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Grandiose clôture

Paris
Saint-Denis (Basilique)
06/26/2014 -  et 27* juin 2014
Felix Mendelssohn : Elias, opus 70
Lucy Crowe (soprano), Christianne Stotijn (alto), Rainer Trost (ténor), Michael Nagy (baryton), Armand Stykgold (L’enfant), Kareen Durand (soprano I), Barbara Vignudelli (soprano II), Laure Dugué (alto I), Tatiana Martynova (alto II)
Chœur de Radio France, Denis Comtet (chef de chœur), Orchestre national de France, Daniele Gatti (direction)


M. Nagy (© David Maurer)


Ce vendredi 27 juin marquait la fin de l’édition 2014 du festival de Saint-Denis qui, en l’espace de moins d’un mois, aura permis d’entendre aussi bien la Résurrection de Mahler sous la baguette du jeune chef américain James Gaffigan que la Petite Messe solennelle de Rossini dirigée par Ottavio Dantone, le programme alliant également musiques métis ou berbères et répertoire baroque (Il diluvio universale de Falvetti dirigé par Leonardo García Alarcón), pièces symphoniques ou concertantes et musique de chambre... Pour ces deux derniers concerts, donnés jeudi 26 juin et ce vendredi, Daniele Gatti retrouvait son Orchestre national de France pour une œuvre très rarement jouée, l’oratorio Elias de Felix Mendelssohn (1809-1847).


L’univers de l’oratorio n’est pas nouveau pour Mendelssohn, qui avait déjà composé la grande fresque Paulus en 1836. Au vu du succès remporté, il souhaita immédiatement composer un autre oratorio mais Elias ne fut créé que dix ans plus tard, en 1846, déchaînant encore une fois l’enthousiasme au point que lors de la création, quatre airs et quatre chœurs furent bissés. Le personnage central est donc le prophète Elie qui, de façon quelque peu étrange d’ailleurs, apparaît immédiatement, précédant la longue introduction orchestrale qui conduit elle-même à un chœur monumental. Les deux parties de l’œuvre alternent ainsi avec beaucoup de recherche les différentes atmosphères narrées par le récit inspiré du Premier Livre des Rois, qui décrit notamment comment Elie avertit le Roi Achab de la venue d’une sécheresse qui devrait durer trois ans, comment il se fait nourrir par une veuve qui le sauve ainsi d’une mort certaine, comment il s’élève contre les prêtres de Baal qu’il tue par centaines et, enfin, comment, face aux menaces de mort proférées à son encontre par le Reine Jézabel, il rejoint le Ciel pour être aux côtés de Dieu.


L’Orchestre national de France connaît cet oratorio, qu’il a joué sous la direction de son ancien directeur musical Kurt Masur en 2003 et en janvier 2009, à l’occasion du bicentenaire de la naissance de Mendelssohn, l’orchestre ayant d’ailleurs conclu cette même année 2009 par un tout aussi resplendissant Paulus. On n’y attendait peut-être pas Daniele Gatti en revanche qui, jusqu’à présent, n’a guère montré d’affinités avec le compositeur allemand, contrairement à Masur qui, notamment lorsqu’il était directeur de l’Orchestre du Gewandhaus de Leipzig, en avait fait un de ses compositeurs favoris. Et pourtant, on aura eu ici un très grand concert, prouvant encore une fois que le National peut se hisser à un superbe niveau quand il est galvanisé de la sorte. Car la direction de Gatti est impressionnante: sachant ne plus diriger lorsque cela s’avère inutile, sachant toujours relancer lorsque la partition le commande – quelle puissance dans l’impulsion donnée au pupitre de contrebasses pour l’air d’Elie «Ist nicht des Herrn Wort wie ein Feuer» dans la première partie! –, le chef italien préserve d’un bout à l’autre l’équilibre entre le chœur et l’orchestre, qui est parfois prêt d’être couvert par les voix comme dans le passage «Fürchte dich nicht, spricht unser Gott» au début de la seconde partie, et galvanise véritablement l’ensemble de ses troupes. Chacun aura d’ailleurs pu constater, ce qui n’est pas toujours le cas, le plaisir de l’ensemble des artistes de la soirée à donner cette œuvre, les instrumentistes se regardant fréquemment, les solistes vocaux souriant à certains passages orchestraux...


Car l’orchestre mérite effectivement de grands éloges pour jouer avec autant de réussite une partition aussi foisonnante où les sonneries des trompettes (dans l’air d’Elie «Ich verwirrte Israel nicht») sont aussi marquantes que les trépignements des cordes censées illustrer le crépitement des flammes et des étincelles du feu qu’annonce le Peuple dans le passage «Das Feuer fiel herab! Feuer!». On ne peut non plus passer sous silence les nombreuses interventions des bois qui accompagnent avec délice les solistes, mention spécifique aux clarinettes et au hautbois dans l’air superbe d’Elie «Ja, es sollen, wohl Berge weichen und Hügel hinfallen». Le Chœur de Radio France aura également été parfaitement à la hauteur d’une œuvre qui le sollicite de manière constante et dont Gatti peint avec justesse la théâtralité: là aussi, on se plait à constater son excellence qui ne se dément guère au fil de ses prestations.


Côté solistes, et sans grande surprise, le triomphateur de la soirée fut évidemment Michael Nagy dans le rôle-titre d’Elie. La moindre de ses interventions se caractérisa par une indéniable justesse de ton, la douceur de certaines paroles pouvant laisser tout d’un coup la place à une rage sourde où le chant devient presque suffocation comme dans le magnifique passage qui fait se succéder les airs «Rufet lauter!» et «Herr, Gott Abrahams, Isaaks und Israels». Le public ne s’y est d’ailleurs pas trompé au moment des saluts, le gratifiant d’une ovation amplement méritée. Si Rainer Trost fut également plus que satisfaisant en incarnant tant le roi Achab que le serviteur Abdias, la déception de la soirée vint dans une certaine mesure de Christianne Stotijn, que l’on attendait pourtant beaucoup dans ce rôle. Même si sa voix est émouvante (son premier récitatif «Elias, gehe weg von hinnen und wende») ou si elle incarne ses rôles avec passion (quel art dans cette façon de légèrement hésiter en prononçant le mot «aber» dans l’air «Weh ihnen, dass sie von mir weichen!»), elle manque souvent de graves et son chant confine parfois à la stricte neutralité d’un medium sans âme. En revanche, excellente prestation de la soprano Lucy Crowe, lumineuse et radieuse tout au long de l’oratorio. Enfin, on fera une mention spéciale au tout jeune Armand Stykgold, soliste de la Maîtrise de Radio France, qui, dans le rôle de l’enfant (qui ne cesse de dire à Elie que la pluie promise par Dieu n’arrive pas jusqu’à ce que, finalement, l’orage éclate enfin), fut extrêmement touchant.


Signalons à ceux qui auraient raté ces deux concerts que la représentation du vendredi a été filmée et peut donc être visionnée sur le site d’Arte en attendant peut-être un jour sa diffusion télévisée comme ce fut le cas, il y a deux ans et à un jour près, avec le Requiem de Berlioz.


Le site de Daniele Gatti
Le site de Christianne Stotjin



Sébastien Gauthier

 

 

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