadrent celle qui n’en a pas. Enfin, leur composition s’échelonne entre 1800 et 1803, période très restreinte. Le disque nous offre ainsi un échantillon de l’activité du compositeur, à une période phare de l’histoire musicale et artistique et de l’histoire tout court : nous sommes à l’aube du XIXe siècle et à celle du romantisme. De plus, comme l’explique la notice, lorsque Beethoven compose les Sonates de l’Opus 30, il est « en pleine crise » car confronté à la réalité de sa surdité. Il rassemble pourtant ses forces pour poursuivre son travail. L’unité de ces trois sonates réside donc notamment dans la charnière qu’elles représentent entre classicisme et romantisme, et entre la période précédant la surdité et celle qui en découle.


D’ailleurs, cette notion de charnière semble représentée musicalement dans ces sonates malgré leurs différences stylistiques. Effectivement, chacune d’entre elles développe un souci de dialogue constant entre les deux instruments avec des effets d’alternance, presque un jeu de questions-réponses : chacun a en tête le thème du premier mouvement de la Sonate « Le Printemps », d’abord assumé par le violon puis repris par le piano. Il en va de même au début du deuxième mouvement de la Huitième Sonate, où le thème est énoncé par le piano puis par le violon. Ce phénomène d’alternance du thème entre les deux instruments est encore perceptible dans la Sonate « A Kreutzer », notamment dans le premier mouvement. Cette sorte de conversation instrumentale abolit quelque peu un système selon lequel le violon pourrait par exemple être l’instrument-roi de ces sonates et le piano l’accompagnateur. C’est là un système novateur qui place ces œuvres à la charnière « du style habituel de la musique de chambre de l’époque » dont elle est héritière, et d’un renouveau musical.


En outre, au-delà de ce procédé, peut-être un peu basique à nos yeux, chacune de ces pièces fait osciller joie et mélancolie au point que semble émerger un sentiment nouveau, né des deux précédents : si la Sonate « Le Printemps » fut ainsi surnommée en raison de son caractère joyeux, on peut cependant déceler de petits moment mélancoliques qui viennent se fondre dans la joie, notamment dans le deuxième mouvement : un Adagio se prête peut-être plus volontiers à une certaine tristesse que l’on peut discerner dans les accents plaintifs du violon enchaînant un rythme longue-brève au début du mouvement. Plus largement, dans la Huitième Sonate, écrite par un Beethoven en pleine détresse, la notice décrit le premier mouvement comme « un appel au bonheur, mais c’est plutôt une joie espérée qu’une joie vécue ». En effet, certains trilles, nombreux dans cette pièce, semblent mimer une espèce de course après un bonheur qu’on ne peut atteindre, et l’alternance de passages rapides et de passages plus calmes paraît exprimer une sorte d’envie frénétique tout d’un coup ralentie, comme si elle ne pouvait prendre toute son ampleur. Cette idée de mélancolie est du reste d’emblée romantique. On retrouve ainsi la notion de charnière évoquée plus haut entre classicisme et romantisme, et ce d’autant plus que, comme le rappelle la notice, au sein du Rondo qui conclut la Sonate « Le Printemps » se glisse le grand air de Vitellia « Non più di fiori » de La Clémence de Titus de Mozart, compositeur classique.


Enfin, la notion de charnière concerne également la structure des œuvres : le deuxième mouvement de la Sonate « A Kreutzer » présente un thème et des variations. Or, ne peut-on pas penser que les variations sont une espèce de charnière entre un thème déjà connu, et une mélodie nouvelle ? Ces sonates sont donc bel et bien l’expression d’une unité placée sous le sceau de la transition : transition entre deux styles musicaux dont l’un est en germe, transition entre deux périodes historiques, et transition entre deux états d’esprit pour le compositeur. Les interprètes semblent avoir pleinement perçu ce mouvement au point de le faire ressortir musicalement : leur communion est quasi parfaite tant ils ont l’habitude de jouer ensemble, jusque dans les ralentis qu’ils maîtrisent brillamment. Ils parviennent alors à rendre toute la subtilité de ces œuvres dans lesquelles se mêlent une multitude d’éléments qui façonnent une musique à la fois moderne et héritière du style classique. Ce disque nous offre ainsi un nouvel éclairage de ces sonates si souvent enregistrées en les inscrivant dans leur contexte historique et musical qui fait écho au contexte actuel : « L’incompréhension de la musique moderne n’est pas le monopole de notre siècle ».


Le site de Jerrold Rubenstein
Le site de Dalia Ouziel


Fanny Fossier

 

 

 

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