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05/14/2009 Johannes Brahms: Ein Deutsches Requiem, opus 45
Maurice Ravel: Daphnis et Chloé
Gustav Mahler: Symphonie n° 6
William Bolcom: Lyric Concerto pour flûte et orchestre – Symphonie n° 8 (*)
Lorenzee Cole (*), Christine Schäfer (sopranos), Cindy Vredeveld (alto), Brian R. Robinson (ténor), Thomas Anderson (*), Michael Volle (barytons), Sir James Galway (flûte), Tanglewood Festival Chorus, John Oliver (chef de chœur), Boston Symphony Orchestra, James Levine (direction)
Enregistré en public à Boston – 70’21 + 54’55 + 82’43 + 58’29
Disponibles par téléchargement sur le site de l’Orchestre symphonique de Boston
ConcertoNet avait émis en 2006 l’hypothèse que la prise de concerts live en téléchargement était le futur du disque classique. Nous sommes en 2009. Teldec a déposé son bilan et on murmure que les jours de Decca sont comptés. Plus positivement, le National (voir ici) et le Philhar’ (voir ici) font partie des orchestres qui sont enregistrés dans la série des Decca concerts, l’Orchestre philharmonique de Berlin propose des concerts live sur Internet (montrant que le concert vivant peut être vendu à un prémium par rapport à un CD ou un download). Enfin, suivant un exemple lancé par l’Orchestre symphonique de Londres et son label LSOLive, les orchestres symphoniques de Chicago et de Boston (BSO) viennent de mettre sur le marché des enregistrements sous leurs propres marques, Boston proposant quatre downloads, dont deux – Brahms, Ravel – par ailleurs disponibles en format SACD hybride.
Il est possible de revoir des extraits de la conférence de presse de James Levine à l’occasion de l’annonce de ces enregistrements. Le chef américain explique comment les œuvres ont été sélectionnées, soit parce qu’elles font partie de la tradition de l’orchestre – Ravel – soit parce que chef et musiciens ont eu le sentiment qu’ils avaient particulièrement réussi une exécution – Brahms, Mahler – ou enfin parce que Levine voudrait que soient disponibles l’une des très nombreuses créations – Bolcom – qu’il a commandées depuis qu’il a pris la direction de cet orchestre.
La comparaison de ces enregistrements avec ceux faits dans le passé par Levine ou d’autres chefs du BSO montre que le résultat du travail réalisé par le chef américain se fait pleinement sentir. Comme c’est le cas pour son Orchestre du Metropolitan Opera, le son est devenu plus équilibré entre cordes et vents, en particulier avec des cuivres toujours aussi solides mais plus discrets. Le résultat est plus chaleureux, les phrasés plus naturels et on sent que chaque instrument sait ce qu’il doit faire pour contribuer à l’ensemble.
Des quatre enregistrements, le Requiem Allemand est peut-être le plus faible. Malgré la qualité des solistes et la beauté de l’orchestre, l’auditeur risque de se lasser de l’allemand un peu approximatif du chœur et de certains tempi un peu lents. De même, on peut se permettre d’avoir quelques doutes sur la pérennité du Concerto lyrique de William Bolcom. Peut-être le compositeur a-t-il trop cédé aux demandes du prestigieux flûtiste de lui composer une œuvre trop plaisante, résultant ainsi en un patchwork un peu trop superficiel. (Les amateurs du répertoire de flûte contemporaine trouveront plus de satisfaction dans les enregistrements d’œuvres de notre époque réalisés par Emmanuel Pahud.)
James Levine a souvent dirigé Gustav Mahler. Il a en particulier dirigé cette Sixième Symphonie lors des tournées qu’il avait entreprises avec son orchestre du Met en 2002. Sa lecture est dynamique et théâtrale au meilleur sens du terme, nous rappelant qu’il est le successeur de Mahler au Met. Comme c’est maintenant souvent la règle, le Scherzo est placé après l’Andante et en grand wagnérien, la tension ne baisse pas dans le finale. Voici l’exemple même du petit plus d’une prise de concert où la présence du public et l’engagement des artistes sont palpables. Si cet enregistrement ne surpasse celui incomparable fait par Pierre Boulez et l’Orchestre philharmonique de Vienne, il mérite de figurer parmi les grands témoignages de ce chef-d’œuvre.
La Huitième Symphonie de Bolcom, dont ConcertoNet avait relaté la création, est une œuvre visionnaire et pleine d’énergie. L’écriture en particulier y est moderne et d’un style américain loin de toute référence européenne. Orchestre et chœur sont percutants et pleins d’un dynamisme et d’un enthousiasme communicatifs. C’est la grande découverte de ce lot de downloads.
Daphnis et Chloé est dans la plus pure tradition du BSO, l’orchestre de Charles Munch puis de Seiji Ozawa. Berlioz mis à part, James Levine n’a que peu fréquenté la musique française et sa dernière rencontre avec cette œuvre lors d’un concert salzbourgeois en 1982 puis en studio n’avait guère convaincu. Nous sommes cependant ici au Nouveau Monde et la différence est considérable. L’orchestre trouve ici des couleurs plus claires et une lumière plus française très différente des autres œuvres. Les interventions des bois se révèlent particulièrement réussies et la flûte solo d’Elisabeth Rowe est un plaisir. Levine en bon chef de théâtre sait à la fois donner une caractérisation solide et approfondie de chaque passage et intégrer chaque instrumentiste à l’ensemble. De Munch à Levine, la filiation française bostonienne est bien une réalité.
Le BSO, James Levine et rien moins que Renée Fleming et Pierre-Laurent Aimard devaient effectuer une tournée européenne en février 2010. Comme elle est a hélas été annulée « en raison du ralentissement de l’économie et de l’incertitude qui en résulte », ces enregistrements n’en sont que plus précieux, montrant bien le talent et la versatilité d’un ensemble qui est sans conteste en train de devenir lentement et sûrement le premier orchestre américain.
Antoine Leboyer
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