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Ascension musicale Paris Eglise Saint-Roch 06/12/2014 - et 4 (Antwerpen), 5 (Bruxelles), 6 (Gent), 7 (Amsterdam), 10 (Dresden), 11 (Lyon) juin 2014 Johann Sebastian Bach : Cantates BWV 43 «Gott fähret auf mit Jauchzen» et BWV 6 «Bleib bei uns, denn es will Abend werden» – Himmelsfahrts-Oratorium, BWV 11
Johann Michael Bach : Ach bleib bei uns, Herr Jesu Christ Dorothee Mields (soprano), Damien Guillon (alto), Thomas Hobbs (ténor), Peter Kooij (basse)
Collegium vocale Gent, Philippe Herreweghe (direction)
D. Guillon
Philippe Herreweghe dirigeant Johann Sebastian Bach (1685-1750) en l’église Saint-Roch: l’affiche est connue. Depuis de nombreuses années, en effet, sous la houlette de Philippe Maillard, ce rendez-vous annuel est attendu par les mélomanes fidèles qui ont ainsi pu entendre des concerts où le chef flamand dirigea des cantates en vue de préparer la Semaine sainte (voir ici), des cycles de cantates réunissant à la fois Bach et son illustre prédécesseur Heinrich Schütz (voir ici et ici), de vastes fresques comme ce fut le cas pour l’Oratorio de Pâques ou la Messe en si mineur, sans oublier ce poignant concert dédié de nouveau à des cantates de Bach, quelques jours après la disparition de Gustav Leonhardt (voir ici). Autant dire que les artistes de la soirée sont des habitués des lieux et c’est d’ailleurs avec sourire qu’on voit converser sur scène Philippe Herreweghe et Marcel Ponseele, moins de vingt minutes avant le début du concert, tandis qu’arrivent tranquillement spectateurs, musiciens et choristes pour une soirée qui était tout entière dédiée à l’Ascension. Signalons immédiatement que ce même programme a été maintes fois rodé puisque donné les jours précédents aussi bien en Belgique (Anvers, Bruxelles, Gand) qu’à Amsterdam, Dresde puis Lyon avant de l’être, une dernière fois donc, à Paris.
Bach a consacré à l’Ascension trois cantates (numérotées BWV 37, 43 et 128) composées dans les années 1724-1726 et un oratorio, écrit plus tardivement et vraisemblablement exécuté pour la première fois en mai 1735. Bénéficiant d’un instrumentarium conséquent (aux cordes et à la basse continue se joignent ainsi deux hautbois, trois trompettes et des timbales), cette œuvre fait intervenir chaque soliste successivement dans un récitatif et un air, la cantate s’ouvrant et se concluant classiquement par un chœur. Comme y incitent les paroles d’ouverture («Dieu s’élève dans des cris d’allégresse et le Seigneur au son clair de la trompette. Glorifiez Dieu! Glorifiez votre Roi!»), le chœur du Collegium vocale de Gand – à seulement trois chanteurs par partie, dont les quatre solistes – s’inscrit immédiatement dans ce climat festif, l’orchestre vibrant de la même manière. Si les solistes sont tous très bons, on retiendra surtout à ce stade la prestation de Peter Kooij dans son air «Er ists, der ganz allein», accompagné par l’excellent jeune trompettiste hongrois Rudolf Lörinc (né en 1986), et l’air chanté «Ich sehe schon im Geist» par le toujours très juste Damien Guillon, accompagné pour sa part avec tact par les deux hautbois, le basson et la basse continue.
La Cantate BWV 6 «Bleib bei uns, denn es will Abend werden» («Demeure parmi nous car le soir approche») est remarquable en raison de l’intervention de deux instruments auxquels Bach a eu plusieurs fois recours: le hautbois da caccia (hautbois de chasse, tenu par l’inamovible Marcel Ponseele et qui accompagne ici l’aria de l’alto) et le violoncelle piccolo (joué par la tout aussi fidèle Ageet Zweistra et que l’on peut, par exemple, également entendre dans les Cantates BWV 41 et BWV 68). Bien que d’une durée fort brève, cette cantate condense tout le génie du Cantor de Leipzig qui, après un chœur introductif tout empli d’imploration, fait intervenir de façon millimétrée solistes et instruments pour la plus grande gloire du Seigneur.
La seconde partie du concert, après un bref raccord des musiciens, débutait par une œuvre de Johann Michael Bach (1648-1694), qui n’était autre que le beau-père de Johann Sebastian, la première femme de ce dernier étant la fille de Johann Michael. Œuvre brève ici aussi, mais fort expressive, elle frappe par son dépouillement puisque, hormis les quatre solistes vocaux, elle ne fait appel qu’à deux violons, deux altos et la basse continue.
Dépouillement d’autant plus facile à remarquer que la pièce conclusive de ce concert, l’Oratorio de l’Ascension, fait, lui en revanche, appel à un orchestre et à des effectifs choraux conséquents (aux deux hautbois et aux trois trompettes se sont notamment ajoutées deux flûtes traversières). Philippe Herreweghe l’avait déjà dirigé en cette même église Saint-Roch, au mois de mai 2008: on a évidemment retrouvé, ce soir, les qualités que ce chef avait déjà démontrées tant lors de cette précédente interprétation que dans son superbe enregistrement réalisé pour Harmonia Mundi en mai 1993 avec, déjà, Peter Kooij comme basse soliste. Thomas Hobbs est un excellent Evangéliste après que le chœur d’ouverture, brillant sans emphase inutile, a parfaitement empli l’acoustique parfois capricieuse de cette église située au cœur du Ier arrondissement de Paris. D’une gestique toujours aussi particulière et pas forcément aisée à décrypter, relançant l’orchestre par une simple inflexion du bras gauche, le laissant jouer seul au contraire et ne faisant que couver les chanteurs de son regard malicieux, Herreweghe emmène ses troupes sur des sommets qui culminent de nouveau avec Damien Guillon dans le célèbre air «Ach bleibe doch, mein liebstes Leben» que l’on entend également, presqu’à l’identique, dans la Messe en si.
L’enthousiasme du public lui aura permis d’entendre la reprise du chœur conclusif, en attendant la saison prochaine où Philippe Herreweghe dirigera non Bach mais Gesualdo, non à Saint-Roch mais à l’Oratoire du Louvre: la réussite ne devrait pas être moindre.
Le site du Collegium vocale de Gand
Le site de Damien Guillon
Le site de Thomas Hobbs
Le site de Peter Kooij
Sébastien Gauthier
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