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10/02/2008
François Rebel et François Francœur : Pirame et Thisbé
Thomas Dolié (Pirame), Judith Van Wanroij (Thisbé), Jeffrey Thompson (Ninus), Katia Velletaz (Zoraïde), Jean Teitgen (Zoroastre), Léonor Leprêtre (La Gloire), Adèle Cartier (Vénus), Fabrice Maurin, Jean-Sébastien Nicolas (Deux Africains), Chœur de l’Académie baroque, Philippe Le Corf (direction), Stradivaria, Daniel Cuiller (direction)
Enregistré en public au Théâtre Graslin de Nantes (mai 2007) – 140’
Album de deux disques Mirare MIR 058 (distribué par harmonia mundi) – Notice et traduction trilingues des textes chantés (français, anglais, allemand) de Daniel Cuiller





Que d’œuvres Les Métamorphoses d’Ovide auront-elles pu inspirer ! Outre les multiples peintures de Nicolas Poussin, Hans Baldung ou Pierre Mignard que l’on peut admirer dans tel ou tel musée à travers le monde, elles donnèrent également des idées à de nombreux musiciens, qu’il s’agisse du cycle de symphonies éponyme dû à Carl Ditters von Dittersdorf ou d’opéras, comme Pirame et Thisbé composé par Johann Adolf Hasse ou, en l’occurrence, par François Francœur (1698-1787) et François Rebel (1701-1775). Ces deux compositeurs, deux amis avant tout, ont notamment été codirecteurs de l’Académie royale de musique de 1757 à 1767 et ont composé ensemble, outre le présent ouvrage, divers opéras parmi lesquels on peut citer Scanderberg (dont le personnage a également inspiré un certain Antonio Vivaldi…) et Le Prince de Noisy.

Pirame et Thisbé, épisode issu du Quatrième livre des Métamorphoses, qui fut notamment une source fondamentale pour Shakespeare dans son drame Roméo et Juliette, conte l’histoire de deux jeunes Assyriens qui, passionnément amoureux l’un de l’autre, ne pouvaient néanmoins donner libre cours à leur passion, leurs parents respectifs y mettant sans cesse obstacle. Ayant décidé de se retrouver un soir hors de la ville de Babylone, Thisbé fut attaquée et mise en fuite par une lionne sur le lieu du rendez-vous. Dans sa précipitation, elle laissa tomber son voile ; Pirame (que l’on trouve parfois écrit « Pyrame »), arrivé peu après, trouva l’étole déchiquetée et la lionne au mufle ensanglanté par la proie qu’elle venait de dévorer avant de faire fuir la jeune femme. Pensant que cette dernière venait d’être tuée, Pirame se suicide ; Thisbé, revenue sur les lieux, voyant son amant en train d’agoniser, se suicide à son tour. Le librettiste Jean-Louis-Ignace de La Serre (1662-1756) reprit la trame principale de l’histoire tout en y instillant plusieurs éléments nouveaux (la jalousie d’un roi remplace ici le féroce félin initial), notamment d’ordre divin : telle est la base sur laquelle Francœur et Rebel composèrent leur opéra.


Ce qui étonne en premier lieu, c’est la musique ! Alors que Francœur et Rebel souhaitent s’inscrire dans une longue tradition française, se plaçant d’ailleurs eux-mêmes sous la figure tutélaire de Jean-Baptiste Lully, l’orchestration renvoie, en plus d’une occasion, davantage à Haendel qu’à l’auteur des Métamorphoses de Psyché… Tel est par exemple le cas du début du Prologue ou à la seconde scène de celui-ci (l’intervention des flûtes renvoyant immédiatement à la scène du jardin au premier acte de Rinaldo). Se peut-il qu’ils aient eu connaissance de l’œuvre de Haendel qui, en 1726, a déjà composé Rinaldo et Rodelinda, entre autres chefs-d’œuvre ? On peut légitimement le penser tant l’influence paraît, en plus d’une occasion, évidente. Sous la houlette de Daniel Cuiller, l’ensemble Stradivaria est excellent de bout en bout, veillant à la justesse des timbres et des intentions, propres à illustrer telle ou telle atmosphère particulière (les flûtes à la scène 5 de l’Acte III par exemple). Les interventions du chœur de l’Académie baroque doivent également être soulignées car elles contribuent pour une large part à la qualité de ces représentations nantaises. Qu’il s’agisse du début de la scène 4 de l’Acte I (chœur de la troupe des peuples) ou de l’Acte III dans son ensemble, il est un partenaire de choix tant pour l’orchestre que pour les solistes.


Parmi ces derniers, commençons par les héros : Thomas Dolié (Pirame) et Judith Van Wanroij (Thisbé). Même si l’imagination vocale n’est pas toujours la première qualité de cette partition, tous deux chantent avec un indéniable talent les rôles qui leur sont confiés ; ainsi, l’intervention de Pirame à la scène 3 de l’Acte III vaut-elle, à elle seule, l’écoute de l’œuvre tant elle est poignante et subtile. L’Acte III compte également un magnifique duo entre les deux amants (scène 2) qui mérite qu’on s’y arrête avec attention. Certains autres personnages doivent en outre être remarqués. Ainsi, Katia Velletaz (Zoraïde), dans son air « Arrête tu dédaignes ma main et disposes de moi » à la fin de la scène 5 de l’Acte II, ou Jean Teitgen (Zoroastre), dans le beau trio de la scène 4 à l’Acte IV, méritent eux aussi des éloges flatteurs. Signalons enfin la justesse du chant de l’Africain (scène 4 de l’Acte I), dont on ne sait d’ailleurs pas s’il est tenu, dans l’enregistrement, par Fabrice Maurin ou Jean-Sébastien Nicolas… Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes si on s’arrêtait là ; malheureusement, reste le personnage de Ninus. Sans vouloir faire preuve d’une sévérité excessive ou gratuite, on est abasourdi d’entendre un chanteur, Jeffrey Thompson, qui vient à ce point dépareiller un ensemble jusque-là cohérent et irréprochable. Il ne chante pas : il crie, braille (ses airs « Les Mèdes désarmés… » et « Je serais moins perfide si Zoraïde m’aimait moins » à la scène 5 de l’Acte II) ou caricature à l’envi (« Pirame, tu me rends parjure » à la scène 6 de l’Acte II). Il est difficile de trouver un mérite quelconque à ses interventions qui nuisent davantage à cette tragédie qu’elles ne l’embellissent. Cela dit, si on en revient à l’essentiel, la conclusion est néanmoins évidente : en dépit de ce dernier chanteur, Pirame et Thisbé mérite d’être écouté et redécouvert même si, chacun en conviendra, il ne s’agit pas d’un authentique chef-d’œuvre...


Sébastien Gauthier

 

 

 

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