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Consensus mou

Paris
Opéra Bastille
06/02/2014 -  et 5, 7, 9*, 12, 14, 17, 20 juin 2014
Giuseppe Verdi: La traviata
Diana Damrau (Violetta Valéry), Anna Pennisi (Flora Bervoix), Cornelia Oncioiu (Annina), Francesco Demuro (Alfredo Germont), Ludovic Tézier (Giorgio Germont), Gabriele Mangione (Gastone, Visconte de Letorières), Fabio Prefiati (Barone Douphol), Ignor Gnidii (Marchese d’Obigny), Nicolas Testé (Dottor Grenvil), Nicolas Marie (Giuseppe), Shin Jae Kim (Domestico), Jian-Hong Zhao (Commissionario)
Chœur et Orchestre de l’Opéra national de Paris, Daniel Oren (direction musicale)
Benoît Jacquot (mise en scène)


D. Damrau, L. Tézier (© Opéra national de Paris/Elisa Haberer)


On se souvient de la Violetta Piaf de Christine Schäfer, vocalement hors style, de Jonas Kaufmann réparant sa tondeuse, de José van Dam en piteux état: le travail de Christoph Marthaler, iconoclaste mais peu réussi, n’avait pas fait date (voir ici). On ne risque pas de lui comparer celui de Benoît Jacquot. Voici une production très traditionnelle, malgré la chorégraphie faussement moderne et assez ridicule de Bohémiennes et de matadors travestis: n’est pas Olivier Py qui veut. Si le romantisme allemand avait inspiré un beau Werther au cinéaste, l’opéra de Verdi ne le stimule guère. Certes cette scène partagée, aux deux premiers actes, entre l’intimité et la mondanité, avec un lit à la Nana exposé dans le salon au premier, un arbre à jardin et l’hôtel particulier de Flora à cour au second, montre bien comment oscillent la carrière et le cœur de la courtisane. Accrocher au lit l’Olympia de Manet, faire d’Annina un double de la servante noire sont des clins d’œil d’homme cultivé – à la fin, on a ficelé tableau et matelas pour les enchères. La mise en scène n’en reste pas moins pauvre, voire inexistante, faute de véritable idée. Benoît Jacquot a compris La Traviata, mais il n’a pas été plus loin, préférant le consensus mou – un Willy Decker a montré, à Salzbourg, qu’on pouvait, sans rien bousculer, se montrer très inventif. Les chœurs sont d’un désespérant statisme: signe de l’implacable mécanique de la machine à broyer les dévoyées? Père et amant le sont aussi, tristement livrés à eux-mêmes. Seule Violetta semble vivre sous nos yeux... grâce à la production ou grâce au talent de tragédienne de Diana Damrau?


On attendait beaucoup la soprano allemande, déjà Violetta pour Tcherniakov à la Scala. Curieusement, le premier acte de cette quatrième représentation montre en totale méforme celle qu’on sait pourtant parfaite technicienne: justesse relative, émission hétérogène, souffle court, notes escamotées à la fin de la cabalette pour lancer un contre-mi bémol pâlichon. Une Violetta sans premier acte... Tout change heureusement ensuite: la voix retrouve son assise, les registres se soudent, le médium est sans faiblesse pour cette tessiture beaucoup plus centrale, l’«Addio, del passato» maîtrise impeccablement la dynamique. On peut certes rêver style plus authentiquement belcantiste, timbre plus chaud, mais cette Traviata brûlée de l’intérieur, par la passion et par la maladie, toujours prête à lutter, nous émeut dans le sacrifice et l’agonie, malgré des poses parfois très fabriquées.


Elle a au moins un partenaire à sa hauteur: le Germont de Ludovic Tézier, voix royale pleinement épanouie, au timbre de plus en plus riche, phrasé noble et souple. Pour un peu, ce serait presque trop pour ce patriarche de province, petit-bourgeois chenu que le metteur en scène rend plus grisâtre que jamais. C’est en tout cas lui qui incarne le mieux le chant verdien – on pourrait seulement souhaiter qu’il raffine davantage ses nuances. Il aurait, en la matière, beaucoup à apprendre à son fils: l’émission haute, jusqu’au contre-ut de la cabalette, va fâcheusement de pair, chez Francesco Demuro, avec un chant peu châtié et une tendance au vérisme larmoyant, sans parler d’une dynamique presque exclusivement limitée au forte. Les seconds rôles sont bien tenus, en particulier l’Annina sensible de Cornelia Oncioiu et le Docteur de luxe de Nicolas Testé.


Daniel Oren, qui nous a donné de grandes joies, a raté sa Traviata. L’aller-retour perpétuel entre des lenteurs assez racoleuses et de brusques accélérations crée une théâtralité très artificielle, malgré de beaux moments lyriques comme le Prélude du troisième acte. Tout paraît déséquilibré et distendu, au risque de mettre les chanteurs dans l’embarras.


C’est la dernière nouveauté du mandat abrégé de Nicolas Joel, qui s’achève sans gloire.



Didier van Moere

 

 

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