About us / Contact

The Classical Music Network

CD

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

07/31/2009
Anton Bruckner : Symphonie n° 7 en mi majeur

Radio-Sinfonieorchester Stuttgart des SWR, Sir Roger Norrington (direction)
Enregistré en concert au Liederhalle de Stuttgart (27-28 septembre 2008) – 55’11
SWR Music (Hänssler Classic) 93 243 (distribué par Intégral) – Notice bilingue (allemand et anglais) de Benjamin-Gunnar Cohrs






Après avoir gravé à la tête de l’Orchestre symphonique de la radio de Stuttgart les Troisième (première version de 1873), Quatrième (première version de 1874) et Sixième symphonies d’Anton Bruckner (1824-1896), voici que Sir Roger Norrington nous livre la page orchestrale la plus célèbre du maître de Saint-Florian, sa Septième symphonie, composée entre août 1881 et septembre 1883. Atteignant une plénitude et une maîtrise sonores qui ne seront confirmées que par les deux symphonies suivantes, elle se veut en premier lieu un hommage à Richard Wagner, figure tutélaire que Bruckner, si peu sûr de lui-même, toujours prompt à modifier ses œuvres à la moindre remarque (fût-elle du plus mauvais aloi), admirait tant. Comme on le sait, cette révérence se trouve aussi bien dans le tissu orchestral (le recours aux fameux « tubas wagnériens ») que dans l’inspiration (l’Adagio étant un hommage direct au maître de Bayreuth dont le décès, le 13 février 1883, devait profondément attrister Bruckner). Ce lien indissoluble entre les deux musiciens explique en partie la tradition interprétative que Norrington vient ici heurter de plein fouet.


Notre oreille est, depuis longtemps, habituée à entendre cette symphonie sous le jour d’une grande puissance orchestrale, distillant une ampleur mêlant habilement dramatisme et sérénité. Premier choc pourtant en 1995 lorsque Norrington (déjà…) enregistre la Troisième symphonie sur instruments anciens à la tête des London Classical Players (disque paru chez EMI, aujourd’hui disponible chez Virgin Veritas) : le résultat s’était alors avéré peu convaincant en raison d’une précipitation générale et d’une sécheresse convenant mal à ce répertoire. En revanche, tel n’a pas été le ressenti lorsque parut en 2004 l’interprétation de la Septième symphonie sous la direction de Philippe Herreweghe (chez Harmonia Mundi), là encore sur instruments d’époque. La transparence, la sobriété, l’art des enchaînements et l’attention portée aux détails ont immédiatement fait de cette gravure un jalon essentiel à la discographie existante, parfait complément aux versions traditionnelles de Wand, Jochum, Karajan ou Haitink (pour n’en citer que quelques-uns).


En l’espèce, Sir Roger Norrington persiste dans sa vision d’un Bruckner « allégé » quitte à commettre un total contresens. Ce qui frappe en premier lieu, c’est la vitesse. Cette version dure, à quelques secondes près, neuf minutes de moins que chez Günter Wand (dans son enregistrement avec Cologne en 1980), onze minutes de moins que chez Karajan (dans son dernier enregistrement à la tête de l’Orchestre philharmonique de Vienne) et même près de treize minutes de moins que Jochum (avec l’Orchestre philharmonique de Berlin dans le cadre de sa seconde intégrale) ! Philippe Herreweghe lui-même livre une version de quatre minutes plus longue… Or, cette précipitation tend à gommer ce qui « fait » Bruckner : par exemple, où sont les pupitres de cordes ? La respiration qui, normalement, doit ressortir des longues phrases de la symphonie a été éclipsée au profit d’une sécheresse, voire d’une rudesse, qui anéantit le charme de l’œuvre. Fatalement, par un inévitable effet de mimétisme, les sonorités âpres se retrouvent peu ou prou chez les autres instruments qu’il s’agisse des bois (les flûtes ou les trompettes dans le premier mouvement) ou de l’ensemble des cuivres dans le Scherzo. Les tempi adoptés par Sir Roger Norrington ont pour corollaire le peu de soin apporté aux transitions, souvent caricaturales tant les ruptures de tempi s’avèrent extrêmes (écoutez, par exemple, les passages à 3’50 ou à partir de 12’ dans l’Allegro moderato !), la lecture du chef n’avançant visiblement que mesure après mesure, sans que l’on perçoive à aucun moment la moindre ligne directrice. A cet égard, le début de l’Adagio est un ratage complet en dépit d’un orchestre de très bonne facture.


Or, et c’est peut-être le plus critiquable, la conception du chef (qui, pourtant, se targue de retourner sans cesse « à la source des œuvres » afin de parfaitement rendre leur authenticité) s’avère en totale contradiction avec l’intention même du compositeur. Souvenons-nous, encore une fois, que cette Septième symphonie est dédiée à Louis II de Bavière : lorsque l’on connaît un tant soit peu la vie de ce souverain fantasque, on ne peut écarter toute trace de grandiloquence dans une pièce qui lui est ainsi dédiée. Par ailleurs, l’Adagio ne peut être autre chose qu’une marche funèbre où se mêlent l’hommage à la mémoire de Wagner et la soumission à Dieu (on sait combien, depuis sa plus tendre enfance, Bruckner était croyant, profondément attaché à la religion catholique). Rien de tout cela ici ! Messieurs Furtwängler, Karajan, Sanderling, Harnoncourt même, vous n’avez vraiment rien compris ! Moi, Sir Roger Norrington, je vais vous révéler l’œuvre d’Anton Bruckner ! Or l’Adagio n’a jamais été aussi faux : en plus d’une occasion, on a le sentiment d’écouter une ballade, aux sonorités nonchalantes (à partir de 4’ notamment) où domine l’insouciance. Quant au Finale, il est, contrairement aux indications de Bruckner lui-même (Bewegt, doch nicht schnell), pris une fois de plus très rapidement : de fait, où est le côté implacable de la mélodie ? Certainement pas chez Norrington en tout cas qui, en l’occurrence, signe là un disque tout à fait inutile.


Sébastien Gauthier

 

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com