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«Miroir, mon beau miroir...»

Versailles
Opéra royal
07/06/2014 -  
Georg Friedrich Händel : Il Trionfo del Tempo e del Desinganno, HWV 46
Roberta Invernizzi (Bellezza), Yetzabel Arias Fernandez (Piacere), Martin Oro (Disinganno), Krystian Adam (Tempo)
La Risonanza, Fabio Bonizzoni (clavecin, orgue et direction)


F. Bonizzoni (© Marco Borggreve)


Comme on en a désormais l’habitude, le mois de juin et le début du mois de juillet concluent de la plus belle manière la saison musicale organisée par «Château de Versailles Spectacles», en attendant la saison 2014-2015 qui verra se produire notamment Philippe Jaroussky, Max Emanuel Cencic, Hervé Niquet, Raphaël Pichon, William Christie, Christophe Rousset et de nombreux autres.


Cette année, l’œuvre conclusive était un oratorio de Georg Friedrich Händel (1685-1759) très rarement donné, Il Trionfo del Tempo e del Desinganno (1707). Après être notamment passé à Florence, Händel arrive à Rome à la toute fin de l’année 1706 où, en peu de temps, il entre dans le cercle des musiciens accueillis à la cour de Pietro Ottoboni, qui avait été nommé cardinal par son oncle, le pape Alexandre VIII. Cette période est importante pour le compositeur saxon, rapidement surnommé Il Caro Sassone, puisqu’il y fait la connaissance d’Arcangelo Corelli et qu’il compose à cette époque des œuvres importantes, comme le Dixit Dominus en avril 1707. C’est donc sur un livret de Benedetto Pamphili (lui aussi cardinal, neveu du pape Innocent X), poète à ses heures, qu’il compose l’oratorio Il Trionfo del Tempo e del Desinganno, partition qu’il remanie à deux reprises en 1737 et 1757.


L’histoire narre la joute que se font le Plaisir, qui ne cesse de flatter la Beauté, et le Temps et la Désillusion qui, au contraire, rappellent à la Beauté qu’elle n’est qu’éphémère. La Désillusion tout particulièrement lui signale que le Temps la ronge continument, suscitant chez la Beauté quelques doutes de voir toujours aussi bien le Temps que la Désillusion l’accompagner. Tandis que le Temps incite la Beauté à ouvrir, au sens propre du terme, les yeux afin de contempler la Vérité, le Plaisir la pousse au contraire à garder les yeux fermés. Alors que, de son côté, la Désillusion estime que le vrai Plaisir est celui que l’on affronte en connaissance de cause et non en feignant d’ignorer le temps qui s’écoule, la Beauté prend tout à coup conscience de ce qu’elle n’est que passé, devenue désormais hideuse, chassant finalement le Plaisir qui l’avait si longtemps trompée.


Contrairement à d’autres œuvres de Händel, point d’orchestre foisonnant ici: quatorze musiciens, outre le chef, qui jouent essentiellement des instruments à cordes. Et pourtant, quelle partition! Dès la Sonata faisant office d’ouverture (qui sera d’ailleurs reprise en guise d’introduction pour l’oratorio La Resurezzione composé en avril 1708), l’orchestre de La Risonanza est tout à son aise grâce notamment à un excellent violon solo en la personne de Carlo Lazzaroni. On admire à chaque instant ses prestations solistes, tout spécialement dans l’air de Bellezza «Il Tempo non si vede», où œuvrent également avec beaucoup d’agilité les autres cordes. On soulignera également les deux très bons hautboïstes (notamment Emiliano Rodolfi, en charge des solos) ainsi que Caterina Dell’Agnello au violoncelle solo, qui fait aussi bien preuve d’une dextérité à toute épreuve (dans l’air de Tempo «E ben folle quel nocchier») que d’une musicalité tout en finesse, en particulier dans un air sublime de Bellezza, «Io vorrei due cori in seno». On n’oubliera pas enfin Fabio Bonizzoni qui, s’il aurait parfois pu diriger son orchestre de manière un peu plus dynamique, a parfaitement conduit l’ensemble, s’illustrant aussi bien au clavecin qu’à l’orgue.


Les quatre chanteurs furent au diapason de l’orchestre, intervenant chacun à très bon escient, l’oratorio ne connaissant pas de rôle qui écraserait les autres même si Bellezza est au centre de l’intrigue. Roberta Invernizzi, qui a jadis chanté le rôle de Piacere dans une production londonienne, incarnait cette fois-ci la Beauté. Son agilité vocale (l’air «Una schiera di piaceri»), les tourments qu’elle parvient sans peine à exprimer (l’air «Io sperai trovar nel vero») ou son superbe air conclusif, quasiment un air de rédemption («Tu del Ciel ministro eletto»), ont permis à Roberta Invernizzi d’illuminer ce rôle au dramatisme patenté. A ses côtés, Yetzabel Arias Fernandez est également excellente, notamment dans l’air tant attendu «Lascia la spina» que Händel reprendra dans Rinaldo, en février 1711, pour le confier à Almirena (scène 4 de l’acte II). Les deux voix masculines, tout en étant également très convaincantes, se situent peut-être légèrement en-deçà. Ainsi, Martin Oro, dans le rôle si difficile de Disinganno, force un peu la voix (notamment dans l’air «Crede l’uom ch’egli riposi») ou fait preuve d’une certaine platitude dans le chant mais nous livre par ailleurs de splendides moments comme dans l’air «Più non cura valle oscura» où, épaulé par les deux flûtes à bec, il distille une superbe dynamique sous-jacente dans une mélodie d’une incroyable douceur. Quant à Krystian Adam, on regrettera parfois un léger manque d’intériorité, le chanteur ayant tendance à théâtraliser de manière quelque peu excessive ses interventions. Pour autant, là aussi, il fut un acteur important de la réussite de cet oratorio qui, devant l’enthousiasme du public, conduisit les artistes à bisser l’air «Vogli Tempo per risolvere», où s’entremêlent les quatre voix: très belle conclusion d’un non moins beau concert!


Le site de l’ensemble La Risonanza



Sébastien Gauthier

 

 

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