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07/28/2008
Mateo Flecha : El Fuego – La Justa – La Guerra – La Negrina
Correa de Arauxo: Tiento de 6o tono
Juan Vásquez :Por vida de mis ojos – En la fuente del Rosel – ¿ Con qué la lavaré ?
Sebastián Aguilera de Heredia : Tiento de batalla de 8o tono

Les Sacqueboutiers : Adriana Fernandez (soprano), David Sagastume (alto), Lluis Vilámájo (ténor), Ivan Garcia (basse), Jean-Pierre Canihac (cornet à bouquin), Philippe Canguilhem (chalemie), Daniel Lassalle (sacqueboute), Laurent Le Chenadec (dulcian), Eduardo Egüez (guitare, viole, théorbe), Yasuko Bouvard (orgue), David Mayoral et Florent Tisseyre (percussions)
Enregistré à Toulouse (septembre 2005) – 66’25
Ambroisie AM 129 (distribué par Naïve) – Notice et traduction des textes chantés bilingues (français, anglais) de Jean-Pierre Canihac





Le portrait figurant sur la couverture de ce disque est un tableau de Giuseppe Arcimboldo : Le Feu. Bien plus qu’un renvoi au premier titre du disque, il illustre magnifiquement ce que peut être cette musique espagnole au tournant des XVIe et XVIIe siècles : une musique ardente, virevoltante mais qui sait également être sage, voire fruste dans les tonalités, manquant parfois de recherche dans les agencements rythmique et mélodique. Les pièces ici présentées sont des ensaladas (que l’on peut justement traduire par salades musicales), c’est-à-dire des compositions sur des vers d’inspiration généralement religieuse, qui, sans veiller à respecter la moindre métrique, empruntent à des styles différents (chants populaires, musique plus ou moins savante) et mêlent aussi bien le castillan que le latin…


La première œuvre figurant dans ce disque a été composée par Mateo Flecha (1481-1553), dit l’Ancien. Compositeur pour les offices de la cathédrale de Lleida en 1523-1525, il entra ensuite au service de grands nobles, dont le duc Diego Hurtado de Mendoza (chef militaire castillan), avant de devenir, de 1544 à 1548, le précepteur et maître de musique des filles du roi Philippe II d’Espagne. Son neveu, Mateo Flecha dit le Jeune, publia en 1581 six des onze ensaladascomposées par son oncle (on a ici la chance d’en entendre quatre). La première, El Fuego (le Feu), est une allégorie sur le thème du péché relatant les tensions entre le Ciel et l’Enfer, interprétée par les quatre voix (on remarquera le magnifique timbre du ténor Lluis Vilámájo, notamment dans l’appel « Fuego, fuego, fuego, fuego ») et l’ensemble des instrumentistes. Cette ensalada s’avère tout à fait remarquable en raison de sa grande variété rythmique (la mélodie étant jouée de façon classique puis à contretemps à partir de « Y aiúdennos a matar ») et mélodique, les climats passant du festif (« ¡ Corred corred pecadores ! ») à la stricte épure religieuse (« este mundo donde andamos »), les chants étant alors seulement accompagnés de l’orgue, de la guitare ou de la vihuela (sorte de viole pouvant être jouée aussi bien à l’archet que sous forme de cordes pincées). Deuxième ensalada de Flecha au programme, La Justa (la Joute) est également destinée à l’ensemble des chanteurs et instrumentistes. Comme son nom le laisse entendre, elle relate le combat entre le Bien (représenté par les voix de la soprano et de l’alto, doublées par la chalemie, instrument de la famille du hautbois) et le Mal (illustré par les ténor et basse, doublés par le dulcian, ancêtre du basson). Ce morceau mérite une écoute attentive en raison de la combinaison extrêmement recherchée qui existe entre instruments et voix, les premiers annonçant les seconds ou leur répondant (notamment dans le passage « ¡ Ojo ! ¡ Alerta compañero, que ya tocan las trompetas ! »). La Guerra illustre les combats entre l’armée du roi David et celle de Lucifer. Dès l’introduction, confiée aux seuls tambours, l’atmosphère se veut violente et exubérante (avec force onomatopées de la part des chanteurs) ; pourtant, Mateo Flecha distille ça et là quelques passages d’une étonnante douceur, les cuivres n’intervenant qu’en sourdine (écoutez le superbe passage « Pues nascistes, rey del cielo, acá en la tierra… » !) sans que cela n’altère le discours général de la pièce. La dernière ensalada de Flecha s’intitule La Negrina. Alliant, comme le précise Jean-Pierre Canihac dans la notice du disque, chanson populaire castillane et chanson d’inspiration africaine dans laquelle un esclave africain implore la Vierge noire de Montserrat (les percussions intervenant à cette occasion de façon très moderne pour accompagner la belle voix d’Ivan Garcia), cette pièce conclut de très belle façon cet hommage rendu à un compositeur sans conteste imaginatif et inspiré.


