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04/14/2009
Emmanuel Chabrier : España (#)
Paul Dukas : La Péri (§) – L’Apprenti sorcier (¤)
Arthur Honegger : Symphonies n° 2 et n° 5 «Di tre re» (¤)
Jacques Ibert : Escales (¤)
Vincent d’Indy : Symphonie sur un chant montagnard français, opus 25 (¤ *)
Charles Koechlin : The Seven Stars’ Symphony, opus 132 (&)
Darius Milhaud : La Création du Monde, opus 81a (¤) – Suite provençale, opus 152b (¤)
Albert Roussel : Bacchus et Ariane, suite de ballet n° 2 (¤)
Camille Saint-Saëns : La Nuit, opus 114 (^ °) – Le Rouet d’Omphale, opus 31 (¤)
Florent Schmitt : Salammbô, trois suites d’orchestre, opus 76 (^ ~)

Nicole Henriot-Schweitzer (piano) (*), Natalie Dessay (soprano) (°), Chœur de l’Armée Française (~), Boston Symphony Orchestra, Charles Munch (direction) (¤), New York Philharmonic, Leonard Bernstein (direction) (#), Pierre Boulez (direction) (§), Deutsches Symphonie-Orchester Berlin, James Judd (direction) (&), Orchestre National d’Ile-de-France, Jacques Mercier (direction) (^)
Dates et lieux d’enregistrement non précisés – 286’
Coffret de quatre disques Sony Classical 88697 486872 – Notice de présentation en français






Figurant parmi les premiers jalons de la série «Un siècle en France. Splendeurs de la musique française du XXème siècle» de Sony, ce superbe panorama symphonique donne l’occasion paradoxale de constater à quel point la plupart des chefs-d’œuvre figurant dans ce quadruple album sont scandaleusement absents des programmes de concert, à commencer par ceux des formations hexagonales. L’Orchestre National d’Ile-de-France se trouve d’ailleurs être la seule phalange française représentée dans cet album, lequel fait la part belle à l’Orchestre Symphonique de Boston… dirigé, il est vrai, par un certain Charles Munch.


L’association Munch/Boston occupe à elle seule plus de la moitié de l’album : faut-il s’en plaindre ? On pourrait à la rigueur trouver à redire sur un produit qui n’est rien d’autre qu’un repackaging habile d’œuvres fort hétéroclites (et pas toutes du XXème siècle) ou qu’un repiquage élégant d’interprétations déjà bien connues, de même qu’on déplore l’absence d’indication sur les dates et lieux d’enregistrement. Mais l’excellence des interprétations retenues dissuade vite de faire la fine bouche. C’est donc sans grande appréhension qu’on réécoute ces enregistrements de Roussel, Dukas, Honegger, Ibert… qui demeurent des références inapprochables. Tandis que L’Apprenti sorcier (1897) de Munch et Boston continue, cinquante ans après, de casser la baraque avec le même «peps» ensorcelant et la même magie instrumentale, on doit confesser qu’il demeure difficile d’écouter ce Bacchus et Ariane (1930) d’anthologie sans être tenté, toutes les trente mesures, de se lever de sa chaise pour diriger chez soi l’orchestre imaginaire qui prend possession de la pièce... Pour inexorable qu’elle soit, la suite de Roussel est pourtant patiemment construite, à partir d’une «Introduction» irréelle de volupté, jusqu’à l’insensée «Bacchanale» qui couronne une orgie de sons et de rythmes dont on se remet difficilement. Le tout, transcendé par la cohésion inouïe des musiciens de Boston.


Dans la même veine, l’exécution, par la même équipe, de la Symphonie cévenole (1886) de Vincent d’Indy manque peut-être de nuances mais figure une ascension riche en exploits, portée par une interprétation terrienne, conduisant par moments ce «Till l’Espiègle» gaulois sur des pentes pour le moins orgiaques. Darius Milhaud est servi de manière un peu moins exceptionnelle, avec une Suite provençale (1936) plus américaine qu’idiomatique et une Création du Monde (1923) remarquable de style mais qui manque de folie et fait regretter l’abandon dans lequel a pu la plonger un Bernstein par exemple. Cependant, on retrouve partout le rythme implacable qu’impose le chef d’orchestre français : cette même et unique manière par laquelle Munch emballe le tempo dans «Valencia» – dernière pièce des Escales (1922) d’Ibert – ou dans la «Danse de la solitude de Bacchus» (Roussel imaginait-il des flûtes à ce point possédées ?), déroule le discours du Rouet d’Omphale (1869) de Saint-Saëns, se jette comme un damné dans le «Vivace» final de la Deuxième symphonie (1941) d’Honegger… où l’indication «non troppo» est traitée avec une impertinence qui ne choque que peu de temps (tant le souffle implacable de la vision du chef emporte tout et fait pardonner jusqu’aux décalages parmi les cordes bostoniennes). Cette vision de Munch, faite de liberté dans le tempo et d’intensité dans le rythme, s’identifie au bonheur communicatif des choses faites sans demi-mesure. De ce point de vue, le sommet de cet album se trouve probablement dans une Cinquième symphonie (1950) d’Arthur Honegger difficilement surpassable, où la fébrilité des cuivres donne le frisson et où de la lave semble s’écouler des cordes.


Le reste du coffret ne manque pas non plus d’attraits. Superbement appliqué mais également plus lisse de style, l’Orchestre Philharmonique de New York se présente sous deux jours nettement contrastés : Bernstein instille humour et tonus à l’España (1883) de Chabrier… alors que Boulez explore la richesse du tissu harmonique de La Péri (1912) de Dukas, fuyant toute rutilance, aplanissant les contrastes pour mieux faire ressortir la délicatesse du propos. Florent Schmitt est représenté par Salammbô (1925), musique illustrative et orientalisante composée pour un film de Pierre Marodon et oscillant entre Debussy et Ravel : si cette pièce n’est certainement pas le chef d’œuvre de son auteur, elle se trouve fort bien servie par un Orchestre National d’Ile-de-France engagé et scintillant, qui se révèle franchement brillant dans la «Fuite de Mathô avec le Zaïmph». Jacques Mercier marque intelligemment le contraste avec la seconde pièce qu’il dirige dans cet album, la sereine Nuit (1900) de Saint-Saëns, au cours de laquelle Natalie Dessay vocalise auprès de l’«ami rossignol» avec charme et pureté, solidement secondée par un chœur de femmes qu’on aimerait saluer si son identité était mentionnée dans la notice.


Plus ignoré encore des scènes contemporaines, Charles Koechlin se fait une place dans le coffret grâce à James Judd qui, à la tête d’un Orchestre Symphonique allemand de Berlin un peu rude par moments, fait revivre la Seven Stars’ Symphony (1933) avec conviction et justesse. Des sept étoiles du septième art mises en musique dans cette œuvre ressortent les beautés mystérieuses et fascinantes de «Greta Garbo» et de «Marlene Dietrich»… qui s’effacent néanmoins devant la constellation «Charlie Chaplin», astre qui brille un quart d’heure durant et suffit à faire regretter la place misérable qu’occupe Koechlin dans la vie musicale de ce début de siècle. Bref, pour le mélomane qui n’aurait jamais entendu ces petits bijoux et qui risque de mettre du temps à les dénicher en concert, cette réédition à prix doux trouve pleinement son sens. Ne serait-ce que pour cette unique raison, ces quelques «Splendeurs la musique française du XXème» (… et de la fin du XIXème) siècles est vraiment la bienvenue.


Gilles d’Heyres

 

 

 

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