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08/11/2009 Claude Debussy : Premier et Second livres de Préludes
Ivan Ilic (piano)
Enregistré à la salle Cortot (avril 2006) – 75’40
Paraty 108.105 (distribué par Intégral) – Notice de présentation en français et en anglais
On aborde ce disque avec une certaine surprise face à la démarche d’un jeune artiste (né en 1978) qui enregistre une intégrale des Préludes (1910-1912) de Claude Debussy en modifiant l’ordre dans lequel nous sommes habitués à les entendre : ainsi le cycle ne s’ouvre-t-il plus sur les accords sereins des «Danseuses de Delphes» mais sur la solitude des six notes esseulées qui dessinent les premiers pas posés sur «Les Collines d’Anacapri». «Minstrels» ne vient pas refermer en titubant le Premier livre, ce dernier achevant son parcours perdu au fond de «La Cathédrale engloutie». Au-delà de cette originalité, ce disque trouve son principal intérêt dans la frappe très assurée et à la technique accomplie d’Ivan Ilic, pianiste américain d’origine serbe et résidant à Paris. Il suffit, pour s’en convaincre, d’écouter «Ce qu’a vu le vent d’ouest», admirable de vélocité et riche en sonorités. Souvent, les options stylistiques sont intéressantes : ainsi «Minstrels» n’est-il pas modéré mais bipolaire, alors que «General Lavine» est moins «eccentric» que colérique et brutal, tout cela sans un certain second degré d’ailleurs. On reconnaît surtout au pianiste un vrai sens de l’unité dans sa conception des Préludes, joués d’une seule traite et parvenant à mettre en regard la sérénité de «Canope» ou «La Terrasse des audiences du clair de lune» avec les multiples transformations d’«Ondine», «Brouillards» ou «Feux d’artifice».
Si ce Debussy-là est stylistiquement plus proche de Pollini ou Richter que d’Arrau ou même Gieseking, il lui manque néanmoins la profondeur suffisante pour s’imposer auprès des plus grands, dans un contexte discographique qui s’enrichit toujours davantage (voir notamment le dernier disque de Nelson Freire). Son principal défaut réside dans une interprétation peut-être trop propre, dont l’objectivité tire parfois vers un certain prosaïsme : ainsi «Les sons et les parfums tournent dans l’air du soir» tendent-ils à se réduire aux notes plaquées avec exactitude et froideur, de même que «La Sérénade interrompue» ou «Les Collines d’Anacapri» souffrent d’un toucher raide ou brutal. C’est plus généralement un manque de mystère et de charme que l’on déplore, dans des pièces comme «Voiles» ou «Des pas sur la neige» par exemple… comme si cette musique, admirablement exécutée par un pianiste à la technique superbe, restait à la surface de son éclat.
Ayant déjà rencontré un certain succès sur le marché de la musique en ligne, ce beau premier disque, agrémenté d’une intéressante notice d’Adélaïde de Place, donne envie d’entendre à nouveau son jeune interprète, doté d’une frappe virile et d’une fougue fort bien contrôlée. Dans un répertoire aussi singulier que Debussy, Ivan Ilic semble juste manquer encore de cette magie du toucher qui lui viendra sûrement avec le temps.
Le site d’Ivan Ilic
Le site de Paraty
Gilles d’Heyres
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