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Un conte alpin qui n’atteint pas les sommets Geneva Grand Théâtre 06/18/2014 - et 20, 22, 24, 26, 28 juin 2014 Alfredo Catalani : La Wally Ainhoa Arteta*/Morenike Fadayomi (Wally), Balint Szabo (Stromminger), Vitaliy Bilyy (Vincenzo Gellner), Yonghoon Lee (Giuseppe Hagenbach), Ivanna Lesyk-Sadivska (Walter), Ahlima Mhamdi (Afra), Bruno Balmelli (Il Pedone)
Chœur du Grand Théâtre de Genève, Ching-Lien Wu (préparation), Orchestre de la Suisse Romande, Evelino Pidò (direction musicale)
Cesare Lievi (mise en scène), Ezio Toffolutti (décors et costumes), Gigi Saccomandi (lumières)
(© GTG/Carole Parodi)
La Wally est le cinquième et dernier opéra d’Alfredo Catalani (1854-1893), un contemporain de Puccini. L’ouvrage, basé sur un livret du jeune Luigi Illica, a été créé à la Scala de Milan en janvier 1892, création qui a débouché sur un certain succès. Le chef Arturo Toscanini, l’un des plus fervents admirateurs du compositeur, a dirigé une reprise à Milan en 1907, avant de faire entrer la partition au répertoire du Met de New York en 1909. Puis, hormis l’ouverture de la saison de la Scala en 1953, avec rien moins que Renata Tebaldi, Renata Scotto et Mario Del Monaco sous la direction de Carlo Maria Giulini, l’œuvre n’a guère été représentée, ni en Italie ni ailleurs. Assez curieusement, il semblerait qu’elle n’ait encore jamais été donnée en France, où l’on ne connaît que l’air le plus célèbre de l’héroïne (« Ebben, ne andrò lontana »), qui figure au programme de nombreux récitals de sopranos et qui a été popularisé par le film Diva (1981) de Jean-Jacques Beinex. Il faut donc savoir gré au Grand Théâtre de Genève d’avoir choisi un titre aussi rare pour mettre un terme à sa saison 2013-2014. Cela dit, si un opéra est vite oublié, ce n’est jamais vraiment par hasard... La Wally cumule le double désavantage d’être plutôt fade et sans rythme sur le plan dramatique, et peu inspiré sur le plan musical, mis à part le grand air que tout le monde attend ainsi que le duo final. Tout le reste semble aujourd’hui bien naïf et suranné dans cette histoire d’amour et de trahison sur fond de montagnes tyroliennes.
Représenter La Wally exige donc des ressources musicales, vocales et scéniques de premier ordre pour compenser les faiblesses de l’œuvre. Or ce n’est pas le cas du Grand Théâtre de Genève. A la tête de l’Orchestre de la Suisse Romande, Evelino Pidò offre une lecture sans grand relief et ne peut éviter ni les flottements ni les décalages entre la fosse et le plateau ; dans les passages « fortissimi » de surcroît, il couvre parfois les chanteurs. Les décors en toile hyper réalistes représentant des montagnes et des forêts conçus par Ezio Toffolutti font sourire. Cette imagerie tyrolienne de carte postale appartient à l’opéra de grand-papa, à moins que l’intention ne soit de représenter l’œuvre dans les conditions de sa création. Quoi qu’il en soit, le metteur en scène Cesare Lievi signe une production plutôt statique, sans caractérisation fouillée des personnages. Par ailleurs, le changement de décors à vue entre le premier et le deuxième acte est interminable et casse le rythme de la soirée, qui peine déjà à décoller... Dans le rôle-titre, Ainhoa Arteta dégage un charisme certain et fait preuve à la fois de douceur et d’intensité dans son grand air, mais la voix paraît bien fatiguée, sur la réserve (le trac de la première ?), et surtout manque cruellement d’ampleur. Le ténor coréen Yonghoon Lee ne dispose pas du timbre le plus séduisant qui soit et est un adepte du chant en force, ne connaissant apparemment aucune nuance. Seuls les rôles secondaires s’en tirent avec les honneurs : malgré des sonorités slaves, Vitaliy Bilyy incarne un Gellner de belle tenue, au chant nuancé et au « legato » exemplaire, Ivanna Lesyk-Sadivska confère fraîcheur et jeunesse au personnage de Willy, alors qu’Ahlima Mhamdi campe une Afra élégante et digne. Il convient aussi de relever, comme toujours à Genève, la superbe prestation du chœur.
Tout compte fait, les motifs de réjouissance sont peu nombreux. Le Grand Théâtre de Genève n’a pas eu la main heureuse en prenant le risque d’exhumer La Wally.
Claudio Poloni
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