Le morceau Tiento de 6o tono a été écrit par un certain Correa de Arauxo (1575-1663). Ce compositeur fut avant tout un organiste réputé, officiant à l’église de San Salvador de Séville de 1599 à 1636, puis à celle de Saint Jean jusqu’en 1640 avant de prendre les orgues de la cathédrale de Ségovie jusqu’à sa mort, dont l’année est encore à ce jour discutée… Purement orchestrale, il s’agit d’une ministrile typique de cette époque : cette pièce exécutée par un ensemble à vents servait généralement d’accompagnement du chœur lors des cérémonies religieuses. On écoutera plus particulièrement la dernière partie où les vents échangent entre eux sur fond de rythme lancinant joué par le dulcian, le reste présentant un moindre intérêt.


Juan Vásquez (1500-1560) composa Por vida de mis ojos (Aussi sûrs que mes yeux vous voient) à l’attention des seuls chanteurs. Là encore, on sait peu de choses de ce compositeur : est-il né en 1500 ou en 1510 à Badajoz ? Est-il vraiment décédé en 1560 ? On s’accorde néanmoins pour dire qu’il aurait partagé son existence entre ses talents de chanteur et ses fonctions de maître de chapelle, notamment à la cathédrale de Badajoz où il aurait officié de 1545 à 1551. Ce bref morceau (moins de trois minutes) est une chanson d’amour dont l’attrait réside moins dans le texte que dans la déclamation qui relève davantage de la prière que de la sérénade au balcon… Si la brève mélodie En la fuente del Rosel narrant les jeux d’eau d’une jeune femme et de son prétendant s’avère également de peu d’intérêt, on prêtera, en revanche, une oreille attentive au morceau ¿ Con qué la lavaré ?. De style galant, il sollicite les seuls cornet, théorbe et orgue dans une infinie délicatesse qui renvoie à une atmosphère résolument intimiste tel que pourra également l’illustrer, mais avec accompagnement vocal cette fois-ci, Alonso Mudarra (on écoutera à cet effet le beau disque Ay Luna réalisé par Guillemette Laurens et l’ensemble Unda Maris chez Alpha).


La vie de Sebastián Aguilera de Heredia est aussi incertaine que celle de Vásquez. Peut-être né à Saragosse en 1561 (d’autres sources avancent qu’il n’aurait vu le jour qu’en 1570), il fut attaché à la cathédrale de sa ville natale comme compositeur et organiste. Mort en 1627, il appartient déjà, à bien des égards, au monde musical baroque, ce qui transparaît notamment dans ses compositions pour orgue. Le morceau qu’il nous est ici donné d’écouter est, là aussi, instrumental : l’introduction confiée aux vents laisse rapidement place à une ritournelle confiée à l’orgue accompagné du tambourin. Si la virtuosité du cornet est fréquemment mise en exergue, cette pièce mineure privilégie la confrontation des sonorités avant de se terminer de façon quelque peu inaboutie, pour ne pas dire maladroite.


Remercions néanmoins les interprètes et l’éditeur de ce beau disque qui, notamment à travers l’œuvre de Mateo Flecha, nous font découvrir tout un pan de la musique espagnole dont l’influence a innervé l’ensemble de l’Europe au cours des siècles suivants.


Le site des Sacqueboutiers


Sébastien Gauthier

 

 

 

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